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Préjugés

Date de création: 04-03-2020 18:36
Dernière mise à jour: 04-03-2020 18:36
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SOCIETE- PRATIQUES- PRÉJUGÉS

© Le Soir d’Algérie/R.S, dimanche 1/3/2020

Qu’on le veuille ou non, les préjugés font partie de notre quotidien. Inconsciemment, soit nous les endurons, soit, au contraire, nous les faisons subir.
Pour preuve, les petites phrases ou blagues stéréotypées «anodines» lancées comme une boutade, liées à une région ou à la couleur de la peau, reviennent  souvent dans nos conversations. Les préjugés ont la peau dure. Comme dit Einstein, «il est plus facile de détruire un atome qu’un préjugé» .

De la couleur de la peau à la maladie : rien n’y échappe
Les Indiens sont forcément affamés. Les Chinois sont des mangeurs de chiens et de chats. Les Marocains sont des sorciers. Les Noirs sont sales et fainéants… Les Algériens font le tour du monde à leur manière en d’autres termes en ayant des « préjugés » bien déterminés sur les étrangers. Ces derniers ne sont pas les seuls à en pâtir car même nos compatriotes ne sont pas à l’abri. Des Algériens sont surnommés Keita ou Amadou parce qu’ils sont noirs. Ils sont considérés comme Algériens de seconde zone parce qu’ils n’ont pas la peau blanche des gens du Nord. Et un des préjugés les plus répandus les concernant est qu’ils passeraient leur temps affalés par terre en refusant les durs labeurs pour ne pas se fatiguer. Au-delà de la couleur de la peau, les idées reçues concernent aussi les maladies rares ou méconnues.
Dans certains cas, les préjugés sont trop lourds à porter, d’où l’impératif des concernés à dissimuler leur maladie comme pour les épileptiques. Ces derniers, face aux idées préconçues très répandues, vivent dans la honte et refusent de déclarer leur maladie, que ce soit sur leur lieu de travail ou même à leurs amis. 
Les préjugés font d’eux des personnes dépendantes, incapables de travailler et d’assumer leurs responsabilités. Ainsi, malgré les progrès de la recherche et la qualité de vie, ils  sont tenaces. Certains croient encore que l’épilepsie est une maladie mentale, ou une crise de démence ou qu’elle est contagieuse ; d’autres pensent qu’il est possible d’avaler sa langue lors des convulsions ou qu’il faut absolument maîtriser l’épileptique en crise pour l’empêcher de se blesser. Dans notre société, les femmes épileptiques souffrent encore plus de ces stéréotypes. Rares sont celles qui ont le courage de déclarer cette maladie aux futurs époux ou à la belle-famille de peur de ne pas se marier. Ce n’est que lors de la grossesse qu’elle feint, comme les membres de sa famille, d’apprendre sa maladie.  
L’épilepsie est une preuve de ces préjugés aux côtés de l’hémophilie ou bien encore le sida. Pour cette infection, ces idées préconçues entraînent l’ignorance et, de ce fait, sa propagation. Les préjugés moraux ont longtemps répandu l’idée que dans un pays musulman, il n’y a pas de malades atteints de ce virus ou bien encore que les femmes mariées ne sont en général pas atteintes.
Les handicapés sont eux aussi rattrapés pas des clichés tels que «les personnes sourdes sont  stupides», «les personnes non voyantes vivent dans le noir», «les étudiantes ou étudiants handicapés profitent de leur déficience pour se la couler douce» ou encore «seuls les pauvres sont atteints de maladies mentales». Des idées préconçues qui peuvent, dans certains cas, isoler encore plus le handicapé et sa famille.

Les bonnes blagues des Mozabites, Kabyles et Mascaréens
«C’est un vendeur de quincaillerie», «il n’y pas plus radin que lui», «il vendrait sa mère pour quelques sous», «il a allumé un billet de 200 DA pour trouver une pièce de 10 DA», autant de petites blagues pour désigner un Mozabite réputé radin, picsou, vivant en autarcie, et très communautaire.
«Leqbayli el fayah», littéralement le Kabyle qui pue, «l’huile est passée quant aux Kabyles je les ai toujours au travers de la gorge, parlant de l’huile d’olive que les arabophones appellent communément zzit leqbayel (l’huile des Kabyles)», autant de petites «plaisanteries» censées détendre l’atmosphère mais qui renseignent sur les idées reçues de leurs auteurs. Le Kabyle ne travaille que dans les champs d’oliviers et sent le bétail.
Les Blidéens, eux, sont réputés être inhospitaliers : «Mets tes souliers devant la porte pour ne pas les chercher avant de partir », « le train est à 15 heures, juste avant l’heure du café ». La palme d’or revient aux Mascaréens présumés  être « idiots » avec le nombre incalculable de blagues les concernant.
Comme quoi le préjugé qui dit : «Si tu es d’Alger, tu te moques de tout le monde » peut se révéler vrai. Que ce soit pour ses compatriotes ou des étrangers, l’Algérien semble démontrer sa peur d’autrui. Au-delà des préjugés régionaux, une autre forme d’idée reçue s’est propagée. Elle concerne simplement l’habit. Une femme portant le hidjab renvoie d’elle une femme pieuse pure ou bien au contraire qui serait aux emprises de difficultés sociales ou familiales. « Elle ne l’a mis que pour pouvoir sortir de chez elle ! » dit-on pour résumer. Et dans le cas contraire, une femme sans voile donne d’elle une image de fille frivole, sans cervelle ou bien au contraire en diapason avec son temps. Dans les deux cas de figure, les préjugés sont tels que rares sont les personnes qui prennent le temps d’interroger sur le choix de la tenue vestimentaire. Cette dernière peut, entourée de préjugés, constituer un obstacle pour le dialogue.
Preuve en est le dialogue interreligieux quasi inexistant en Algérie. «Des chrétiens en Algérie ? Jamais !» dit-on. Et pourtant, des familles algériennes, de souche, et depuis de longue date ayant une autre religion que celle admise, vivent dans notre société. Elles font le choix de taire cette différence de peur des préjugés tels que le prosélytisme vers leur religion. Une idée reçue au même titre que les musulmans sont considérés comme des terroristes enturbannés.

Célibataire à plus de 35 ans : anguille sous roche
Près d’un Algérien sur deux vit en solo. Et les hommes sont les plus concernés sans que cela soit ressenti comme un véritable malaise dans la société. Mais quand le célibat se conjugue au féminin, la femme est entourée de préjugés dans sa famille en particulier et dans la société en général. «Elle a mis tellement de conditions qu’à 35 ans, elle se retrouve seule», «elle est restée pendant plusieurs années à attendre son fiancé avant d’être abandonnée», «elle a tout misé sur sa carrière et voilà elle se retrouve seule». C’est le genre de phrases qui fusent lors des mariages en direction des célibataires trentenaires, qui, généralement, ne font pas ce choix mais qui le subissent en considérant les conditions socioéconomiques du pays. Et a contrario, les femmes mariées sont cataloguées comme étant des femmes «soumises» n’ayant «aucune liberté», tout le temps derrière leurs fourneaux et s’occupant du ménage. Bref, elles n’ont aucune vie sociale et ne sont nullement  épanouies.
Des stéréotypes existent aussi sur les riches qui ne le sont devenus que par la corruption et la «tchipa» ou encore les pauvres parce qu’ils ne veulent pas travailler. La réussite en est ainsi jalousée.
En d’autres termes, pour vivre heureux, vivons sans préjugés