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Corruption - Affaire " Mme Maya"/Said Bouteflika

Date de création: 26-08-2020 19:17
Dernière mise à jour: 26-08-2020 19:17
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JUSTICE - ENQUETES ET REPORTAGES- CORRUPTION- AFFAIRE « MME MAYA »/SAID BOUTEFLIKA

 

©Le Soir d’Algérie/Abla Chérif, mercredi 26 août 2020

Le procès de la prétendue fille de Abdelaziz Bouteflika s’ouvre aujourd’hui au tribunal de Chéraga. Les dessous de l’affaire de « Mme Maya » seront étalés au grand jour. Nous vous proposons ici l’histoire de celle que l’on surnommait aussi « la princesse de Moretti ».
- Tout commence aux derniers mois de l’année 2001, lorsque la dénommée Lechnach Zoulikha-Chafika décide de foncer droit vers la cour des grands en tentant de reprendre langue avec le nouveau chef de l’Etat. Commerçante de tissu depuis les années 90, elle a tenté, à plusieurs reprises, d’étendre ses affaires, sans succès. L’arrivée de Abdelaziz Bouteflika au pouvoir lui fournit l’aubaine attendue. Ce dernier, répète-t-elle, à qui veut bien l’entendre, avait de l’amitié pour son défunt père, un moudjahid. Dans son entourage, on sait aussi que cette dernière avait eu plusieurs entretiens téléphoniques avec lui lorsqu’il se trouvait établi dans la célèbre demeure du chemin Bachir-Ibrahimi, à El-Biar. Elle lui rend aussi visite pour prendre de ses nouvelles. Durant l’enquête à laquelle elle fut soumise, elle fait également savoir que Bouteflika l’avait lui aussi contactée par téléphone à plusieurs reprises. En octobre 2001, les entretiens qui se déroulent entre elle et le tout nouveau Président dépassent les simples échanges amicaux. Elle lui demande de l’aider à faire aboutir un projet d’édification d’un parc d’attractions à Chlef.
Durant l’enquête, elle affirme que l’ancien secrétaire particulier du Président avait été spécialement chargé de l’aider dans son entreprise. Mohamed Rouguab lui prend rendez-vous avec le wali de Chlef, Mohamed Ghazi, futur ministre du Travail. La rencontre avec ce contact précieux se déroule durant le même mois. Ghazi la reçoit, accorde l’aide demandée pour l’édification du parc d’attractions. Mme Maya reçoit également un logement, dans cette même wilaya, et le met au nom de sa fille Imen bien qu’il serve pour l’instant à abriter les gestionnaires du parc en question. Elle affirme aussi avoir payé les frais de construction du site de son propre argent. Elle insiste sur le mot investissement. Le wali de Chlef accepte également d’accéder à une autre demande : un terrain de 500 mètres carrés qu’elle met au nom de sa seconde fille, Farah. Mme Maya avait un deuxième projet en tête, celui de construire une station d’essence et monter un commerce de produits divers. Face aux enquêteurs, la mise en cause se défend en affirmant avoir acheté ce terrain qui a coûté cinq millions de DA.
Elle avoue, cependant, l’avoir revendu à dix millions de DA en raison de l’impossibilité d’accomplir son second projet. Des liens se tissent rapidement entre les deux personnages. Mme Maya confirme que Ghazi Mohamed lui avait rendu plusieurs fois visite dans sa villa à Moretti. Ses deux filles tiennent les mêmes propos. Imen précise de son côté que le wali n’était seul qu’une seule fois lorsqu’il leur a rendu visite, et qu’il était accompagné de membres de sa famille les autres fois.

Le wali de Chlef chargé de l’aider…
Mme Maya n’hésite pas à enfoncer Mohamed Ghazi. Elle déclare que c’est ce dernier qui lui a présenté le sénateur Talbi Ali, ajoutant qu’il lui avait avancé une somme de 55 milliards de centimes pour l’achat de trois maisons en construction à Hydra. Elle affirme avoir remboursé la totalité de l’argent emprunté, contrairement au sénateur qui affirme, lui, que seule une partie lui a été restituée. Mme Maya roule littéralement sur l’or. Les revenus mensuels du parc d’attractions de Chlef s’élèvent à 600 millions de centimes. Selon ses propos, Ghazi l’aide aussi à acheter deux maisons à Ben Aknoun, mises au nom de ses filles, et œuvre pour lui permettre d’acheter quatre maisons à Moretti. Elle affirme avoir procédé à des aménagements qui ont permis de transformer ces maisons en une villa de six pièces : la fameuse villa de Moretti. Ces maisons, avoue-t-elle, ont été achetées à des prix différents à leurs propriétaires. L’une d’elles appartenait à un dénommé Saïdani Ali. Il avait fixé le prix de la vente à trois milliards de centimes. Une autre a été acquise auprès d’un ancien ministre des Télécommunications en 2010, en échange de 4 milliards de centimes. Mohamed Ghazi s’est, quant à lui, chargé de la mettre en contact avec un notaire qui a établi les papiers d’achat en bonne et due forme. Autre aveu de taille, Ghazi, dit-elle, l’avait mise en contact avec un certain Mustapha, fonctionnaire à la présidence de la République et ce dernier facilitait ses déplacements à l’aéroport d’Alger.
Le dossier de Mme Maya ne comporte, cependant, pas uniquement celui de Mohamed Ghazi. Au moment où les faits se déroulent, Abdelghani Zaâlane est wali d’Oran. Sollicitée par une connaissance pour des projets d’ouverture de supérettes à Oran, elle fait encore appel à Mohamed Ghazi qui a toujours dit qu’il considérait Abdelghani Zaâlane comme un frère. Ce dernier ne refuse pas de recevoir les personnes recommandées par le wali de Chlef. Quelques jours plus tard, Mme Maya reçoit la visite d’un voisin, Yahiaoui Mohamed, actuellement en fuite. Sa fille Imen l’accueille, il lui demande de prendre un carton contenant des marchandises. La mère déclare qu’elle était malade à ce moment et qu’elle n’avait eu aucun échange avec ce voisin. Le carton contient en réalité dix milliards de centimes, une offrande des entrepreneurs d’Oran, lui fait savoir, ensuite, Yahiaoui. Il quitte le domicile mais revient en début de soirée, fouille dans le carton et emmène avec lui une grosse somme d’argent. Il prétend qu’il s’agit là d’un emprunt et promet de revenir. La nuit arrive, une équipe des services de sécurité investit la plus célèbre villa de Moretti et met la main sur un véritable trésor. Vingt kilos d’or, évalués à vingt milliards de centimes, soixante-dix milliards de centimes et les 10 milliards de centimes que Yahiaoui avait amenés. Mme Maya et ses filles passent neuf jours à la caserne Antar.
Elles sont, ensuite, relâchées et nullement inquiétées. L’épisode est entaché de zones d’ombre. Lorsqu’elle est arrêtée, en juillet 2019, Farah, master 2 en politique étrangère, insiste seulement sur le fait que Yahiaoui Mohamed leur a rendu les 10 milliards de centimes en février 2017, qu’il était venu avec un ancien député, et tient aussi à préciser qu’elle n’avait fait aucune déclaration durant ces neuf jours de détention. «J’ai, cependant, accepté de signer le P-V pour qu’on me permette de voir ma mère.»
Durant l’enquête à laquelle elle a été soumise, Mme Maya et ses filles affirment toutes les trois n’avoir jamais reçu la visite de Abdelghani Zaâlane ou de Mohamed Rouguab à leur domicile. Elles avouent, cependant, avoir accueilli l’ancien patron de la DGSN, Abdelghani Hamel. Ce déplacement se serait effectué à la suite d’un vol signalé dans la villa. Contrairement aux affirmations générales, la mère et les filles nient avoir bénéficié de la protection d’éléments de la police en tenue. Ici, les réponses sont aussi vagues que celles apportées à la question de savoir si les deux aides ménagères qu’elles employaient étaient issues du ministère du Travail. Comme la mère, les deux filles déclarent ne pas savoir, ne pas se souvenir…
Imen tient seulement à faire savoir que l’aide apportée à sa sœur Farah — maison à Ben Aknoun et Hydra — était justifiée par sa maladie, un cancer… Les enquêteurs apprennent de sa bouche que le sénateur Talbi Ali était associé avec la mère. C’est un dossier dans lequel Ghazi Chafik, fils de l’ancien ministre du Travail et wali de Chlef, nie toute implication. Lui aussi figure parmi les personnes poursuivies.
Mais il y a aussi Rouguab Mohamed, secrétaire particulier de Bouteflika de septembre 2001 à avril 2019. Ce dernier affirme avoir rencontré Mme Maya en octobre 2004 à la demande de Abdelaziz Bouteflika qui l’avait contacté par téléphone, lui demandant d’organiser un rendez-vous avec le wali de Chlef pour lui régler des affaires. Rouguab s’exécute et informe le président de la République que cette Mme Maya était venue à la présidence de la République vêtue de manière indécente. Elle est reçue, dit-il, dans la salle de réception de la présidence. Mohamed Rouguab nie avoir prétendu qu’il s’agissait de la fille de Abdelaziz Bouteflika, et affirme ne l’avoir jamais présentée comme telle. Il dit aussi ignorer si Abdelghani Hamel avait donné deux terrains à des personnes qui lui avaient été recommandées par Mme Maya. Il nie aussi l’avoir mise en contact avec Zaâlane.
Les enquêteurs apprennent, cependant, qu’en 2006, Abdelaziz Bouteflika lui avait demandé de prendre attache avec l’ancien ministre de l’Intérieur Noureddine Zerhouni pour lui demander de mettre fin aux fonctions ou muter les walis d’El-Tarf, Annaba et Chlef. Selon Rouguab, Zerhouni a alors convaincu Bouteflika de ne pas mettre fin aux fonctions de Ghazi mais de le muter de Chlef à Annaba.
Le témoignage de l’ancien secrétaire particulier de Bouteflika s’arrête là. En saura-t-on plus durant le procès ? Pour l’heure, les deux noms que Mme Maya implique avec force sont ceux de Mohamed Ghazi et de Abdelghani Zaâlane. Dans ses déclarations aux enquêteurs, elle les a accusés de complicité avec Saïd Bouteflika et Abdelhamid Melzi, ancien DG de Club-des-Pins. Ce sont eux, dit-elle, qui lui ont tendu un piège en demandant à Yahiaoui Mohamed de lui remettre les dix milliards de centimes. « Saïd Bouteflika me détestait en raison de ma proximité avec Abdelaziz Bouteflika .»