Nom d'utilisateur:
Mot de passe:

Se souvenir de moi

S'inscrire
Recherche:

Constantine/Viaduc Salah Bey

Date de création: 15-08-2020 19:07
Dernière mise à jour: 15-08-2020 19:07
Lu: 1010 fois


HABITAT- VILLE – CONSTANTINE/VIADUC SALAH BEY

«Même si nous avons dans notre wilaya un viaduc sur Oued Dib, près du barrage de Beni Haroun, qui a quelques ressemblances avec celui de Constantine, ce dernier est plus majestueux.»

© S. ARSLAN/El Watan, 15 AOÛT 2020 À 9 H 45 MIN

 Transrhumel, pont de l’indépendance, huitième pont, pont géant, le viaduc, baptisé du nom de Salah Bey, qui régna sur la capitale du Beylik de l’Est de 1771  à 1792, cumule les dénominations depuis son inauguration officielle le 26 juillet 2014.

Cette date symbolique, coïncidant avec la célébration de la Fête de l’indépendance, a été un véritable défi pour les responsables du groupe brésilien Andrade Guttierez, qui ont tenu à l’honorer, en dépit de toutes les difficultés rencontrées lors des travaux.

En six ans, le viaduc du siècle, puisque le dernier ouvrage d’art réalisé à Constantine a été le pont des chutes réalisé en 1928, soit il y a 86 ans, est devenu une véritable attraction touristique pour les étrangers à la ville et un lieu de détente pour les Constantinois.

A longueur d’année, et par toutes les saisons, des centaines de véhicules venus de Batna, Mila, Skikda, Béjaïa, Jijel, Biskra, Sétif et même d’Alger et de Boumerdès, transportant des familles, des citoyens de tous les âges et des curieux de tous bords, en visite ou de passage, stationnent sur la voie d’arrêt d’urgence pour des moments d’exploration et de découverte.

Des prises de photos, des selfies devant cet ouvrage d’art qui garde toujours son originalité, sont des moments à ne pas rater. «C’est un lieu que j’ai toujours aimé découvrir, car on n’en trouve pas de pareil en Algérie ; on me racontait pas mal de choses sur ce pont et j’ai profité d’une visite familiale pour marquer une halte et prendre des photos souvenirs avec mon mari et mes enfants», témoigne une dame de Batna.

Pour Mounir de Mila, ce viaduc est unique en son genre. «Même si nous avons dans notre wilaya un viaduc sur Oued Dib, près du barrage de Beni Haroun, qui a quelques ressemblances avec celui de Constantine, ce dernier est plus majestueux», révèle-t-il.

Notre présence en cette journée du mois d’août sur le viaduc a coïncidé avec l’arrivée de deux jeunes de Boumerdès à bord d’un fourgon en mission à Constantine pour la livraison d’une marchandise. «Nous avons beaucoup entendu parler sur Facebook de ce pont géant dont la notoriété a dépassé les frontières de la wilaya de Constantine, et c’est par curiosité que nous sommes venus découvrir», déclare le chauffeur, avant de poser pour une photo souvenir avec son collègue. Le viaduc Salah Bey vient rappeler aussi la belle histoire de Constantine avec les Brésiliens, notamment un célèbre architecte, Oscar Niemeyer, le père de l’université de Constantine réalisée au début des années 1970 sur un plateau situé non loin de la route de l’aéroport.

Une vieille histoire

Pour faire un peu d’histoire sur cet ouvrage d’art, on rappelle que l’idée de sa réalisation est déjà très ancienne. Elle remonte à 1960. L’administration française avait prévu à l’époque de construire un pont qui relie les deux rives du Rhummel entre la route du Chalet des Pins (plus connue par la route de Batna) et la route de Sétif (actuelle rue Aouati Mostefa). Le projet ne sera pas concrétisé en raison de plusieurs réticences quant à sa faisabilité et son utilité. Il restera quand même dans les archives de la ville.

Avec les années, le boom démographique suivi d’une évolution importante du parc automobile dans une ville qui a pris les allures d’un carrefour incontournable dans toute la région Est, la réalisation de cet ouvrage est devenue une nécessité, une obligation même. Pour les pouvoirs publics, il fallait trouver un moyen pour alléger la tension sur le centre-ville, notamment sur le pont Sidi Rached, très sollicité et déjà centenaire et souffrant de plusieurs problèmes et assurer une meilleure fluidité de la circulation vers les banlieues de la ville. L’idée de  construire un huitième pont s’est imposée progressivement au début des années 2000.

L’annonce officielle sera faite en 2006. Le viaduc prendra naissance au carrefour de la place de l’ONU, plus connue par El Fedj, située près de l’ex-hôtel Transat, et surplombant le quartier du Bardo, pour rejoindre la route du Chalet des pins. Une route qui partira ensuite de la sortie du viaduc pour assurer la liaison avec les hauteurs du Mansourah, à travers le chemin forestier, puis avec la route menant vers Djebel Ouahch et l’autoroute Est-Ouest.

Le Transrhumel coûtera à l’Etat 31 milliards de dinars. Reposant sur huit haubans, avec deux piliers culminant à 130 mètres, il sera ainsi le pont le plus long de la ville, avec ses 756 m pour le seul viaduc, et 1119 m pour sa longueur totale, et 4,3 km incluant tous ses accès et ses extensions.

Ce qui fera de lui l’ouvrage d’art le plus grand jamais réalisé en Algérie depuis l’indépendance. Ceci permettra aussi aux habitants de la banlieue nord de la ville de rallier la place d’El Fedj en quelques minutes. Une véritable aubaine pour les habitants de Djebel Ouahch, Sakiet Sidi Youcef, Ziadia, Daksi, Oued El Had, Mansourah et Sidi Mabrouk.

Du côté du centre-ville, l’ouvrage est d’un grand intérêt étant donné qu’il prendra naissance à la place des Nations unies, dans la zone stratégique de Djenane Zitoune qui constitue un véritable carrefour s’ouvrant sur Aïn El Bey et également sur les cités Fadila Saâdane, 5 Juillet 1962, 20 Août 1955, Boussouf et la zone industrielle Palma. Renforcé par l’aménagement d’un carrefour à la cité des Castors et la création d’une grande desserte passant par le terrain de la ferme Tenoudji, il désenclavera toute la zone Nord-Est (Emir Abdelkader – CHU – Cité Loucif, la zone du Djebel Ouahch avec toutes ses grandes cités). Mais cela n’empêchera pas l’apparition de problèmes de glissement de terrains, ce qui a nécessité la réalisation d’une galerie souterraine pour l’évacuation des eaux infiltrées. Un problème qui n’a pas été réglé définitivement jusqu’à ce jour.

Le projet demeure encore tronqué. Il n’est pas encore livré en totalité à cause de l’arrêt prolongé des travaux d’une trémie au niveau du rond-point de la cité Emir Abdelkader. Un chantier au centre d’un litige entre l’Etat algérien et le groupe brésilien Andrade Gutierrez.

Cortèges nuptiaux et détente nocturne

Symbole moderne de la ville, le pont géant, qui semble narguer son aîné (Sidi Rached) situé juste en face du côté nord, est devenu depuis son ouverture la destination des cortèges nuptiaux, au nom d’une nouvelle tradition qui s’est ancrée sur le Vieux Rocher. Certains pousseront même l’audace jusqu’à défiler avec chevaux et fusils de chasse, marquant des arrêts de voitures à trois files, et des gens qui descendent pour danser sur la chaussée, créant des embouteillages et des désagréments aux usagers de la route.

Le phénomène a d’ailleurs pris des allures ridicules, ce qui a obligé les services de la police à intervenir pour y mettre un terme. Mais le plus remarquable dans cet ouvrage d’art est le fait qu’il soit la destination de nombreux Constantinois qui viennent en voiture pour s’y installer juste avant le coucher du soleil. Des files de véhicules donnent lieu à des rassemblements de jeunes assis sur des chaises pliantes pour s’adonner à des parties de dominos, de cartes ou des discussions qui se poursuivent jusque tard dans la nuit profitant de la fraîcheur.

Des familles viennent même pour des escapades nocturnes sur le viaduc merveilleusement illuminé aux couleurs de l’emblème national. «Nous profitons de la fraîcheur de la nuit pour faire une virée sur ce pont qui attire beaucoup de monde, notamment les familles qui viennent le faire découvrir à leurs proches en visite dans la ville, surtout que la sécurité est assurée», témoigne un père de famille.

Des photos prises sont diffusées sur Facebook avec une certaine fierté par des Constantinois heureux d’avoir dans leur ville l’une des plus belles réalisations de l’Algérie indépendante. Un ouvrage qui gagne toujours en notoriété au point où la Poste algérienne lui consacre un timbre-poste dessiné dans un cadre verdoyant par Zakaria Morsly, émis le 19 novembre 2014 dans la thématique des réalisations.

Le viaduc Salah Bey semble aussi ravir la vedette aux autres sites touristiques de la ville, même si le rush habituel a considérablement diminué en ce temps de pandémie et de confinement partiel durant la nuit, en attendant des jours meilleurs.