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Artistes pionnières

Date de création: 09-03-2022 19:02
Dernière mise à jour: 09-03-2022 19:02
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CULTURE- MUSIQUE- ARTISTES PIONNIÈRES

Elles avaient de l’audace : Ces femmes en avance sur leur temps

©Bari Stambouli/El Moudjahid, lundi 7 mars 2022

Il y a un siècle ou plus, des femmes ont osé franchir le pas et accéder au monde de l’art réservé à l’époque uniquement aux hommes. Ces femmes en avance ne savaient pas ce qu’était le droit des femmes ni celui des hommes ni l’égalité entre eux. Elles savaient par contre qu’elles étaient des êtres humains et qu’elles pouvaient s’imposer si elles le voulaient, ce que beaucoup de femmes ne savent pas aujourd’hui.

 Hebba, la première à enregistrer un disque

On est au début des années 1900. Alors que les femmes n’avaient le droit de chanter qu’à leurs enfants pour les endormir ou entre elles lors de soirées familiales, une femme de Djelfa sort du lot en devenant la première chanteuse professionnelle d’Algérie. Même si d’autres femmes chantaient dans des fêtes familiales au début du siècle dernier, Hebba  qui s’est fait connaitre dans toute la région du Titteri grâce à sa belle voix a fait le premier pas en enregistrant le premier disque.  A cette époque le disque était de forme cylindrique et tournait dans un phonographe. Ce passage au professionnalisme de Hebba lui a valu la colère de tout son village qui aurait décidé de l’exiler. Très audacieuse, la chanteuse Hebba s’est inspirée de cette réaction pour écrire et chanter une complainte dans laquelle elle raconte ce rejet de sa famille et de son village. Aujourd’hui, il n’existerait qu’un seul disque cylindrique de Habba que détiendrait un collectionneur de Djelfa.

 Yamna, la noble qui chante

Au début du siècle dernier, la capitale vivait aux rythmes de la chanson andalouse et Hawzi ainsi que du Moghrabi qui portera le nom de Chaâbi après l’avènement de la radio au milieu des années 1940. Alors que Cheickh Sfindja, Mouzino, Cheikh Nador, Qhiwdji  et d’autres dont le jeune Bachtarzi étaient les stars de l’époque, Yamna Bent El Hadj El Mahdi, une femme issue d’une famille noble a osé faire le pas. Elle deviendra la pionnière du Hawzi et aura d’autres disciples directes et indirectes telles  Meriem Fekkai surnommée El Beskria, Cheikha Tetma, la tlemcenienne enterrée au cimetière de Sidi M’hamed et la jeune Fadila Dziria qui participera à la révolution et chantera à la radio et à la télévision au lendemain de l’indépendance. D’autres chanteuse ont suivi la voie de Yamna notamment Fettouma El Blidya et Soltana Daoud qui fut surnommée Reinette par son maître Saoud El Medioni, Latifa et Alice Fitoussi qui a animé ses dernières fêtes de mariage au début des années 1970, avant de devenir voyante à El Biar et repartir en France où elle est morte. Mis à par sa connaissance de la musique andalouse et sa belle voix, Yamna était une brillante violoniste.

Beggar Hadda, de la chanson à la mendicité

Dans la région des Aurès, c’est Beggar Hadda qui a osé forcer la porte et entrer dans le domaine de la chanson qui était resérvé aux hommes. C’était au moment où le grand Aïssa Djermouni était invité à donner un concert à l’Olympia. Même si sa mère était aussi chanteuse, Beggar Hadda n’a pu vraiment devenir professionnelle qu’après son mariage avec un flutiste qui l’avait encouragée. Née en 1920 à Khenchela, elle finira sa vie dans la misère en tant que mendiante à Annaba. Dommage pour cette chanteuse avait toutes les capacités pour devenir une star de son vivant notamment durant sa jeunesse. L’animateur Abdelkrim Sekkar lui avait consacré une émission et une pièce de théâtre écrite par Djalal Khechab et mise en scène par Sonia et Habal Boukhari jouée au Théâtre régional de Constantine lui avait été dédiée.

Melhoun : El Moqrania, une Cheikha parmi les Chyoukh

Alors la poèsie Melhoun était dominée par des hommes tels que Cheikh Mohamed Benguitoune, l’auteur de la célèbre Hizya chantée et enregistrée par les plus grands chanteurs de Bedoui, Cheikh Smati et Abdellah Benkerriou qui avait consacré presque la totalité de ses œuvres à une femme qu’il n’a vu qu’une seule fois et que Boualem Bessaiah qui lui a consacré un ouvrage a surnommé le Medjnoun Leila du Melhoun,  une certaine  El Mokrania est sortie du lot en déclamant ses beaux poèmes. Par la force de ses métaphores, sa maitrise de la langue arabe et ses beaux poèmes, El Moqrania a eu le titre de Cheikha car elle n’avait rien à envier aux Chouyoukh du Melhoun de son époque. L’un des meilleurs poèmes de Cheikha El Moqrania est celui où elle raconte l’histoire de son berger ayant décidé de demander sa main après la mort de son mari.

Un trio pour sauvegarder le Achwiq

Elles étaient trois femmes bien en avance. Lla Zina, Lla Ounissa, Lla Yamina avaient, dès le début des années 1920 créé le trio « Lkhalath » pour mettre en avant un style de chanson Achwiq et des chansons que les vieilles femmes de Kabylie chantaient pour bercer les enfants et passer du bon temps entre elles. A cette époque, il y avait Lla Ouiza qui  avait également franchi le pas en devenant parmi les premières chanteuses. Ces femmes qui étaient en avance ouvriront la voie de la chanson kabyle féminine à d’autres qui auront l’occasion, avec l’avènement de la radio de vivre quelque peu la célébrité notamment Cherifa, Hnifa et El Djida Tamoqrant. La même voie sera suivie par d’autres femmes telles que Djamila, Khedoudja, Anissa et Nouara. A travers leur belle voix et leurs  Achwiq ces femmes du Djurdjura ont réussi à  conserver une bonne partie du patrimoine artistique algérien.

Tabelhout, la dernière reine de l’Imzad

Tabelhout Akhamouk était l’une des dernières reines de l’imzad, cet instrument de musique joué uniquement par les femmes. Née en 1919 à Tamanrasset et morte le 4 mai 2018  dans la même ville, Tabelhout qui est issue d’une famille noble de Touareg, était parmi les cinq reines de l’imzad dont l’association Sauver l’Imzad fondée par Farida Sellal a réussi depuis sa création au début des années 2000 à faire connaître au public et le classer patrimoine mondial. La défunte Tabelhout qui était la fille de Akhamokh Aguehamma (Amenokhal -grand chef) de l’Ahaggar et la nièce de Dassine, une des reines de l’imzad, a consacré sa vie à cet instrument joué par les femmes du Sahara pour encourager les hommes. Les femmes du Sahara qui savaient depuis longtemps que derrière tout homme, il y a une femme qui le pousse, ont choisi la musique pour le pousser.