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Journalisme- Statut du journaliste-Etude 2003, A.Djaballah Belkacem

Date de création: 16-08-2020 12:16
Dernière mise à jour: 16-08-2020 12:16
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COMMUNICATION – ETUDES ET ANALYSES – JOURNALISME-  STATUT DU JOURNALISTE- ETUDE 2003, A.DJABALLAH BELKACEM

 

(Communication présentée  lors des Journées d’études régionales sur le pré avant-projet de Loi organique relative à l’Information (Ghardaia, Oran et Annaba) -  10 , 17 , 24 avril  2003 . Publié in Liberté, 5 mai 2003)

 

Il faut que cela soit dit d’entrée afin que ce point essentiel ne soit pas perdu de vue et, surtout, totalement dillué dans d’autres questions certes importantes mais pas aussi primordiales.

 

Ce point concerne la profession et le statut du journaliste professionnel.

Ils sont, et depuis la naissance du journalisme moderne, « au cœur de l’exercice de la liberté d’information et d’opinion ainsi que du droit à l’information ».

 

Le journaliste est, donc, au cœur de toute notre problématique car c’est lui qui, en principe (et les principes, en matière de bon journalisme, sont importants), donne (ou ne donne pas) de la consistance, de la valeur, de la crédibilité, de la force, de la pérennité au contenu (quelle que soit sa source) et à l’entreprise (quels que soient ses moyens).

 

Oublier le journaliste ou se contenter de traiter son cas en quelques articles généraux, c’est à mon sens vider la fonction et ses missions de tout ce qui peut leur apporter – plus que pour tous les autres citoyens – comme force intellectuelle et comme responsabilité sociale.

Et, comme ces dernières années nous entendons parler (ou critiquer) de plus en plus de ces critères, il est temps, aujourd’hui  à travers la débat et les textes qui doivent être produits, non pas de « mettre les points sur les i » mais de « remettre à niveau » les choses.

 

« Remettre à niveau » est bien le terme approprié car, il ne faut pas l’oublier, avant 1990, avant la libéralisation du secteur et la libération de « l’esprit d ‘entreprise », le journaliste avait un statut, un statut orienté, mais tout de même un statut.

Un statut certes orienté (et contraignant, transformant le journaliste en « fonctionnaire de la liberté ») au service d’un système monopartisan politiquement, étatique économiquement et corporatiste professionnellement…. ce qui n’a pas empêché beaucoup de journalistes et de rédactions d’être libres ou de refuser les tutelles exagérées.

Il y avait l’Ordonnance n°68-525 du 9 septembre 1968 avec 37 articles portant statut des journalistes professionnels, et aussi la décision ministérielle du 5 avril 1973 fixant la grille des salaires, le barême des indemnités et le régime social des journalistes professionnels….ainsi qu’un arrêté du 20 janvier 1969 portant création de la Commission de classement des journalistes professionnels.

Par la suite, dans les années 80, on eut des textes ministériels d’application issus du Sgt et des conventions collectives ou règlements intérieurs multiples qui permettaient un suivi des carrières. Juste avant octobre 1988, en février-mai 1988, sous le ministère Bachir Rouis, le mouvement de contestation des journalistes (ancêtre du Mja) a permis, par un forcing qui a duré de février à
mai, et par son unité, de « décrocher » bien d’autres avantages dont le reclassement en fonction d’un plan de carrière et d’une grille des salaires améliorés (les commissions paritaires de reclassement, gelées depuis 1984 furent ré-activées) ainsi que des avantages divers.

 

Le statut du journaliste est au cœur de la problématique de la liberté de la presse ….et, on le voit bien, actuellement, la libéralisation servant d’ «alibi», avec, depuis 1990, une « exploitation  sans pitié et quasi-généralisée » des compétences : Absence de convention (s) collective (s), sous-paiement ou pas de paiement du tout, contrats à durée déterminée institués en règle et rarement renouvelés, nomadisme, insécurité des situations, instabilité, sous-encadrement….Ici, on citera seulement le dernier exemple des
26 journalistes et 20 techniciens du bureau d’Alger de
KTV et de K News qui se retrouvent (début avril 2003, suite à la « crise » du groupe propriétaire) brutalement sans salaires…et sans défense sérieuse …car, ils n’avaient même pas de contrat de travail.

C’est pour cela que la future loi doit se pencher de façon précise et non simplement indicative sur les grandes lignes du statut du journaliste professionnel.

 

Bien sûr, dans le plus récent pré avant –projet( année 2002, celui de Khalida Toumi), le titre V consacre 19 articles (du 55 au 73) à l’exercice de la profession, et la loi de 1990 (toujours en vigueur en 2005) lui consacre en son titre III, 13 articles (du 28 au 40) mais la problématique réside moins dans le nombre d’articles que dans leur contenu, une loi organique devant aller à l’essentiel et poser des balises aux rajouts et amendements et aux textes d’application qui s’ensuivront.

 

Le contenu doit rompre définitivement avec le passé, sans le renier totalement car il avait ses aspects positifs, et doit se mouler au nouveau visage du secteur en étant le plus  prospectif et le plus ouvert possibles. Car, le secteur de la communication en général et celui de la presse en particulier évoluent très , très vite.

 

En 1984, il n’y avait que 700 à 800 journalistes professionnels pour une cinquantaine d’organes de presse, le gros lot se trouvant dans les médias lourds comme la radio, la télévision et l’Aps.

En 1990, il y avait à peu près 1500 journalistes professionnels (recensés en juin par le Csi lors de la préparation des élections au Conseil)

Aujourd’hui, il y en a certainement  2500 à 3000 journalistes professionnels et assimilés travaillant dans près de 250  organes de presse (dont les médias lourds du secteur public qui sont toujours les mêmes bien qu’ils se soient déployés plus largement avec, entres autres, les radios locales). Au total, le secteur de la presse, simplement avec ses imprimeurs et ses diffuseurs , doit occuper de 6 000 à 7 000 personnes. Et, si l’on tient compte de toutes les activités périphériques, il est devenu une véritable industrie. Ce n’est pas encore une industrie lourde, mais ce n’est plus une industrie légère. D’ailleurs, il n’y a qu’à voir l’émergence de nouvelles stratégies de groupe et non plus d’individus, des stratégies de redéploiement, de confortement ou d’accaparement menées par des entrepreneurs autres que journalistes et venus, avec leur argent , d’autres secteurs…….surtout commerciaux, la « nouvelle économie nationale »  faisant surtout dans « la grosse épicerie ».

Avec des visées politiques ? Avec des visées financières ? On le sait, les stratégies contemporaines de communication ne connaissent pas de frontières précises ; les  visées politiques  menant toujours aux autres et vice-versa….soutenues par le travail d’ « information ».

 

Cette nouvelle étape – tant pour le secteur privé qui a déjà beaucoup investi, que pour le secteur public qui est en train, je crois, et je l’espère, sinon de revoir sa stratégie, du moins de re-fonder – nécessite donc que l’on veille beaucoup plus que par le passé, sur l’énergie vitale de la presse, en l’occurrence le journaliste professionnel.

 

Cinq (5) grandes questions doivent, à mon sens, recevoir , dans la future loi ou autre réglementation , des réponses de principe claires, et renvoyer à un ou plusieurs textes plus pratiques.

 

. 1 / - Une définition aussi complète que possible et une reconnaissance large et franche de la qualité de journaliste professionnel et assimilé, c’est-à- dire les collaborateurs directs des rédactions à l’exclusion des occasionnels.

Ici, il faut insister sur le caractère intellectuel de l’activité, de sa permanence, du niveau de formation (paramètre nouveau à introduire), et sur le fait que cette qualité constitue la principale source de revenus.

Il ne s’agit pas de fermer la profession, mais il s’agit de l’ « ordonner ». La formule est à trouver ! Les expériences, ici même ou à l’étranger, ne manquent pas. Il faut seulement ne pas perdre de vue le fait que le journalisme moderne est, d’abord, et désormais, un métier et une profession.

 

. 2/ - L’attribution et la détention obligatoire d’une carte d’identité professionnelle nationale avec laquelle le journaliste peut se prévaloir de la qualité de professionnel et lui ouvrant l’accès à l’information , tout particulièrement publique et administrative.

Le système de délivrance et de retrait de la dite-carte peut être (donc très provisoirement) être géré par l’Administration (avec , bien sûr, et obligatoirement des possibilités de recours judiciaires et non administratifs) mais doit l’être rapidement par une Commission interprofessionnelle ou/et paritaire.

A signaler qu’en 1991-1992, la Commission de l’Organisation professionnelle du CSI (créé par la loi d’avril 1990) que je présidais, avait délivré les premières cartes de l’après-88 et ce après avoir adopté,  le 7 avril 1991, un texte de 28 articles ayant trait aux « conditions et modalités de délivrance de la carte professionnelle de journaliste »…. publié au J.O. L’opération a connu un immense succès.

1321 cartes au total avaient été délivrées , 21 dossiers avaient été rejetés et des réserves avaient été émises à l’encontre de 146 dossiers , régularisés par la
suite. D’où un total de 1467 cartes distribués pour un total approximatif de 1500 à 1600 journalistes professionnels et assimilés .

Le CSI avait aussi préparé , dès fin 1991, une décision prévoyant la constitution d’une Commission paritaire de représentants élus des journalistes professionnels et des organes employeurs, chargée de la délivrance de la carte et prenant ainsi en charge le dossier géré provisoirement par la Cop/Csi.

 

. 3 / - Le journaliste professionnel n’est ni un citoyen ordinaire (ce serait alors faire preuve d’une démagogie politicienne et  populiste qui a, déjà, causé beaucoup de dégâts) , ni un citoyen hors du commun. C’est tout de même un salarié atypique dont les règles d’exercice ne sauraient relever totalement du domaine du droit positif ou de simples clauses contractuelles.

Assurant des fonctions particulières conjuguant Liberté et Responsabilité, il faudrait que toutes les législations à venir prévoient des dispositions spéciales de nature à concilier les impératifs liés à son indépendance et à un libre exercice de sa professionnel, et les obligations le liant à l’organe employeur.

Ici donc, et chez nous plus qu’ailleurs, la sécurisation du journaliste professionnel doit être une préoccupation majeure :

 

-          Sur le plan physique ,dans l’exercice de ses fonctions de chercheur de nouvelles, de rédacteur et de diffuseur d’informations et de commentaires.

-          Sur le plan moral , sa Charte de l’éthique et de la déontologie (il peut y avoir plusieurs Codes d'honneur particuliers) ne doit jamais être perdue de vue….par tous

-          Sur le plan professionnel , avec la nécessité d’imposer une ou plusieurs Conventions collectives qui feront ressortir la spécificité du métier. Et, c’est là le gros travail des syndicats qui ne doivent pas se suffire de la seule loi 90-11 relative aux relations de travail qui, d’ailleurs, ne ferme pas le champ à la réglementation des activités spécifiques. A noter, ici, qu’en 1990-1991, le Csi avait commencé, avec l’aide du ministère du Travail, à réfléchir sur un projet global de Convention collective nationale applicable aux journalistes professionnels et assimilés .Tous les éditeurs avaient été alors saisis pour avis. Et, le Csi, il faut bien le rappeler, n’avait cessé d’encourager les professionnels à se regrouper dans le cadre d’organisations strictement professionnelles et de concertation.

 

. 4 / - Le droit au secret professionnel, conditionnant l’exercice de l’activité est un autre aspect du statut spécifique.

Les exceptions doivent être rares sinon inexistantes. La Loi de 90 (art.37) le définit comme un droit et un devoir et le projet reprend le concept en n’en citant que 4 (sur les 5 habituels), mais en élargissant le secret stratégique qui n’est plus simplement économique (art.65). Mais, elle doit obliger à détailler rapidement, dans d’autres textes, avec les parties les plus concernées et en s’appuyant sur l’avis du Conseil constitutionnel, les  cas dits de protection de l’Etat et de l’ordre social. Ceci afin d’éviter les interprétations fantaisistes tant des plaignants et  des juges que des journalistes eux-mêmes.

 

. 5 / - Enfin, il y a le renforcement de la clause de conscience (art. 34 de la loi de 90) en cas de changement d’orientation du titre ou de sa cession ou même de sa cessation brusque due tout particulièrement à une mauvaise gestion avérée préméditée, et les cas ne manquent pas  ….Ceci est d’autant plus urgent et vital que le processus de reconfiguration économique et aussi politique du secteur de la communication et de la presse a déjà commencé et est même en train de s’accélérer.

Pour conclure, je reviens sur ce que j’ai toujours défendu :

Une loi organique basée sur un énoncé de principes et sur un renvoi à des textes sous-sectoriels d’application tenant compte d’un postulat de base :la presse et le journalisme ne sont pas de simples faits de société ,conjoncturels, « banals » ,faciles à diaboliser et à désorganiser, taillables et corvéables à merci, mais des faits civilisationnels universels qui, malgré toutes les dérives et tous les dérapages déontologiques,sont bien moins tragiques que  les comportements politiques dictatoriaux ou économiques mafieux.. Et, c’est cette permanence et cette importance qu’il faut comprendre avec intelligence et traiter avec sérieux et  gravité.