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HIstoire coloniale France/Algérie-Benjamin Stora/Entretien El Watan (Extraits)

Date de création: 29-01-2021 13:24
Dernière mise à jour: 29-01-2021 13:24
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HISTOIRE-OPINIONS ET POINTS DE VUE- HISTOIRE COLONIALE FRANCE/ALGERIE- BENJAMIN STORA/ENTRETIEN EL WATAN (EXTRAITS)-u d -éveloppement du contenu en lig

Benjamin Stora - PHOTO : D. R.

© NADJIA BOUZEGHRANE/el WATAN,samedi23 JANVIER 2021

 

 L’historien Benjamin Stora a remis, mercredi, au président français, Emmanuel Macron, son rapport sur la colonisation et la guerre d’Algérie (1954-1962) pour tenter de «décloisonner» des mémoires divergentes et douloureuses entre les deux pays, aux relations aussi étroites que complexes. Spécialiste reconnu de l’histoire contemporaine de l’Algérie, il explique dans cet entretien qu’il a «préféré adopter une démarche pratique, pragmatique plutôt que de rester dans la dénonciation idéologique du colonialisme (beaucoup de discours ont été déjà prononcés sur cette question)»……………………………………..

– La question mémorielle sur la colonisation française en Algérie est au cœur du quinquennat d’Emmanuel Macron. Pourquoi, selon vous, lui plus que ses prédécesseurs ? Tout comme le temps de l’apaisement des mémoires, celui de la reconnaissance de la colonisation et de ses crimes est-il là ?

Après l’indépendance, les guerres sans fin de mémoires ont démarré. On l’a vu en France, avec l’impossibilité de trouver une date de commémoration de la fin de la guerre d’Algérie.

En 2016, François Hollande retient la date du cessez-le-feu du 19 Mars 1962, mais elle a toujours été contestée par l’extrême droite et une partie de la droite, au motif que d’autres morts ont été déplorés après : la fusillade de la rue d’Isly, les enlèvements d’Européens à Oran, les massacres de harkis… On l’a vu aussi avec la loi du 25 mars 2005 reconnaissant «l’aspect positif de la colonisation».

Ce n’est qu’à la suite d’une pétition lancée par des historiens, chercheurs et enseignants que son article 4 a été déclassé par le Conseil constitutionnel puis abrogé par un décret. Dans les années 1980 en France, les enfants des immigrés algériens ont commencé à se manifester, ils ont organisé des marches, dont celle pour l’égalité et contre le racisme de décembre 1983, des rassemblements, des concerts.

Les appelés du contingent se sont battus pour obtenir une carte d’ancien combattant. Mais dans les années 1980, François Mitterrand, qui a été un acteur clef de la guerre d’Algérie, est à l’Elysée. Ministre de l’Intérieur puis de la Justice entre 1954 et 1957, il a joué un rôle dans la condamnation à mort et l’exécution de nationalistes algériens, dont le militant anticolonialiste Fernand Iveton.

Il faut se rappeler qu’un an après son arrivée à l’Elysée, le gouvernement Mauroy présente un projet de loi sur «certaines conséquences des événements d’Afrique du Nord», qui permet notamment la réintégration dans le cadre de réserve de huit généraux putschistes d’avril 1961 et n’a été adopté qu’à l’aide du 49-3.

Au début des années 2000, une accélération mémorielle se produit. L’Assemblée nationale reconnaît le terme de «guerre d’Algérie» et met fin aux euphémismes sur «les événements».

En 2000, Le Monde, sous la plume de la journaliste Florence Beaugé, publie une série de témoignages de victimes algériennes de la torture, qui fait grand bruit. En 2003, Jacques Chirac se rend en visite d’Etat en Algérie. Un traité d’amitié est envisagé. En 2005, les massacres de Sétif et Guelma, perpétrés le jour de la libération, sont officiellement condamnés.

Les discours restent des dénonciations importantes mais abstraites du système colonial. Comme celui de Nicolas Sarkozy, à Constantine en 2007, qui en évoque «l’injustice» ou celui de François Hollande, à Alger en 2012, qui parle de brutalité. Emmanuel Macron a déjà commencé une opération vérité sur l’Algérie.

En février 2017, pendant la campagne présidentielle, lors d’un déplacement à Alger, il a qualifié le système colonial de «crime contre l’humanité». En septembre 2018, il a reconnu la responsabilité de l’Etat dans la mort du mathématicien et militant communiste Maurice Audin, officiellement «disparu» pendant la Bataille d’Alger : il a déclaré dans un texte remis à sa veuve que le jeune homme avait «été torturé puis exécuté ou torturé à mort par des militaires».

Récemment, il a restitué à Alger les crânes des Algériens tués en 1849 lors de la conquête, et dont les restes étaient conservés au Musée de l’homme, à Paris. Pour lui, la période coloniale et de la guerre est un «poison» dans la société française……………………………………………………………. 

– L’Algérie est très attachée à la restitution des archives détenues par la France et se rapportant à plusieurs périodes de son histoire. N’est-ce pas là un point névralgique à résoudre ? Pourquoi l’Etat français est-il si réticent à les restituer à l’Algérie ? Quelles sont les archives que la France devrait rétrocéder aux Algériens ?

Il faut d’abord une meilleure circulation des archives. Depuis des décennies, l’Algérie réclame la restitution des archives nationales détenues par la France en invoquant les lois internationales qui stipulent que «les archives appartiennent au territoire dans lequel elles ont été produites».

La France détient toujours ce qu’elle appelle des «archives de souveraineté» (armée, présidence de la République…) et a laissé les archives dites de «gestion» (éducation, hôpitaux…). Il faudrait discuter, négocier sur la restitution d’archives, des originaux.

Il faudrait aussi un fonds d’archives commun librement consultable par les chercheurs des deux côtés de la Méditerranée, avec des déplacements facilités. La classification «secret défense» doit aussi être très vite levée pour les documents d’avant 1970.

Cette meilleure circulation doit aussi toucher les images, les représentations réciproques, les découvertes mutuelles, les ouvrages avec des traductions dans les deux langues.

Le plus important, sans doute, c’est d’abord la question de la rapidité de la consultation de ce qui est ouvert : il y a un freinage car beaucoup de documents sont tamponnés «secret défense». Il faut surmonter cet obstacle. Ensuite, deuxième problème important : la circulation des chercheurs et leur accès aux documents.

Comment les chercheurs algériens pourront-ils venir en France et consulter les documents et comment des chercheurs internationaux, notamment français, pourront avoir accès aux archives algériennes, voilà aussi une question essentielle pour les deux côtés de la Méditerranée.