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Mine- Phosphate

Date de création: 14-06-2018 10:06
Dernière mise à jour: 14-06-2018 10:06
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INDUSTRIE- ETUDES ET ANALYSES- MINE- PHOSPHATE


© Par Pr Abderrahmane Mebtoul/www.algerie1.com/28 juillet 2016
Une émission de télévision, que je ne citerai pas, le 27 juillet 2016 m’a profondément choqué. Elle a fait intervenir quelques soi-disant experts qui affirmaient, sans retenue et sans analyse chiffrée que grâce à l’exportation du phosphate et du fer à l’état brut ou semi brut, l’Algérie fera face à la baisse du prix du pétrole : inconscience ou démagogie, induisant en erreur tant l’opinion publique que les décideurs du pays, comme ceux qui avaient promis au gouvernement un cours de pétrole à 70 dollars entre janvier et juin 2016 alors que le cours le 27 juillet 2016 a clôturé à 41,88 dollars le Wit et 43,84 dollars le Brent. Or, tant pour le phosphate que pour le fer (brut ou semi brut), la commercialisation dépend tant des contraintes d’environnement, du management stratégique interne, de la teneur chimique donc de leur pureté qui déterminent le coût d’’exploitation que de la croissance de l’économie mondiale et surtout de sa future structure avec la quatrième révolution industrielle qui se met progressivement en place 2017/2030. Suite à mes précédentes contributions, tout en remerciant Algerie1, de m’avoir permis d’éclairer objectivement l’opinion publique, ci-dessous une analyse, aidée par des experts, qui j’espère sera utile au gouvernement afin d’éviter les erreurs du passé qui se sont chiffrées en pertes évaluées à des milliards de dollars.

300 millions de dollars pour 3 millions de tonnes de phosphate exporté
1.-Pour le phosphate, c’est un élément clé entrant dans la composition des engrais qui sont d’une importance cruciale pour la sécurité alimentaire mondiale. Pour les réserves en phosphate, par ordre, le Maroc 50.000 millions de tonnes (Mt), la Chine 3700, l’Algérie 2200, la Syrie 1800, l’Afrique du Sud 1500, la Russie 1300, la Jordanie 1300, l’Egypte 1250, l’Australie 1030, les USA 1100, l’Arabie Saoudite 950. Pour la production 2015, nous avons total de 223 millions de tonnes (Mt) dont la Chine 100 Mt, le Maroc 30 Mt, les USA 27,6 Mt, l’Egypte 5,5 Mt, la Tunisie 4 Mt, l’Arabie Saoudite 3,3 Mt, Israël 3,3 Mt, l’Australie 2,6 Mt, le Vietnam 2,6 Mt, la Jordanie 2,5 Mt et Algérie 2,6 Mt. Le prix du phosphate brut a été divisé par trois depuis son pic de l’année 2008 ; ayant chuté de -43,2% depuis l’année 2011. Le prix mondial du phosphate brut est resté stabilisé autour de 115 dollars U.S (en moyenne mensuelle en 2015 ) la tonne métrique. Selon les prévisions de la Banque Mondiale, la tendance générale et à moyen terme des prix des produits phosphatés reste orientée à la baisse, le phosphate brut se négocierait en 2020 au tour de 80-85 dollars US la tonne métrique, celui du DAP autour de 377,5 dollars US la tonne métrique (contre $ 464 au mois d’avril 2015) et le TSP à près de 300 dollars U.S la tonne métrique contre $380 aujourd’hui. Ainsi si l’on exporte trois millions de tonnes de phosphate brut annuellement à un cours moyen de 100 dollars entre 2017/2020, nous aurons un chiffre d’affaire de 300 millions de dollars. Comme dans cette filière les charges sont très élevées (amortissement et charges salariales notamment) minimum de 40%, le profit net serait de 180 millions de dollars. En cas d’association avec un partenaire étranger selon la règle des 49/51%, le profit net restant à l’Algérie serait légèrement supérieur à 90 millions de dollars. Pour une exportation annuelle hypothétique en vitesse de croisière de 30 millions de tonnes an, ce qui supposerait de trouver des débouchés et un lourd investissement, le profit net ne dépasserait pas le un (1) milliard de dollars. On est loin des profits dans le domaine des hydrocarbures.

Pour accroitre le profit net, il faut donc se lancer dans des unités de transformation hautement capitalistiques avec des investissements lourds et à rentabilité à moyen terme avec une exportation de produits nobles. Ainsi, sur un marché aussi concurrentiel que l’UE, l’engrais /urée était vendue à plus de 350 euros la tonne en 2014 et a été coté le 27/07/2016 à 270 euros la tonne et le prix de l’ammoniac sur le marché mondial est très volatil pouvant varier ces trois dernières années entre 450 et à 600 euros la tonne soit entre quatre et cinq fois le brut. Mais pour une grande quantité exportable cela nécessite des investissements très lourds et à rentabilité à moyen terme pas avant 2020 si le projet se réalise en 2016. Et pour une importante quantité exportable, cela passe par un partenariat du fait du contrôle de cette filière par quelques firmes au niveau mondial. Par ailleurs, pour l’Algérie il faudra résoudre le problème du prix de cession du gaz qui ne saurait être aligné sur celui du marché et éviter les nombreux litiges. Dans ce cadre, je préconise à la suite de nombreux experts que la pétrochimie soit rattachée au Ministère Energie/Sonatrach pour plus de cohérence et d’efficacité, quitte à créer un secrétariat d’Etat des industries pétrochimiques. 180 millions de dollars pour 3 millions de tonnes de fer exporté 2.-Pour le fer, les réserves mondiales de fer évaluées selon les organismes internationaux à 85.000 millions de tonnes. L’Australie arrive en tête avec 24.000 Mt, suivie de la Russie 14.000 Mt, du Brésil 12.000 Mt, de la Chine 7200 Mt, de l’Inde 5200 Mt, des l’Etats Unis 3500 Mt, du Venezuela 2400 Mt, de l’Ukraine 2300 Mt, du Canada 2300 Mt et de la Suède 2200 Mt, l’Algérie n’étant pas citée dans les statistiques internationales mais selon les données algériennes pouvant varier ( (gisement exploitables) entre 1500 et 2000 Mt *. Pour la production de fer , la production mondiale de fer s’élève 3,32 milliards de tonnes , de très loin la Chine comme premier producteur suivie par l’Australie et le Brésil. On estime qu’il reste environ 75/80 ans de réserves mondiales de minerai de fer (au rythme d’exploitation actuel). La Chine est le leader du marché du minerai de fer, avec 1,38 milliard de tonnes de minerai extraites, loin derrière, l’Australie (824 Mt, le Brésil (428 Mt), l’Inde (129 Mt), et la Russie (112 Mt). Le prix du fer est fluctuant. Il a été coté le 27 juillet 2016 à 56 dollars la tonne métrique. Si l’on s’en tient aux statistiques de l’Union européenne en termes d’importation, les cours ont évolués ainsi : 84,49 euros la tonne métrique en janvier 2009, 116,84 en en janvier 2012, 83,77 en en janvier 2013, 96,27 en en janvier 2014, 63,51 en janvier 2015, 48,23 en janvier 2016 et il est prévu un prix à l’importation entre 50/58 euros entre septembre et décembre 2016 et la banque SCOTIA canadienne spécialisée dans l’évolution des cours des matières prévoient dans sa note de conjoncture du 06 juillet 2016, un prix international entre 48/50 dollars entre 2017/2018, tout dépendant surtout de la relance de l’économie chinoise, les aciéries chinoises absorbant 70 % de la demande mondiale du minerai de fer, entre 2014/2015. A un cours de 60 dollars la tonne, pour une exportation brute de 3 millions de tonnes/an , nous aurons un chiffre d’affaire de 180 millions de dollars auquel il faudra retirer 40% de charges ( le cout d’exploitions est très élevé) restant 108 millions de dollars à se partager selon la règle des 49/51%, restant à l’Algérie moins de 55 millions de dollars. Et même si on exportait 30 millions de tonnes/an, le profit net pour l’Algérie ne dépasserait pas 600 millions de dollars/an.
C’est que l’exploitation du fer de Ghar Djebilet nécessitera de grands investissements dans les centrales électriques, des réseaux de transport, une utilisation rationnelle de l’eau qui fait défaut ainsi que l’éloignement des sources d’approvisionnement, d’éviter la détérioration de l’environnement et surtout une formation pointue et là on revient à la ressource humaine, pilier de tout processus de développement. Donc, seule la transformation en produits nobles peut procurer une valeur ajoutée plus importante à l’exportation. Ainsi, le cours de l’acier est très fluctuant, s’établissant à 620 dollars la tonne le 22/07/2016 contre 580 dollars la tonne le 19/07/2016 et 449 dollars les douze derniers mois : aussi attention de ne pas renouveler les expériences négatives d’El Hadjar (idem pour le complexe de Rouiba), qui malgré les nombreuses promesses et les assainissements répétées est toujours en difficulté. Du fait de la structure oligopolistique de la filière mines, au niveau mondial, la seule solution est un partenariat gagnant/ gagnant avec les firmes de renom qui contrôlent les segments du marché international qui n’accepteront pas la règle restrictive des 49/51% avec les lourdeurs bureaucratiques, la souplesse et les décisions du temps réel régissant le commerce international (1).
L’utopie de croire à une économie de 30 milliards de dollars grâce aux mines

4.-En résumé, les télévisions algériennes doivent consulter des experts dans le domaine avant de diffuser des données biaisées qui induisent en erreur l’opinion publique, se discréditant d’ailleurs à terme, devant avoir un langage de vérité. Comme cette déclaration utopique que l’Algérie économiserait 30 milliards de dollars durant les trois ou quatre années grâce aux Mines, alors que l’économie productive de 2016 est embryonnaire. L’Algérie a besoin d’une vision stratégique au sein de laquelle doit s’insérer la politique industrielle (institutions, système financier, fiscal, douanier, domanial, système socio-éducatif, le marché du travail, le foncier etc.), afin de s’adapter aux nouvelles filières mondiales en perpétuelles évolutions poussées par l’innovation. Sans cette nécessaire adaptation en temps réel, renvoyant à une nette volonté politique d’accélérer les réformes, donc à un renouveau culturel pas seulement des responsables mais de la société, l’Algérie ayant toutes les potentialités pour les réaliser, il est vain de pénétrer le marché mondial et encore moins la filière minière contrôlée par quelques firmes internationales. Ce que l’on oublie souvent c’est que tous ces projets, s’ils devaient être réalisés, et sous réserve de leur rentabilité, ne seront pas opérationnels avant 2020. Il ne faut pas vendre des rêves : l’Algérie dépendra encore pour de longues années des hydrocarbures.
La prospérité repose sur la bonne gouvernance
Les autres matières premières permettent de réaliser tout juste un profit moyen, d’autant plus que bon nombre de prévisions prévoient une baisse du cours des matières premières entre 2017/2020. En bref, comme je le rappelais dans mes précédentes contributions, ( voir www.algerie1.com), aucun pays du monde, qui a misé uniquement sur le capital/argent et les matières premières, d’où le mythe de la puissance de l’argent n’étant qu’un moyen, n’a connu un réel développement mais des illusions de rente de court terme. Voyez le déclin de l’Espagne pendant plus d’un siècle, après avoir épuisé ses stocks d’or venus d’Amérique. Voyez l’expérience de la Roumanie communiste de Nicolae Ceausescu avec une dette nulle mais une économie, une corruption généralisée et une économie en ruine. Depuis que le monde est monde, la prospérité des différentes civilisations a toujours reposé sur la bonne gouvernance, le travail et la recherche théorique et appliquée permettant la tolérance des idées productives contradictoires. Pourquoi actuellement la Chine, un exemple : selon l’agence Xinhua du 20/06/2016 , à l’heure actuelle, le super-ordinateur chinois, Sunway TaihuLight, capable d’effectuer 93.000 quadrillions d’opérations par seconde est le plus rapide du monde. Il arrive en première place du top 500 des super-ordinateurs les plus puissants pour l’année 2016. D’ici 2020, le Centre national chinois des super-ordinateurs, situé à Tianjin, envisage, en collaboration avec l’Université des sciences et de la technologie de défense de l’Armée populaire de libération chinoise, située dans la ville de Changsha (centre de la Chine), de créer un super-ordinateur de nouvelle génération qui pourra effectuer un quintillion (million de quadrillions) d’opérations par seconde. Et on revient toujours à l’économie de la connaissance qui est l’investissement le plus sûr pour un pays, un pays sans son élite étant comme un corps sans âme.
ademmebtoul@gmail.com