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Essai Hela Ouardi- "Les Califes maudits.La déchirure"

Date de création: 23-02-2020 12:36
Dernière mise à jour: 23-02-2020 12:36
Lu: 901 fois


CULTURE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI HELA OUARDI- « LES CALIFES MAUDITS.LA DÉCHIRURE »

LES CALIFES MAUDITS. LA DÉCHIRURE. Essai de Hela Ouardi. Koukou Editions, Cheraga/Alger 2019, 234 pages, 1 200 dinars

Chose promise, chose due. De toutes façons, elle ne pouvait faire moins que tenir sa parole de bon chercheur : A la fin de son premier ouvrage, elle avait annoncé une suite.....Une suite ? Celle de la naissance du premier califat de l’Islam, une institution unique et inéditée,  inventée il y a quatorze siècles ? Celle des quatre califes, les « bien guidés » qui ont poursuivi sa geste (Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthman et ‘Ali) ? .....

Un livre qui propose une reconstitution historique détaillée de cette genèse qui a duré les jours et semaines qui ont suivi immédiatement la mort du Prophète. Grâce à une exploration philologique des sources de la Tradition musulmane  (sunnite et shî’ite.....qui « concordent presque toujours dans leur description des événements ») et une mise en forme qui rassemble les récits atomisés de la Tradition dans un ensemble unifié (avec toujours des précisions quant aux sources « isolées »  )

L’auteure est catégorique : son récit ne veut pas dire « fiction » . « Rien, absolument rien dans ce  livre n’est inventé ......tout ce j’ai trouvé, ajoute-t-elle, existe bel et bien dans les sources les plus vénérées, mais est négligé par la mémoire collective ». Les faits, les dialogues, tous les détails, jusqu’au portrait physique des protagonistes, sont exclusivement tirés de la littérature musulmane traditionnelle et canonique.

Les protagonistes sont tous des figures majeures de l’islam naissant : Abû Bakr, le plus proche Compagnon, ‘Umar, son second « impétueux et violent » , ‘Ali, le gendre bien aimé, Fâtima, la « fille chérie au destin funeste », qui lancera une terrible malédiction à ses spoliateurs, les futurs premiers califes. « Entre tous ces personnages hauts en couleurs se noue une véritable tragédie grecque aux conséquences durables.Car, au-delà des querelles de personnes, c’est bin le destin de l’islam et, par conséquent, du monde entier qui se joue »

Un récit accompagné d’une grande masse de notes (26 pages) et une riche bibliographie : Sources arabe (de la Tradition et contemporaines) + une bibligraphie générale sélective. La traduction française du Coran utilisé est celle de Masson, D. (Gallimard, « La Pléiade », 1967)

L’Auteure : Professeure de littérature et de civilisation française à l’université Manouba de Tunis. Chercheuse associée au Laboratoire d’études sur les monothéismes du Cnrs (Paris). Déjà auteure des « Derniers jours de Muhammad.Enquête sur la mort mystérieuse du Prophète » (présenté in Médiatic en décembre 2018. Un  ouvrage alors en vente libre....seulement  au Liban, en Tunisie et en Algérie....et une « tentative » de saisie a eu  lieu lors   Sila de l’époque . Elle a, heureusement , échoué. )

Extraits : « Raconter l’histoire des premières années de l’islam est une manière pour moi de réanimer une mémoire collective fossilisée par une amnésie générale et confisquée par des forces obscures qui, sous couvert de glorification du passé de l’islam, l’ont transformé en machine de guerre » (p 13), « Deux groupes s’ apprêtent à s’affronter pour la possession du pouvoir.D’un côté , les Emigrants conduits par Abû Bakr et ‘Umar ; tous issus de la tribu de Quraysh.....De l’autre, les Ansârs.... » (p 33), « Bien avant l’avènement de l’islam, les Qurayshites jouissaient déjà d’un prestige inégalé parmi les tribus arabes. Gardiens depuis le siècle du sanctuaire de la Ka’ba à la Mecque, ils détenaient ainsi un prodigieux capital symbolique qui générait aussi un profit matériel –le pèlerinage était déjà à l’époque une juteuse opération » (p 77),« Les hommes présents ce jour-là à la saqîfa sont quasiment tous des commerçants et la négociation politique prend vite des allures de marchandage.Les adeptes de la religion du commerce jettent les bases d’un nouveau négoce : le commerce de la religipn » (p 85), « Dans la saqîfa, ce n’est pas seulement deux clans qui s’affrontent mais deux conceptions différentes de l’autorité politique : l’une horizontale, l’autre verticale  »  (p 93), « La réunion de la saqîfa conclue et achevée dans la mosquée aura été la genèse d’une autorité politico-religieuse centralisée inédite qui va tenter de stabiliser le pouvoir en Arabie par l’utilisation d’un paramètre totalement nouveau : le sacré.L’islam a profondément changé la nature des Arabes ;il a métamorphosé et façonné cette matière brute » (p 117)

Avis : Une véritable recherche qui a réussi à réunir les morceaux «éparpillés » d’un puzzle pour en faire des scènes et des portarits vivants, reliés par le fil d’une narration chronologique suivie. Un livre qui rompt avec la légence et avec tout parti pris idéologique. Un livre qui s’est bien vendu lors du dernier Sila.....et après.

Des bio-express des principaux protagonistes en début d’ouvrage......Des notes à profusion. Et, une bibliographie très fournie dont les  sources arabes , de la Tradition, et contemporaines 

Citations : « L’orateur de la tribu est souvent accompagné de poètes dont les vers font le plus grand effet sur l’esprit arabe, très sensible au pouvoir persuasif de l’éloquence et à l’autorité de la parole. Ces vers, repris et diffusés , exercent une influence déterminante sur l’ « opinion publique » de l’époque » (p 70), « La rumination des haines du passé aura été le canevas sur lequel s’est tissée la négociation politique, inscrivant la division dans le « programme génétique » de la communauté musulmane.....Le spectre de la déchirure n’a jamais été conjuré ;il reste là, tapi, à l’état larvaire.Il grandira d’une manière souterraine et éclatera viont-qautre années plus tard dans une guerre qui divisera irréversiblement les musulmans entre sunnites et shî’ites » ( pp 110-111), « Né à l’ombre de la saqîfa des Banû Sâ’ida , le pouvoir du premier califé de l’islam, ombre de Dieu sur terre, grandira à l’ombre des sabres... » (p 186)