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Journalisme professionnel- Cheniki Ahmed

Date de création: 18-07-2019 09:50
Dernière mise à jour: 18-07-2019 09:50
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COMMUNICATION- OPINIONS ET POINTS DE VUE - JOURNALISME PROFESSIONNEL- CHENIKI AHMED

 

(c) Cheniki Ahmed, universitaire (Annaba), in facebook, mercredi 17 juillet 2019

 

Peut-on parler de journalisme « professionnel » en Algérie ?
Un journaliste américain qui avait effectué, il y a quelques années en Algérie, a, dans un entretien, insisté sur des éléments essentiels dans la pratique journalistique : responsabilité, service public, vérité, éthique journalistique et techniques rédactionnelles. 
Il est des termes qui se conjuguent tellement à des réalités abstraites qu’ils perdent ainsi leur sens. La notion de liberté reste marquée par des équivoques et des glissements sémantiques et lexicaux très sérieux. Souvent, on entend des journalistes protester contre l’absence de sources alors que c’est le journaliste lui-même qui doit chercher l’information en utilisant tous les moyens possibles pour atteindre son but. La quête de l’information implique une formation conséquente car celle-ci doit-être vérifiée et revérifiée avant d’être digne d’être publiée. L’usage des mots n’est pas aussi simple et facile que certains ont tendance à le penser. L’omission d’une virgule dans une dépêche a été à l’origine de la plus longue guerre européenne de l’Histoire. Ainsi, liberté rime avec responsabilité. Responsabilité devant les faits à publier et devant le lecteur. Aujourd’hui, dans notre presse encore marquée par un flagrant manque de professionnalisme, l’insulte et l’invective s’érigent en véritables règles de conduite. Le lynchage de personnes ou de structures, sans aucun travail d’investigation préalable, n’obéit à aucune règle professionnelle d’autant plus que la vérification et la critique des sources n’ont pas lieu. Dans certains journaux sérieux, certes rares, dans le monde, on exige du journaliste une grande distance avec les faits et un éloignement permanent des espaces de décisions politiques et économiques, ce qui l’empêcherait de fréquenter les hommes politiques, les généraux et les décideurs. Toute proximité avec ces univers rendrait son projet sujet à caution, discutable et trop peu crédible. N’est-il pas utile d’appliquer la même logique dans nos écrits journalistiques, évitant ainsi de faire le jeu volontaire ou involontaire des tribus politiques ? Le journalisme est l’espace privilégié du manque et de la frustration. C’est aussi le lieu de l’humilité. L’écriture journalistique ne devrait pas rester prisonnière du commentaire, de la profusion des adjectifs et du compagnonnage des hommes politiques et du monde de l’argent. On a vu également des journalistes algériens accepter des invitations de ministères étrangers des Affaires extérieures, de Djezzy ou d’officines étrangères ou se faire « former » par certaines fondations peu amènes ou des directeurs de journaux, signer un document délimitant les territoires déontologiques sous l’égide de l’union européenne. Comme si les Maghrébins devaient toujours s’abriter derrière un parapluie éthique « occidental ». Fanon parlerait dans ce cas de « complexe du colonisé ». La couverture des événements internationaux (Syrie, Libye, Egypte, Tunisie) pose sérieusement problème dans la mesure où certains journaux, reproduisant généralement les dépêches des agences de presse « occidentales » sans les interroger, faisant valoir les positions officielles des gouvernements des pays d’origine de ces agences qui reprennent le discours officiel, surtout en temps de crise. 
La jeunesse des équipes rédactionnelles souvent non formées ni soutenues par les anciens dont un nombre important manque tragiquement d’expérience, l’absence de recul devant l’information et de politiques éditoriales cohérentes donnent l’impression au lecteur qu’il est en présence de tribunes partisanes et politiques. Le tract se substitue à l’article journalistique. Les adjectifs qualificatifs et possessifs, le passé simple, le présent de narration, l’impératif et les formules prescriptibles, lieux exceptionnels dans l’écriture journalistique, se muent en espaces communs. Le conditionnel est souvent malmené alors qu’il se transforme souvent dans certaines situations de communication, en indicatif. Quand on écrit : « X serait un escroc » ; au niveau de la réception, la formule devient tout simplement : « X est un escroc ». 
Le journalisme n’est pas le lieu où se manifestent les états d’âme et les formules sentencieuses qui réduisent souvent un propos fondamental à quelque tournure phrastique, hautement marquée subjectivement. L’écriture journalistique a horreur des drôleries partisanes caractérisant certaines interventions et de la gymnastique et des contorsions lexicales marquant des écrits, pleins de mots difficiles et manquant tragiquement de rigueur et de concision. Souvent, la transition d’un fait à un autre pose sérieusement problème, trahissant une grave méconnaissance des techniques d’écriture. La confusion entre les différents genres (reportage, commentaire, éditorial, enquête…) est courante. On devrait insister sur l’importance de l’investigation et du reportage qui sont les éléments essentiels de l’écriture journalistique. Tout journal, privé ou public, est, en principe, concerné par cette obligation de service public qui ne semble pas jusqu’à présent marquer les consciences. 
Les journaux et les télévisions devraient prendre en charge leurs journalistes, notamment dans la maîtrise de l’outil informatique. 
Ecrire des articles ne se limite pas à un alignement simple de mots et de phrases, mais obéit à plusieurs logiques qui s’interpénètrent, se complètent et donnent vie à un texte où les failles et les « trous » sont obstrués par une vérification répétée de l’information. Les directions sont-elles disposées à se lancer dans ce type d’écriture, c’est-à-dire dans le journalisme, en commençant par aider leurs journalistes, les rétribuer en conséquence, les former et leur permettre de découvrir le monde ? Il est nécessaire de payer le prix. A regarder les chaines de télévision algériennes, on ne peut pas ne pas conclure qu’elles n’ont absolument rien à voir avec l’information et la communication, ni avec le journalisme. L’histoire du sermon sur le commandant Bouregaa est carrément le contraire de la pratique journalistique et de toute éthique.