Nom d'utilisateur:
Mot de passe:

Se souvenir de moi

S'inscrire
Recherche:

Presse écrite France/ Concurrence numérique

Date de création: 18-02-2022 12:36
Dernière mise à jour: 18-02-2022 12:36
Lu: 509 fois


COMMUNICATION- ETRANGER- PRESSE ECRITE FRANCE/ CONCURRENCE NUMERIQUE

© Par Emmanuel Schwartzenberg/www.marianne.net, 17 février 2022

En 2021, en France, tous les titres de presse ont enregistré à nouveau un effondrement de leurs ventes papiers. « Le Monde » continue de surclasser ses concurrents sur son support historique, le papier – l'écart est encore plus grand en termes d'abonnés Internet. La question des aides à la distribution se pose désormais.

En France, l’univers des quotidiens nationaux se rétrécit. Si la tendance se poursuit au même rythme, à la fin du prochain quinquennat, ils auront quasiment disparu dans leur version papier. C’est ce qui ressort de la publication des chiffres de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM) pour 2021.

Avec, chaque jour, 27 566 exemplaires vendus au numéro, Le Monde distance nettement Le Figaro (21 700 exemplaires), Libération (9 610 exemplaires), Les Échos (5 969 exemplaires) et La Croix (2 270 exemplaires). En 2017, ces quotidiens s’ordonnaient de la même manière avec des ventes respectives de 48 113 exemplaires (Le Monde) , 43 191 exemplaires (Le Figaro), 19 373 exemplaires (Libération) , 10 787 exemplaires (Les Échos) et 3 576 exemplaires (La Croix). En quatre ans, à peine, les ventes ont donc, pour la plupart, diminué de moitié.

À LIRE AUSSI : Concentration des médias : quand Vincent Bolloré humilie le Sénat

Le phénomène concerne tous les titres puisque L’Équipe a également enregistré une forte érosion, passant de 119 196 exemplaires vendus en 2017 à 68 554 exemplaires en 2021. Le quotidien régional de l’île de France, Le Parisien, a également massivement décliné. Ses ventes couplées à celles d’Aujourd’hui en France, sa déclinaison nationale, sont tombées sur la même période de 185 811 exemplaires à 108 342. Difficile dans ces conditions d’être encore qualifié de « journal populaire »…

La chute de la vente au numéro n’a pas été compensée par les abonnements. Le parc des abonnés papier s’est très fortement rétracté. Celui du Monde (abonnés postés et par portage) est passé de 89 412 abonnés à 72 676 en 2021 quand celui du Figaro a régressé de 115 224 à 80 037 et que Libération passait de 21 352 à 14 274 abonnés. Les Échos, quotidien économique qui se vend essentiellement par abonnement, a vu quant à lui son parc se réduire de 44 631 à 32 366 abonnés. Tout comme celui de La Croix qui est passé de 67 975 abonnés à 55 331.

REPENSER LES AIDES

L’avenir de la presse quotidienne nationale se joue donc – c’est un lieu commun de le redire – sur Internet. Là encore, Le Monde arrive nettement en tête puisque l’ACPM lui attribue 318 016 abonnés contre 181 066 pour Le Figaro, 64 227 aux Échos, 43 625 à Libération, 40 901 au Parisien et 123 024 à L’Équipe.

Ces bons résultats doivent néanmoins être pondérés. Les éditeurs comptabilisent par défaut, parmi leurs abonnés Internet, le lectorat qui est déjà abonné à la version papier. Pour gonfler encore leur portefeuille sur le Net, certains patrons de presse demandent que soient intégrés, dans ces statistiques, des abonnés qui ne payent qu’un euro par mois. La position se défend sur un plan juridique, puisque l’abonnement est réellement payé, mais elle fausse l’interprétation du marché car elle additionne des lecteurs bénéficiant d’une quasi-gratuité à des lecteurs payants. S’interroger, dès lors, sur la pertinence d’un contenu éditorial d’un titre dont les ventes évoluent à la hausse ou à la baisse devient difficile.

Phénomène de grande ampleur, la disparition des ventes au format papier des quotidiens aurait dû conduire les pouvoirs publics à repenser le fonctionnement des aides à la presse pour tenir compte de la mutation des titres sur Internet. Mais aussi soutenir davantage ceux qui ont fait le choix de s’installer directement sur la Toile et venir en aide aux 21 000 kiosques, maisons de la presse et autres diffuseurs menacés dans leur existence. Cela n’a pas été le cas.

AIDES D'ÉTAT DÉGUISÉES

Le gouvernement a pourtant validé le versement 40 millions d’euros d’aides à la distribution nationale des quotidiens nationaux sans se poser la question de son efficacité : 19 millions sont versés au titre des aides d’État et 9 autres millions proviennent d’un fond de modernisation qui devait bénéficier aux journaux menacés comme L’Humanité. Les 12 millions restants viennent du fonds de péréquation, cette contribution obligatoire que toutes les publications doivent payer, depuis soixante ans, au profit de la presse nationale. Chaque jour, près de 130 000 euros sont donc attribués à la presse quotidienne nationale.

Originaires de plusieurs caisses, ces fonds atterrissent en revanche dans les comptes de France Messageries, laquelle a succédé à Presstalis, société de distribution des quotidiens placée en liquidation judiciaire en 2020. Afin d’éviter que la France ne se retrouve accusée de fausser le jeu de la concurrence, les MLP [Messageries lyonnaises de presse], entreprise concurrente qui distribue les magazines et qui reçoit aucune aide comparable, un curieux mécanisme a été mis au point.

Ce dernier a été révélé par Nicolas Beytout, le président du journal l’Opinion, le 17 janvier dernier, devant la commission sur les concentrations de média du Sénat. « La majorité des subventions actuelles qui sont versées à la presse, en tout cas à la presse papier, sont reroutées directement vers Presstalis : ces sommes qui apparaissent dans les tableaux comme des aides directes à la presse lui sont directement reversées par les journaux a-t-il expliqué. C'est tellement vrai que, la veille du jour où nous recevons ces aides, nous recevons un courrier du directeur général de la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), qui nous demande de nous engager sur l'honneur à reverser immédiatement ces sommes. Pourquoi ces sommes, qui sont liées au plan de sauvetage de Presstalis, passent-elles par les médias ? Parce que, si elles lui étaient versées directement, elles seraient considérées comme des aides d'État et condamnées par Bruxelles. »

SOMBRE AVENIR

Tous les éditeurs de presse sont parfaitement au courant de ces pratiques occultes mais il ne s’en trouvera aucun pour saisir Bruxelles. Les MLP n’en ont pas non plus l’intention. Tous craignent que l’immixtion de Bruxelles ne provoque l’effondrement immédiat du système tant la situation est tendue.

L’Autorité de régulation des communications électroniques de la poste et de la presse (Arcep) s’est montrée, à cet égard, extrêmement pessimiste. Le 15 février, l'organe de régulation écrivait à propos de France Messageries que « les conditions techniques, tarifaires et contractuelles proposées par la société pour 2022 ne sont pas de nature à dissiper les préoccupations exprimées par l’Arcep dans ses précédents avis concernant l’avenir de l’entreprise ».

L’Arcep appelle « une nouvelle fois l’entreprise à rechercher les voies d’une meilleure rentabilité, à travers une amélioration continue de l’efficacité de son outil industriel et, le cas échéant, d’une augmentation de ses tarifs ». Or, c'est de fait impossible sauf à précipiter la disparition de la presse papier qui ne peut plus augmenter son prix de vente au public…