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Essai Hocine Belaloufi - "Algérie 2019/2020....."

Date de création: 28-04-2020 17:09
Dernière mise à jour: 28-04-2020 17:09
Lu: 821 fois


VIE POLITIQUE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH- ESSAI HOCINE BELALOUFI –« ALGERIE 2019/2020….. »

Algérie 2019-2020. Le peuple insurgé. Entre réforme et révolution. Essai de Hocine Belalloufi, Koukou Editions, Cheraga Banlieue (Alger), 2020, 217 pages, 800 dinars

  Le mouvement populaire né le 22 février 2019 et baptisé Hirak par une grande majorité   de participants et d’observateurs n’est pas le premier dans l’histoire de l’Algérie indépendante. Les masses en révolte firent déjà irruption sur la scène politique nationale en 1980, 1988, 2001, 2011. Ceci sans compter les révoltes populaires limitées dans le temps et l’espace. Avec , la plupart du temps, bien des dégâts matériels et, hélas, beaucoup de morts. Avec , aussi, des conséquences désastreuses lesquelles, pour certaines, durent encore aujourd’hui.

Mais, le Hirak, lui, dure encore…..toujours national, massif, général et pacifique. Chaque Vendredi (auquel il faut ajouter le Mardi pour les étudiants et les lycéens….et certaines journées nationales comme le 8 mars, Journée internationale de la femme) , sans exception depuis plus d’une année, on sort en masse  dans les rues des principales villes (grandes et moyennes ou même petites) des 48 wilaya : hommes, femmes, jeunes , vieux, parfois des enfants….toujours en grand nombre. Qu’il pleuve ou qu’il vente, en hiver comme en été…et durant le Ramadhan. Presque toujours en des lieux devenus emblématiques. Un slogan dominateur : « Yetnahaw Gâa » (« Qu’ils dégagent tous »). Des images , des gestes et des mots d’ordre qui ont fait l’admiration internationale et le tour du monde. Et, aucun dégât matériel. Hélas, trois décès….Des malaises cardiaques.

L’auteur présente certaines de ses caractéristiques principales :

Un mouvement non structuré, ne possédant ni direction ni représentants attitrés et ne se reconnaissant dans aucun parti , syndicat, association, collectif ou personnalité.

Un mouvement de contestation du caractère autoritaire du pouvoir (au départ avec son refus d’un 5ème mandat présidentiel d’un homme cloué sur une fauteuil depuis plusieurs années et ne s’exprimant plus…puis avec un slogan « Système dégage »)

Un mouvement qui veut se réapproprier les articles de la Constitution évoquant la souveraineté nationale …. « qui appartient exclusivement au peuple »

Pas d’anti- militarisme béat, visant donc bien plus des individus que l’institution.

Une dimension sociale évidente…..afin de dénoncer la dégradation continue des conditions de vie  et l’explosion des inégalités sociales  souvent scandaleuses

La dénonciation de la corruption endémique qui ravage le pays

Etc….

En résumé , un objectif politique immédiat : le changement de régime, la fin de la spoliation des richesses du pays par une minorité oligarchique, la défense du pays face à l’impérialisme (français, américain…) , au sionisme, à la réaction arabe…

Bref, un mouvement ne se limitant pas à revendiquer quelques retouches cosmétiques, mais entendant recouvrer une souveraineté qu’il estimait bafouée pour changer les règles du jeu politique et  l’ architecture institutionnelle…..un réel changement de régime sans être lui-même candidat au pouvoir. « A ce stade, il restait un mouvement de réforme radicale ». Mais un mouvement qui a choisi la tactique de pression-négociation (une transition….comme au Soudan !) , en lieu et place d’une tactique d’affrontement-renversement…..car, « aujourd’hui, ceux d’en bas ne veulent plus, mais ceux d’en haut peuvent encore. L’Algérie ne connaît pas de situation révolutionnaire de double -pouvoir ».D’où, pour l’auteur, une telle situation implique de passer un compromis permettant d’éviter que l’expérience s’achève sur un nouvel échec du peuple algérien. Encore faut-il que les tâches, stratégique et tactique et l’indispensable bataille idéologique « ne pourront être prises en charge que par une volonté commune, un intellectuel collectif, un Prince moderne »……c’est-à dire un parti (« les partis sont nécessaires et utiles ») …. .le parti « de ceux qui n’en ont pas aujourd’hui »…un parti « porteur d’un projet d’émancipation des travailleurs et des dominés, mais implanté dans la masse de la  population laborieuse » .Nécessaire et même indispensable, dit-il. Tout est dit !

 

 L’Auteur :Journaliste indépendant et militant de gauche. Auteur déjà de deux  essais (voir ci-dessous)  dont le premier est intitulé « Grand Moyen-Orient : guerres ou paix ? » (2008).

Sommaire : Introduction ( Réforme ou révolution ?) / Première partie : Le peuple s’empare de la revendication démocratique/ Deuxième partie : Aux origines de la crise/ Troisième partie : Enjeu immédiat et perspectives/ Conclusion  (  Les chantiers de la reconstruction)

Extraits : « Nous restons, donc, au moment où ces lignes sont écrites, dans une situation où ceux d’en bas ne veulent plus, mais ne peuvent pas encore et où ceux d’en haut ne sont pas dépourvus de moyens » (p 12), « C’est au sein du pouvoir qui brade la souveraineté nationale et plonge le peuple dans la misère que se trouvent les plus influents et solides relais de l’impérialisme » (p 15), « Le régime algérien (de A. Bouteflika) n’est ni monarchique ni véritablement républicain. Ce n’est ni une dictature, ni une démocratie. Ni une théocratie ni un régime laïc. S’il n’est pas pro-impérialiste, il n’est plus anti-impérialiste. Il n’est pas ultra libéral, mais n’est pas antilibéral. Son incapacité à trancher les contradictions de la société et celles qui le traversent reconduit en permanence les conditions de la crise. Cet immobilisme révèle une incapacité à se réformer » (p 51), « Pour les forces attachées à l’option socialiste, le coup d’Etat du 19 juin 1965 constitua une défaite politique historique qui mit fin à la tentative de remise en cause des rapports de production capitalistes…….Pour autant, ce coup de force ne constitua pas un coup d’Etat pro-impérialiste d’une force de droite porteuse d’un projet de capitalisme libéral associé à l’ancienne puissance occupante dans le cadre d’un rapport néocolonial » (pp 88-89), « Le régime de Bouteflika , même sans Bouteflika, ne peut donc se réformer. Il peut être forcé à le faire, ce qui ouvre à terme, à l’issue d’une transition, la voie à sa disparition » (p 136)

Avis : Un livre très , très, très  engagé , très , très direct . Un livre écrit par un journaliste expérimenté, fin observateur de la vie politique et sociale…..et militant anti-  capitaliste sincèrement convaincu.

Citations : « Le mouvement populaire né le 22 février 2019 et baptisé Hirak par une majorité de participants et d’observateurs n’est pas le premier dans l’histoire de l’Algérie indépendante. Les masses en révolte firent déjà irruption sur la scène politique nationale en 1980, 1988, 2001, 2011.Mais jamais de façon à la fois aussi durable, massive, unitaire, générale, pacifique » (p 19), « Les véritables fomentateurs de révolutions ne sont pas les révolutionnaires mais des régimes autoritaires » (p 47), « On peut dire que le régime algérien fut conçu dans les années vingt du siècle dernier, plus précisément lors de la formation de  l’Etoile Nord-Africaine (Ena).Particulièrement mouvementée, la grossesse dura près de trois décennies avant que sa mère, la nation algérienne, ne lui donna officiellement naissance le 5 juillet 1962, à la suite d’un accouchement au forceps  qui dura près de huit années »( p 121), « Toutes les armées du monde font de la politique. Aucune d’entre-elles n’est neutre. Toute la question est de savoir quelles politiques elles mènent et au service de qui elles les mènent » (p 192)