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Journalistes et défis numériques/Colloque Ensjsi, mai 2022 (II/II)

Date de création: 21-05-2022 18:43
Dernière mise à jour: 21-05-2022 18:43
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COMMUNICATION- JOURNALISME- JOURNALISTES ET DEFIS NUMERIQUES/COLLOQUE ENSJSI,MAI 2022 (II/II)

 Colloque à l’école supérieure de journalisme : Journalistes sous pression, défis numériques et «marché parallèle de l’information»

© Mustapha Benfodil/El Watan, jeudi 19/5/2022

 

Pressions politiques et forces de l’argent

Dans le deuxième panel, notons cette communication de maître Amina Chemami qui s’est évertuée à décortiquer «le cadre légal de l’exercice de la profession journalistique». Après avoir dressé un inventaire exhaustif des lois sur l’information promulguées depuis 1990, elle constate que les acquis consignés dans les textes, y compris la Constitution, ont rarement été appliqués. Ainsi, et comme cela sera soulevé au cours des débats, c’est souvent le code pénal qui est appliqué au journaliste et non le code de l’information. «On souhaite un rafraîchissement de la loi», préconise la juriste en appelant à «produire de nouveaux textes qui s’adaptent à la situation actuelle». Notre confrère Ali Boukhlef a dressé de son côté un état des lieux sans concession à travers un exposé au titre éloquent : «Le journaliste, entre les contraintes politiques et celles de l’argent». Ali Boukhlef est revenu sur la fermeture du quotidien Liberté qui, rappelle-t-on, a cessé de paraître depuis le 14 avril dernier. La disparition de ce grand titre, qui a suscité une vive émotion, a été abordée à plusieurs reprises lors de ce Colloque, faut-il le signaler, de même que la crise profonde que traverse El Watan. Notre confrère a insisté sur le fait qu’il n’y a pas que la pression politique qui pèse sur les médias en Algérie, laquelle est naturellement liée à la culture autoritaire de notre système de gouvernance. Ali a pointé aussi la «censure économique» imposée par les forces de l’argent. Des patrons qui, en tant qu’annonceurs potentiels, sont bien des fois ménagés lorsqu’il s’agit d’enquêter sur des affaires qui les impliquent. «La disparition de Liberté signe la fin d’une époque», martèle Ali Boukhlef. «Il faut maintenant penser à un nouveau modèle économique. Pourquoi ne pas penser par exemple au financement participatif ?» suggère-t-il. Une autre conférencière, Wahiba Belhadj, a axé son intervention sur «les fake news et le droit à l’information». L’oratrice considère que nous sommes aujourd’hui face à un «marché parallèle de l’information». «Nous vivons une crise de l’information générée par l’absence d’un journalisme d’investigation», relève-t-elle. Cette fragilisation de l’armature éditoriale se manifeste notamment par la disparition de nombre de médias pour des problèmes financiers, y compris des sites électroniques «comme Algérie 1 qui a fermé après 12 ans d’existence», rapporte-t-elle. «Aujourd’huiEl Watan, El Khabar et Le Quotidien d’Oran sont tous menacés de disparition», alerte Dr Belhadj.

«Il y a eu un amateurisme dans l’expérience numérique»

En analysant les causes de cette fragilité financière des journaux et même des pure players, l’une des raisons invoquées avec insistance est que les lecteurs rechignent de plus en plus à mettre la main à la poche pour acheter un journal. «Aujourd’hui, le citoyen doit choisir entre le sachet de lait et un numéro d’El Watan ou d’El Khabar», s’émeut Wahiba Belhadj. «Il faut dire aussi qu’il y a une mentalité bien ancrée chez nous : les gens ne veulent pas payer pour de l’information», note-t-elle. Et c’est tout cela qui, en bout de chaîne, va faire prospérer ce «marché informel de l’information», un marché dont le produit-phare s’appelle «fake news», «rumeur», «trolls». Tout cela exige, conclut l’intervenante, un renforcement des médias professionnels sans quoi, «il y a menace sur le droit du citoyen à l’information qui est un principe fondamental de la pratique démocratique». Parmi les communications du troisième panel, retenons celle de Samir Ardjoun : «Le modèle économique et les aspects structurels du journalisme numérique en Algérie». Le constat établi par l’universitaire est qu’il n’y pas eu d’anticipation, il n’y a pas eu de «business-plan», pas de «projection réelle ni de stratégie» dans la façon de négocier le virage numérique par la presse traditionnelle. «Il y a eu un amateurisme dans l’entame de cette expérience numérique en Algérie». «On est dans un modèle expérimental», estime l’orateur. Partant, «la mutation digitale des médias algériens est en chantier. A défaut d’un modèle économique fiable, les acteurs improvisent. Nous sommes face à un écosystème incertain, indéfini», appuie-t-il. «Même si l’activité médiatique numérique connaît un certain succès journalistique, elle n’a pas connu de réussite sur le plan économique et structurel», tranche Samir Ardjoun. Un constat corroboré par un confrère d’El Khabar qui a indiqué que malgré tous les investissements consentis par le journal arabophone pour développer une offre en ligne, «le site ne comptabilise même pas 1000 abonnés».