Nom d'utilisateur:
Mot de passe:

Se souvenir de moi

S'inscrire
Recherche:

Etude Ali Aid- "L'Algérie dans le jeu du cinéma français"

Date de création: 09-04-2019 17:10
Dernière mise à jour: 09-04-2019 17:10
Lu: 1182 fois


CULTURE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH- ÉTUDE ALI AID- « L’ALGÉRIE DANS LE JEU DU CINÉMA FRANÇAIS.... »

L’Algérie dans le jeu du cinéma français, 1897-1962. Etude de Ali Aid. Enag Editions ,  Alger 2017  , 550 dinars,260 pages.

De 1911 à 1962, les cinéastes français ont tourné une centaine de films environ en Algérie (voir liste et descriptif en annexe, p 241) .....dont une cinquantaine de production étant des adaptations de romans, de pièces de théâtre, de drames et de biographies.

Globalement, ils ont choisi la glorification directe de la conquête, de ses bienfaits, de ses « apports » à l’Algérie et à ses populations. Le parti-pris manifeste   « gomme les Algériens » et , dans les meilleurs des cas , les cinéastes (tous ou presque tous)  « les utilisent en produits sous-jacents pour des arrières –plans douteux »

Au départ, à l’époque où les techniques cinématographiques étaient rudimentaires (et période durant laquelle les seules salles étaient dans les villes et les quartiers européens et  les publics étaient –quasi-totalement-  les seuls français )  on a eu droit à des images « tournés »  sur le vif sur des sujets en apparence réalistes mais aux reflets « exotiques ». En face d’une « mère-patrie » noble et lissée, les autochtones sont saisis en groupes, voilés, dans des rues délabrées au pied de murs fissurés...... Ainsi, « L’Appel du Muezzin » est une « véritable caricature animée soumettant son personnage aux lois d’une pesanteur déréglée », installant l’islam « comme un capharnaüm de cultes barbares et insolites ».Objectif ,conscient ou non...soutenir le colonialisme en quête de maintien de la société algérienne....  à faire évoluer !

Une parenthèse....celle de la Grande guerre (14-18)...le système lâchant un peu de lest .Les images parlent de « dévouement ». Les comportements racistes sont momentanément mis de côté. ... La « chair à canon » - Les Indochinois, les Maghrébins, les Africains -  est « ménagée » et leurs fêtes respectives sont célébrées avec faste et bruit....Tous ces hommes ne sont plus des « sauvages  » à libérer , mais des « hommes » venus libérer la République .

Une (petite) parenthèse qui ne va pas durer....Les « anciens combattants », les indigènes  issus  des colonies sont assez vite renvoyés aux oubliettes. La fin de la guerre redynamise la production cinématographique mais « elle n’éloigne pas pour autant les bobines des voies faussées ». .L’image des Algériens exploitables revient au galop ; et « les voilà affublés de nouveau de tous les maux de la vie ». « Des hommes à histoires, un peuple sans Histoire ».

D’ailleurs, à  travers toute la production cinématographique, les Algérien(ne)s ne sont que rarement associé(e)s....surtout comme figurant(e)s à la mine patibulaire ou confiné(e)s dans des rôles de serviteurs, de guides, de chauffeurs,de proxénètes et de bandits sans foi ni loi, de gibiers de potence , de sauvages,   de barbares, d’épouses asservies,de servantes, de femmes faciles partiellement nues, de prostituées.... dans des contrées attardées. Bien sûr, on a eu Mohamed Iguerbouchen (pour la musique de certains films), Tahar Hannache, Himoud Brahimi, Ksentini Ahmed.....et d’autres  noms qui traversent , tous et toutes, les génériques à grande vitesse. Des places de faire-valoir...... comme les décors d’ailleurs, conçus pour la plupart de l’autre côté de la mer, avec des raccords d’extérieurs, comme ceux de la Casbah,  filmés à Marseille et à Sète.....défigurant ainsi les réalités.

Une telle démarche ne changera pas jusqu’à l’indépendance du pays. On peut même affirmer que cela a été de mal en pis , « l’ image (bien lissée) supplantant l’histoire (en vérité tragique) » (comme pour les massacres du  8 mai 1945), l’inimitié (ou la haine ou la rancune ......et il n’y  a qu’à se référer au fameux article 4 de la  fameuse loi du 23 février 2005, évoquant le « rôle positif de la présence française outre-mer »....et attendre octobre 1999  pour que le Parlement  français reconnaisse « l’état de guerre en Algérie » dans les années 50.....et le film « J’ai huit ans » de Poliakoff et Le Masson, réalisé en 1961 n’a obtenu son visa de diffusion......qu’en 1974 ) allant de mal en pis au fur et à mesure de la montée en puissance et en actes (à partir de 54) de la résistance et du déclenchement de la guerre de libération nationale . Les récits restent enfermés dans leur histoire, sans se défaire de l’obsession colonialiste. Et, alors que « la guerre fait rage, les images parlent de paix », les conflits n’étant pas abordés ouvertement et l’attachement à la vision colonialiste persistant pernicieusement . « L’Algérien passe du sauvage à le hors-la –loi, de malfaiteur à criminel et de brigand à terroriste » .  Peu d’exceptions. Il a fallu que des cinéastes (français comme René Vautier dès 49 à sa sortie de l’Idhec –avec un film « Africa 50 », tout de suite interdit et projeté publiquement seulement dans les années 90 - , Cécile Decugis,Pierre Clément, Yann le Masson et Olga Poliakoff, Jacques Panijel ou Algériens comme Djamel Tchanderli  et ....  un peu Jean-Luc Godard avec « Le petit soldat », mettant en scène un déserteur, tourné en en Suisse en 1960 et vite interdit de diffusion en France  .....) « prennent le maquis » et  filment la réalité  parfois en remontant le temps, dévoilant ainsi les abominations  du colonialisme. Aujourd’hui encore,en France,  le « (beau) temps colonial », à quelques rares exceptions près, reste encore dominant soit au niveau des productions soit au niveau des débats.

Quelques titres dont la seule lecture  , à elle seule, annonce un certain contenu , sans parler des premières productions franchement islamophobes et racistes, comme « Le Musulman rigolo » en 1897  ou « Le Sorcier arabe »,   « Vengeance Kabyle » (1911), « Visages voilés, âmes closes » ( 1921) ,  « Sarati le terrible » (1922), « La fille des Pachas » (1926), « L’Esclave blanche » (1927), « Dans l’ombre du harem » (1928), « Le Bled » (1928), « El Guelmouna » (1931), « Ombres sur le Rif » (1932),  « Tartarin de Tarascon » (1934), « Légion d’honneur » (1937), « Pépé le Moko » (1937), « Sos Sahara » (1938), « L’Appel du Bled » (1942), « L’Escadron blanc » (1949), « La soif des hommes » (1949),  « Au cœur de la Kasbah » (1951), « Sidi Bel Abbès » (1953),  « Les Suspects » (1957), « Sergent X » (1959)....

 

 

 

 

 

 

 

L’Auteur : Né en 1954 à Azzefoun. Etudes à l’Ehdss-Cinéma de Paris . Plusieurs études et articles .....journaliste reporter.

Extraits : « Les cinéastes, indissociables de l’histoire qui les porte, épousent les contours des situations ambiantes. Ils chargent leurs bobines de préjugés rentables et incitent les consommateurs à ne regarder les choses qu’en surface. Leur cinéma s’arroge d’entrée le rôle de miroir déformant des réalités visibles et de traducteur des desseins colonialistes » (p 12), « Que le sujet soit en relation ou non avec l’Algérie, l’éviction de ses fondements sociologiques et de sa réalité accompagne la colonisation au-delà de l’indépendance » (p 67), « La progression du récit situe les Algériens ignorants, têtus et irresponsables. Menaçants, conservateurs, inaptes au progrès, ils tendent une embuscade à leurs bienfaiteurs et pour ennoblir la culture, l’Européen et la science qu’ il met en avant, l’auteur ,pétri par les préjugés fixés par ses prédécesseurs, fait de sorte que ces « arriérés » blessent la princesse (commentaire du film « Vénus », 1930)  » (p 97), « L’industrie, l’agriculture et les infrastructures sont filmées et commentées avec passion et ardeur en justifications de la colonisation. Le présentateur (d’un film réalisé pour le compte du Gouvernement général, en janvier 1949) les expose presque d’un souffle. Les points et les virgules trouvent tout juste l’espace nécessaire au soupir dans son commentaire » (p 145)

Avis : Passionnant. Les vérités sur l’essence du colonialisme - et de ses suppôts -  à travers les films coloniaux et l’esprit colonialiste.

Citations : « En Algérie, comme en Métropole, seuls l’exotisme et les rêveries irriguent les écrans » (p 41) « L’Algérien en tant qu’être n’intéresse pas les cinéastes  de la colonisation. L’important est en ce qu’il représente : la peur. Et dans ce que la manière dont il est filmé provoque :le rejet » (p 50), « La cause commune aux colonisateurs et aux cinéastes exclut l’Algérie de sa terre, de sa maison, de sa cité et de son histoire ; c’est dans l’ordre de la logique colonialiste. La France tente d’absorber l’Algérie en substituant son histoire à la sienne » (p 51),    « L’Algérie, reliée à la France à coups de sabre, de canon, de lois scélérates et de manipulations extrêmes, est maintenue hors de son histoire » (p 74)