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Mohamed Lamari

Date de création: 17-12-2019 16:35
Dernière mise à jour: 17-12-2019 16:35
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CULTURE- MUSIQUE- MOHAMED LAMARI

 


Décédé à Alger ,dans la matinée du lundi 16 décembre 2019, à l’age de 79 ans, le “ténor de la Casbah” a marqué des générations grâce à ses titres incontournables, à l’instar d’El-Djazaïria ou encore Ya Qalbi

Ah Ya Qalbi ! Ch’hal tekwit mel kiya (ô mon cœur, combien de peines tu as endurées) (1973), si tant de chagrins d’amour qu’il s’en est allé Mohamed Lamari ce “ténor de la Casbah” après qu’il a fait l’éloge de sa mère patrie El-Djazaïria et surtout l’Algérienne qu’il avait au cœur. D’ailleurs, qui de nous n’a pas fredonné cet air Ya Qalbi, né de la composition du Safar Bati Mohamed El-Mahboub (1919-2000) dit Mahboub Bati durant l’été 1973 ? Natif en 1940 à l’îlot du Mont-Thabor dans la Haute-Casbah d’Alger, Mohamed Lamari est allé sur l’itinéraire de ses aînés pour être d’abord docker au port d’Alger. Mais c’était trop peu pour lui, puisqu’il n’avait ni l’allure ni le profil d’un débardeur de quai. 
Ce qu’il désirait avant tout ? C’était de la douceur qu’il goûtait sur ses premiers pas de “halwadji” (pâtissier) et de l’esthétique qu’il façonnait de ses mains d’apprenti bijoutier jusqu’en 1956. Et à l’instar des petits “Ya Ouled”, il adhéra au group Echihab des boy scouts pour interpréter les chants patriotiques qui l’emmenèrent sur la scène du cinéma El-Djamal (ex-Montpensier) à Soustara où il chantait les standards de feu Abderrahmane Aït Mira dit Abderrahmane Aziz (1920-1992) aux émissions de “radio-crochets” durant les séances de music-hall de dimanche. Et c’est dans le feu de la guerre de libération nationale qu’il enregistra son premier 45 tours aux éditions El-Djamal qu’il doit aux paroles de cheikh Abdelkader El-Khaldi (1896-1964) et à la musique de l’accordéoniste Boualem Hadjouti de l’orchestre de Blaoui Houari (1926-2017). Vif et alerte, Mohamed Lamari gravit les marches de l’Opéra d’Alger où il a trouvé la main tendue du “hezzabMahieddine Bachtarzi (1897-1986) qui ôta les maladresses de sa fougue juvénile et lui apprit les rudiments du chant. 
Très vite, il s’engagea dans la cour des grands, celle de la troupe de Besnassi Mohamed dit Touri (1914-1959) et s’auréola de succès, et de là il enregistra en 1957 Mansitchi Ayama Elhilwa (je n’ai pas oublié les jours heureux) de Haddad Djilali (1927-1986) à la maison Teppaz. S’ensuivit Sammoura (la brune) de Haddad Djilali (1927-1986), qui l’emmena au Colisée, l’actuel El-Mouggar, avec l’orchestre de Marcel Ayala qui lui ouvrit les portes de la gloire et sa rencontre avec Pétula Clark. 
Seulement, l’ascension de Mohamed Lamari allait connaître la trêve due à l’épopée héroïque de la Bataille d’Alger où le crooner allait connaître les geôles du colonialisme jusqu’à sa libération à la fin de l’année 1958. 
Et au lendemain de la liberté arrachée, Mohamed Lamari renouera avec la scène parisienne et ses sunlights, où il brilla de mille feux lors d’un tour de chants avec l’orchestre de Jerry Mengo et de Amraoui Missoum (1921-1968). D’ailleurs, c’est l’époque où naquit l’indémodable El Djazaïria qu’avait signée conjointement le regretté duo composé de Mohamed Lahbib Hachelaf et de Haddad Djilali. D’un tantinet dandy, mais révolutionnaire, Mohamed Lamari a chanté la Palestine ainsi que les exploits guerriers d’Ernesto Guevara dit le “Che” (1928-1967), puis Africa lors du 1er Festival panafricain aux côtés de la militante anti-apartheid Miriam Makeba (1932-2008). En dépit qu’il s’est éteint, Mohamed Lamari reste à la haute place du podium de la chanson algérienne qu’il a chantée aux quatre coins du globe, mais aussi sur les planches de l’Opéra d’Alger auxquelles “la bête de scène” qu’il était de son vivant mettait le feu. Certes que l’on ne le verra plus sur la terrasse du grand café le Tanton-ville d’Alger ni à l’affiche de ses concerts “Rana H’na” (On est encore là), mais il restera l’indéboulonnable idole des jeunes, notamment ceux de la génération des seventies qui n’oublieront jamais sa voix de ténor et son jeu de scène qui soulevait les foules.

Dans un entretien accordé à El Watan en 2011, l’artiste avait déclaré à  Smail K. qu’il avait fait trois fois le tour du monde et qu’il avait été reçu par 22 chefs d’Etat : Nkrumah, Sékou Touré, Hafed El Assad, Hassan II, Tito, Bourguiba… «J’ai dormi dans la maison de Walid Joumblat en 1976, durant la guerre civile au Liban… Je chante dans huit langues, notamment en hongrois, russe, espagnol… Je me suis produit en concert devant 100 000 personnes au stade du 5 Juillet, à Alger, en 1985, lors du match opposant l’Algérie à la Zambie.» Selon lui, sa voix était un don de Dieu.

«Elle est en sol mineur. On ne triche pas avec une voix. Si c’était à refaire, je referai la même carrière… J’ai refusé, en 1963, une carrière internationale, chez Pathé Marconi. Je devais être affublé du nom d’artiste Harry Lamy. Genre, crooner de bossa nova… Je suis un patriote. J’ai fait les scouts avec Ali Maâchi, un nationaliste. On est de la même ‘‘race’’».

Il est à noter que le journaliste Abdelkrim Tazarout avait consacré, en 2010, une biographie intitulée Mohamed Lamari, le ténor de La Casbah, aux éditions Rafar. Dans la préface, Achour Cheurfi note que «Lamari a réellement révolutionné la chanson algérienne en lui ouvrant toutes grandes les portes de la modernité (…) Son répertoire immense aux sonorités variées va de la chanson d’amour, romantique et douce jusqu’au texte engagé et mobilisateur…».

Lamari a chanté de sa voix forte des chansons qui resteront à jamais gravées dans les mémoires, à l’image de Djazaïria ; Africa, ou encore Rana H’na. Tous ceux qui l’ont approché gardent de lui l’image d’un bon vivant qui aimait son métier par-dessus tout. Pour saluer la mémoire de cet immense artiste, des témoignages émouvants lui ont été rendus. Tous se sont plus à affirmer que la grandeur d’un homme se mesure au caractère ineffaçable de son œuvre.