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Recherche historique Mouats Aziz- "Les Galets de Sidi Ahmed"

Date de création: 19-03-2021 11:37
Dernière mise à jour: 19-03-2021 11:37
Lu: 751 fois


HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- RECHERCHE HISTORIQUE MOUATS AZIZ- “LES GALETS DE SIDI AHMED”

Les galets de Sidi Ahmed. Recherche historique de Aziz Mouats (préface de Brahim Zeddour/postface de Olivier Le Cour Grandmaison.Image de couverture :Samira Mouats). Editions el Qobia, Alger 2021, 274 pages, 1000 dinars)

Un récit ? Un roman ? Une histoire découpée en séquences filmiques ? Un peu de tout, de tout un peu, mais certainement un pan entier de la vie  d’une population longtemps opprimée par la colonisation française (125 ans) et qui se révolte le 20  août 1955, tentant de tout balayer sur son  passage. Avec les moyens de bord …et beaucoup de volonté et de foi. Une révolte populaire embras(s) ant la quasi-totalité de la région de Skikda (de Gastonville à Phillipeville   en passant par Jemmapes et El Harrouch)…. laquelle , au-delà de ses  effets tragiques immédiats, a réussi, sous la direction de Zighoud  Youssef,  à faire rentrer la question algérienne à Manhattan/ New York, au siège de l’Onu…..et à amener, une année plus tard , à la même date, à un Congrès historique, celui de la Soummam.  Philippeville (Skikda)  ! une ville portuaire de plus de 70 000 habitants dont une  grande majorité de pieds-noirs, d’origine multiple et diverse : italienne, maltaise , corse …. ….et une campagne verdoyante exploitée par les colons …..exploitant les « indigènes ».

L’auteur a bien vécu cette période bien qu’encore enfant (Guellal)  …..mais bon observateur et grand curieux des choses de la vie environnante, il avait (presque ) tout enregistré. Il raconte donc, aujourd’hui,  avec force détails, la              répression féroce à travers la destruction totale de la mechta familiale (regroupée autour du mausolée de  Sidi Ahmed Ech-Cherif) et l’assassinat  , de la presque totalité de la famille …. : 23 hommes tués…….alors que « pas une ferme, pas la moindre grange n’a été brulée…..et des Moudjahidine ayant même empêché de tuer les colons de la région ». Assassinés par l’armée régulière coloniale accompagnée de miliciens armés :Que de noms de bourreaux responsables de la répression et donnant le vertige et alors régnant en maîtres !  Aussaresses, le militaire spécialiste en torture et futur assassin de Boumendjel, Issolah, Roger Kadida et  Misery, des policiers , Bancquet Crevaux , le maire de Philippeville de l’époque (aujourd’hui Skikda)……..,

L’Auteur (car , c’est lui qui remonte - très douloureusement - le temps , recherchant des souvenirs qu’il croyait perdus mais, hélas, toujours enfouis en son subconscient) va nous raconter  les douleurs, les sacrifices et les prouesses de membres de sa tribu , de sa famille, de ses héros (dont Mouats Lyazid, l’oncle maternel) , des oubliés, sans cependant tomber dans l’invective stérile et la condamnation sans appel à l’endroit  d’une partie (minime certes, mais qui a tout de même existé) de fermiers d’origine européenne assez  compréhensifs de l’ « Autre ». A l’exemple de Roger Balestrieri et de son épouse Germaine qu’il ira « interviewé » en France où ils résident désormais, avec toujours Beni Mélek au cœur.

Au passage, l’auteur ne manque pas d’ éclaicir tout ce qui a pu se mé-dire, tout particulièrement par le cinéaste algéro-français Jean Pierre Lledo , qui avait ravivé, à sa manière, par le biais d’un documentaire, la mémoire, sur le soulèvement populaire du 22 août à Skikda et ses environs…….

Et, comme tout bon agronome des cuvées d’antan, il en profite pour nous en apprendre  sur l’agriculture de la région, et d’ailleurs.

 L’Auteur : Aziz Mouats, né en 1950 à Skikda, est de formation agronome . Installé à Mostaganem , après ses études à l’Ita, il a été, fort longtemps , journaliste (dont El Watan)  et enseignant universitaire et….. surtout, un infatigable militant  de la mémoire. Déjà auteur de plusieurs ouvrages……dont deux sous presse.

Table des matières : Préface/ Avant-propos/ 25 chapitres/Postface/Annexes/Biographie de Sidi Ahmed

Extraits : « La guerre d’indépendance est faite du mélange des lâchetés et des courages, des complicités et des duplicités, des trahisons et des générosités, de l’humanité et de la bassesse » ( Jean Douchement, ancien professeur de français de l’auteur à Skikda, fin des années 60- début 70, extrait de lettre ,cité  p 25) 

Avis : A lire, à relire et à faire lire . Une fenêtre ouverte sur l’océan (démontée) de l’histoire de la guerre de libération nationale. « Une œuvre pleine d’intelligence et d’émotion » (Brahim Zeddour)

Citations : « Lorsqu’un fellah ne veut pas se libérer, c’est comme une huître qui se ferme à la vue du danger.Une fois fermée, impossible de l’ouvrir sans casser la carapace » (p 39), , «  La France n’a rien vu venir (Note : Guellal) ……”Ce n’est pas tout a fait exact, Guellal, je me permets de te corriger….elle n’a pas voulu comprendre que le monde ancien était terminé” (Note : Roger, l’ancien colon) « D’un côté , nous les pieds noirs, avec notre culture, nos traditions  et notre arrogance….et de l’autre, les Arabes comme on disait.Pour nous , le distinguo était vécu de manière naturelle.Eux , c’étaient nos ouvriers, il fallait qu’ils triment.Un point c’est tout.Et nous, nous étions les propriétaires , les colons, ceux qui pouvaient tout se permettre…Quand je voyais un Kabyle (note : la région de Skikda a accueilli, énormément de travailleurs venus de la Grande Kabylie et qui, par la suite, s’y sont installés définitivement) , je voyais en lui le binage, le curage des fossés, l’ébourgeonnage de la vigne, le sulfatage, la récolte de la pomme de terre, des fèves , du raisin….c’était pratiquement toujours un outil, une serpe, un crochet, un cageot….je ne voyais même pas la sueur ni l’effort….d’ailleurs, ils partaient au travail avant le lever du jour.Ils ne revenainet que parce qu’il faisait nuit…. » (Roger, l’ancien colon , p 143), « C’est une règle chez les pieds noirs, lorsqu’il s’agit des leurs, ils gonflent exagérément les chiffres…..et dès qu’il s ’agit des Arabes….on fait comme si ça ne comptait pas….et ça remonte aux débuts de la colonisation.Comme il n’y a eu jamais de statistiques officielles….c’est à qui publiera les chiffres les plus invraisemblables » (p 183), , «  « L’aveuglement de la France face à son passé colonial existe à l’évidence, même s’il est sans doute aujourd’hui davantage une construction politique délibérée » (Claire Mauss-Copeaux citée, p 229), « Dans la communauté pied noir, il y a beaucoup qui sont dans le dénigrement, la réfutation, voire dans le négationnisme » (p 235),