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Récit Wassyla Tamzali-

Date de création: 23-06-2020 17:58
Dernière mise à jour: 23-06-2020 17:58
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SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- RECIT WASSYLA TAMZALI- « UNE EDUCATION ALGERIENNE »

 

Une éducation algérienne. Récit mémoriel de Wassyla Tamzali. Chihab Editions, 372 pages, 950 dinars, Alger 2013 (Editions Gallimard, France 2007).

 

Voilà un ouvrage (en quatre grandes parties ou étapes ou « cercles » de vie  : « la passion politique », « la maison pourfendue », « le basculement » -  cette dernière racontant surtout les années 90 avec  un engagement politique assez partisan défendant l’idée « démocratique » Ffsienne - et « le palmier transplanté »  ) qui peut « foutre » une déprime carabinée à tous ceux qui , au lendemain de l’Indépendance et jusqu’à la fin des années 70 ont cru et défendu parfois , becs et ongles (et comme notre auteure,  à contre-courant de ce que pouvait lui offrir comme faciltations de vie la catégorie sociale dont elle était issue) les régimes politiques  successifs , de Ben Bella puis de Boumediène, du moins leurs « idéologies » dites progressistes  : socialisme spécifique, nationalisation des biens des Algériens , défilés « grandioses », manifestations de soutien aux mouvements de libération, fréquentation des « révolutionnaires » du monde entier , volontariat, révolutions culturelle puis agraire,Service national , d’abord appliqué aux étudiants devenus enfin rebelles….

Les jeunes des villes d’alors (18-20-22 ans en 62) , comme culpabilisant (surtout culpabilisés par une bonne partie de ceux qui avaient « libéré »  le pays)  pour ne pas être arrivés à temps pour « monter au maquis » et porter les armes contre l’occupant , ont fait « feu de tout bois » . Tout en jouissant pleinement de la vie, tout particulièremnt  à Alger (alors lieu universitaire unique en son centre-ville, proche des hauts lieux de la vie conviviale ).Peut-être pas militants, mais résolument « engagés » sur tous les fronts ? Même contre leurs parents. Même contre la société et ses tabous . Même contre (euh !) le régime en place. Ils sont tous, ou presque , morts, certains tués par le stress, d’autres par leurs « grands »  ou nouveaux « frères ».

Wassyla Tamzali ? Une certaine idée de la liberté, une certaine idée de la démocratie, une certaine idée de la vie tout simplement….Des idées « progressistes » et « modernistes », déclarées ouvertes sur l’humain et l’humanité,  qui n’arrivent pas , jusqu’à nos jours, à faire leur chemin dans notre pays et ce depuis 62, livré aux « frères ». Une société qui n’est, peut-être, pas encore arrivée à digérer sa liberté et qui reste , dans ses comportements réels et quotidiens, partagée, écartelée même, perturbée ? ou/et , peut-être, une classe politique (militaires y compris),  qui a conjugué et appliqué, à sa manière et selon ses intérêts et les circonstances , les idéaux de Novembre. Entre les deux , les « entre-deux », l’auteure (elle ,plus que d’autres,car  issue d’un mariage dit mixte (mère d’origine espagnole) , issue d’une famille traitée de bourgeoise (les huileries Tamzali, ça vous dit quelque chose !) par les « grands frères », dont le père a été assassiné, à quarante neuf ans à peine,  par erreur, par un jeune « militant » qui voulait trop en faire, avec plein de cousins et de parents engagés dans la lutte de libération nationale….),  et ses amis, de son âge ou presque .D’où des confessions douces- amères….qui, au moins, lui ont permis de renverser Méduse, la monstresse. Au passage , elle questionne le pays…..tout en sachant que personne ne va lui répondre. Abdou est mort d’une crise cardiaque, épuisé,  Kheirredine s’est suicidé, Alloula a été assassiné, Kateb est mort , Boudj’ a été écarté brutalement , la cinémathèque est toujours vide… le Cercle Taleb n’abrite plus que les rats, la Brass’ s’est transformée en restau de luxe… les « grands frères »  gèrent leurs nouvelles fortunes « bien acquises »….et Hocine Ait Ahmed a pris de la distance avec la politique.

 Un attachement exclusif à l’Algérie, et ni les avanies, ni les échecs, ni les erreurs ne semblent avoir Wassyla. . Bien que toujours au plus près du cyclone, elle dit ne pas pouvoir  se résoudre à dire que c’est la fin ? La lutte continue ! Sacré (e) s septuagénaires .

 

 

Avis : Récit plein d’émotion et de triste nostalgie d’un temps mal- aimé,  pas encore digéré , mais aussi regretté. Remuera surtout les intellos septuagénaires et plus (s’il en reste encore) : 20 ans ou un peu moins ou un peu plus à l’Indépendance.

 

Extraits : « Que la politique était gaie en l’an I de l’Algérie » (p 63), « Nous n’entendions pas les poètes. Le quotidien était trop bruyant, et notre ennemi, c’était le colonisateur, l’impérialiste, le Français, le néo-impérialiste, le bourgeois. Notre cinéma, c’était du « cinéma ». Il nous donnait l’illusion d’être libres. Trompeuse liberté «  (p 71), « Le chemin qui menait de  la libération à la liberté  était tordu, et jamais la libération ne garantissait la liberté (….). La libération et la liberté, même racine et faux amis (…) . Dans mon pays, dès les premières années (….), la libération (…) avait effrayé la liberté « ( p 116), « Dans l’Algérie indépendante, il n’y avait plus de père pour rétablir l’ordre des choses. Le pays qui s’annonçait devant l’histoire l’avait tué. C’était le règne des frères » (p 133), «  Pauvres petits hommes, les femmes sont le miroir dans lequel ils peuvent se voir plus grands qu’ils ne sont » (p 137), « Nous avons accepté facilement l’image stéréotypée de l’héroïque peuple algérien, de préférence le peuple paysan , effaçant du même coup tous les autres peuples algériens » (p 157),  « En guise de frères, il y avait ceux qui ne possédaient plus rien (moi), ceux qui ne posséderaient jamais rien (les paysans), et ceux qui, dorénavant possédaient tout, sans retenue, et sans comptes à rendre. Eux aussi , étaient nos frères, nos grands frères «  (p 199)