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Ecole- Langues/Mohamed Abbou

Date de création: 09-08-2022 18:20
Dernière mise à jour: 09-08-2022 18:21
Lu: 380 fois


EDUCATION –OPINIONS ET POINTS DE VUE-  ECOLE- LANGUES

 

© Mohamed Abbou, fb, 7 août 2022

 

La langue du développement , c'est la langue de la curiosité.

La langue qui lève les inhibitions, libère les initiatives,respire la spontanéité et se nourrit de curiosité est, sans conteste,la langue de l'émancipation.

Soixante ans après l'indépendance les autorités de mon pays annoncent avoir trouver le chemin du développement économique.  Et,ce chemin est anglais.

Qu'un peuple se voit offrir l'opportunité de maîtriser une nouvelle langue est une très bonne nouvelle. Les mots anglais traduisent aujourd'hui les appétits contemporains et la néologie anglaise si prolifique impose à la traduction en d'autres langues des rythmes industriels. Il est dés lors plus judicieux d'adopter les termes d'origine par économie de temps et de moyens.

Par ailleurs maîtriser réellement plusieurs langues est en soi un début d'essor...les maîtriser réellement...

Le succès de l'opération exige la réunion de toutes les conditions humaines,didactiques et environnementales. Et surtout de tirer les leçons de nos expériences.

L'arabisation du système éducatif au lendemain de l'indépendance-indiscutable en son principe-a été intempestive et pour le moins impréparée.

Précipitée,sa première victime a été la langue arabe qui s'est enlisée dans la sphère cérémoniale politique et cultuelle et son génie enfermé dans la prédication et l'exégèse.

Ombrageuse,elle a asphyxié le français ne tolérant sa respiration que dans les espaces où le partage de l'oxygène s'impose de lui-même.

Susceptible, elle a dévitalisé l'algérien, l'amenant à renier la sobriété historique de son éloquence et à frayer avec des parlers vulgaires pour économiser ses dépenses sémantiques.

Égocentrique elle a tenté de "mohicaner" l'amazigh sans réussir à réduire sa vigueur culturelle.

Ainsi,au bout de quelques temps,la communication entre générations s'est détérioré et ne tient plus,à ce jour, qu 'à des bribes sémantiques encore en partage par réflexe utilitaire.

Le langage résiduel se prend à façonner les sensibilités sociales et à lisser les relations politiques dans le sens des valeurs défendues par la gouvernance du moment. La langue officielle se retranche dans l'espace éducatif et s'emploie à distinguer les "docti" des "indocti".

Et pourtant ma génération, celle de l'immédiat après indépendance- El moukhadhrama- à appris le français par l'algérien,sa langue maternelle. Toujours par l'algérien elle s'est mise à l'arabe dit classique par commodité.

Dans les faits ma génération parle le français en algérien, en amazigh et adopte instinctivement la même démarche quand elle est tenue de parler arabe.

Les langues ne s'excluent pas, elles communient dans le giron de la langue maternelle, elles se complètent,s'interpénétrent et se tendent la main quand il arrive à la mémoire de faillir dans l'une d'elle.

Il est vrai qu'une langue c'est d'abord une phonétique, une sémantique et une articulation grammaticale mais elle est surtout une façon d'être, une façon d'appréhender le monde,une construction de la pensée.

La langue refonde - pour un usage idéologique- les notions de son environnement et se les approprie. Elle est un réservoir conceptuel et une machine de production de sens.

Et surtout,les concepts que crée la langue par ses signes ne sont pas des appréhensions momentanées du monde dont on peut se défaire facilement au profit d'autres,même jugés plus pertinents. Ils constituent une grille interprétative durablement installée dans la tête du locuteur avec laquelle il ne peut que composer en passant d'une langue à l'autre.

Le plurilinguisme est une formidable machine  d'équivalence qui occupe le cerveau du polyglotte.

C'est pourquoi entre les langues il ne peut y avoir de " grand remplacement ". Si c'est le but recherché par une prétention logocratique inavouée alors c'est le "grand dépérissement " qui risque d'être au rendez-vous.

Il est vain de penser le progrès par l'exclusion, de bouder les joies que peut encore donner un vecteur de sens déjà dans nos murs,de masquer un angle de vue qui peut enrichir notre vision du monde,de voiler un regard pour diminuer notre acuité de la vie,de plonger volontairement dans une obscurité momentanée pour nous habituer lentement et peut-être douloureusement à une nouvelle clarté.

Si notre véritable préoccupation est le bien de notre postérité offrons à nos enfants la langue de leur curiosité. Ils adopteront spontanément la langue du Bonheur.