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Mémoires Mohammed Bedjaoui -"En mission extraordinaire.Carnets..."

Date de création: 04-07-2020 18:09
Dernière mise à jour: 04-07-2020 18:09
Lu: 778 fois


 

 

 

 

RELATIONS INTERNATIONALES- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- MEMOIRES MOHAMMED BEDJAOUI- « EN MISSION EXTRAORDINAIRE. CARNETS…. »

En mission extraordinaire. Carnets d’un ambassadeur en France 1970-1979. Mémoires de Mohammed Bedjaoui, Cabah Editions, Alger 2016, 415 pages, 1200 dinars

Succédant à Redha Malek, en décembre 1970, à l’heure , pour l’Algérie, d’effectuer un nouveau bond sur la voie du parachèvement de son indépendance économique, il a travaillé successivement avec deux Présidents de la République, Georges Pompidou et Valéry Giscard d’Estaing, trois Premiers ministres, Jacques Chaban-Delmas, Jacques Chirac et Raymond Barre, onze ministres des Affaires étrangères ou Secrétaires d’Etat, trois Secrétaires généraux de l’Elysée....soit au total dix –neuf  hautes personnalités.

Pour les questions relatives aux travailleurs algériens émigrés, il a traité avec pas moins de huit ministres du Travail ou secrétaires d’Etat. Total : vingt-sept personnages auxquels il faut ajouter les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, les leaders et secrétaires nationaux des partis politiques, les responsables des chaînes de radio et de télévision, les directeurs successifs du quotidien Le Monde, Hubert Beuve-Méry, Jacques Fauvet et André Fontaine, les dirigeants des centrales syndicales, Cgt, Cgt-Fo, Cfdt...

Le diplomate (ne pas oublier l’universitaire , le ministre et l’expert), maintenant  âgé de 86 ans, s’est souvenu et a rapporté aussi fidèlement que possible les faits les plus importants d’une mission qui a duré neuf années...bien éprouvantes (les relations algéro-françaises relevant de la passion...aujourd’hui encore) . Boumediene l’avait « envoyé au front » (pour un « Evian II  et même pour un troisième encore s’il le fallait ») et Bouteflika, le Mae de l’époque, comptait sur lui « pour veiller au mieux à des rapports algéro-français acceptables ») .

L’auteur a su maîtriser des autobiographies.

Il raconte donc tout ou presque tout , en tout cas, l’essentiel, avec , au passage, comme si de rien n’était (c’est un art qu’il cultive avec élégance et délicatesse) , des portraits ...car, il est vrai, on comprend  mieux les hommes  politiques et leurs politiques à travers les caractères: Ainsi, celui de A. Bouteflika qui, « en plus d’être séduisant, était fort disert et doué d’un réel talent de conteur » (p 46),  celui de Georges Pompidou «  un homme d’Etat raffiné » (p 51) , celui de Valéry Giscard d’Estaing, « un  homme de droite... homme d’un clan plus que d’un camp » (p 60),  celui de  Jacques Chirac, « fougueux, carré, et sans nuances....d’une évidente sincérité et d’ une frappante spontanéité... » (p 120), celui de Gaston Deferre, « un homme politique assez « carré » dans ses convictions et qui ne prisait nullement de parler pour simplement plaire » (p 174), Bourguiba, « qui acceptait que l’on dise de lui qu’il était un trop grand homme pour un petit pays » (p 316)...et  Mobutu, Houphouët-Boigny Nguyen Thi Binh, Kadhafi, Fayçal d’Arabie Saoudite, Sadate...

Quelques révélations : Henri Kissinger qui « ne dédaignait nullement de faire souvent escale à Alger, en dépit du fait qu’il n’existait même pas de relations diplomatiques entre les deux pays, rompues qu’elles étaient par l’Algérie » (46), Boumediene qui, dans la soirée du 11 avril 1975, se rendit, sans avertir quiconque, à l’ambassade de France, pour assister, « décontracté et chaleureux »  à la réception donnée en l‘honneur de Valéry Giscard d’Estaing (p 61), la venue, « incognito, par deux fois », en France, du roi Hassan II pour voir V. Giscard d’Estaing ... (p 121 et p 126), Giscard d’Estaing qui  croyait fermement que « l’Algérie avait le projet de conquérir la Mauritanie » et Senghor qui le croyait encore plus, traitant sans arrêt l’Algérie de « raciste » et d’ « impérialiste » (p 137) , une dépêche de l’Aps (fin décembre 1977, juste après la libération, grâce à l’Algérie, des mains du Polisario de soldats français)  qui a failli se transformer en « Dépêche d’Ems » avec un Valéry Giscard d’Estaing « remonté » contre la presse algérienne....

Notons , enfin, un art assez fin de la critique ; faite de piques fines dont on devine les cibles....et un art de vivre pleinement assumé  ....dans un Paris au « charme conquérant et inimitable »... Paris,  « un poste fort convoité depuis toujours »....convenant parfaitement à notre homme.

L’Auteur : Né en 1929, à Sidi Bel Abbès. Durant la guerre d’indépendance, il a été conseiller juridique du Gouvernement provisoire de la République algérienne(Gpra) et chef de cabinet du Président Ferhat Abbas. Il figurait aussi parmi la délégation algérienne lors des négociations d’Evian. Avant de présider le Conseil constitutionnel à partir de 2002[], Mohamed Bejaoui a été président de la Commission de Surveillance de l’élection présidentielle du 15 avril 1999.Il est nommé ministre des Affaires étrangères du 1er mai 2005 au 4 juin 2007. Avant cela, il a occupé un poste ministériel durant la période 1964-1971. Il était ministre de la Justice, garde des Sceaux. Après avoir quitté le gouvernement, il a été désigné ambassadeur en France ( où il a été fait  Commandeur de  la Légion d’honneur, puis Grand officier ...et il fut , même , membre d’un éphémère Haut Comité de la langue française),  et auprès de l’Unesco (1971-1979).Il fut promu ambassadeur, représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations unies à New York jusqu’à 1982. Titulaire de plusieurs diplômes, M. Bejaoui a été juge à la Cour internationale de justice de La Haye pendant près de vingt ans (1982-2001), puis président de Chambre (1984-1986) et président de la Cour (1994-1997).Bedjaoui est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages et de dizaines d’articles et d’études qui font autorité en droit international

 

Avis : Manuel du métier (difficile et délicat ) de diplomate (p 233 à p 289, en particulier sur « la quête infructueuse de normalité ») . Se lit comme un long roman.......d’amour, continuellement contrarié (entre les deux pays que sont l’Algérie et la France) ...l’ambassadeur étant le « médiateur ». Pas facile en un « laps de temps (huit ans) pour résoudre tous les problèmes dérivés de l’instauration , pendant 132 ans , d’un « rapport inégalitaire »

Citations :  «  Cet homme de droite (Valéry Giscard d’Estaing) , soutenu par la « ligue des princes » et le grand capital, cet homme d’un clan plus que d’un camp, paraissait savoir entendre, à défaut de comprendre, la sourde et impatiente rumeur qui montait de l’autre camp (l’Algérie) » (p 60), «  Le suffrage universel direct réduisait l’influence des partis politiques (élection présidentielle en France en mai 1974) » (p 113), « Il est politiquement dangereux de prendre des positions publiques à partir d’un territoire étranger sur des problèmes d’actualité.......Il ne faut jamais parler d’un problème important à partir de l’étranger  » ( Jacques Chirac visant Valéry Giscard d’Estaing , p 127), « La décolonisation s’affirme douée à la fois d’une force de destruction et création et d’une inertie de continuité. C’est un phénomène complexe de rejet voulu et de maintenir subi, de rupture et de continuité » (p 234), « Quand on lit avec quelque recul, comme aujourd’hui, les accords d’Evian, on observe  bien à quel point ils furent irréalistes. Sur les trois paramètres considérés, ils firent comme si l’unité territoriale de Dunkerque à Tamanrasset allait persister et même se renforcer singulièrement «  ( p 243), « La grandeur d’un homme, mais aussi la malveillance humaine qui l’empêche de rebondir politiquement, vous pouvez la rencontrer plus d’une fois durant votre ambassade parisienne » (p 372), «  A la veille de la proclamation de l’indépendance, le 6 juin 1962 à minuit dix, au Congrès de Tripoli, la Révolution algérienne s’était auto-dévorée lorsque Ben Bella grimpa à la tribune pour invectiver le Gpra en la personne de son Président Youcef Benkhedda et rentra à Tlemcen » (p 398).