Nom d'utilisateur:
Mot de passe:

Se souvenir de moi

S'inscrire
Recherche:

Roman Tahar Ouettar - "L'As"

Date de création: 01-04-2019 16:02
Dernière mise à jour: 01-04-2019 16:02
Lu: 1045 fois


HISTOIRE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH- ROMAN TAHAR OUETTAR- « L’AS »

L’As. Roman de Tahar Ouettar.Enap Editions /Temps actuels-France , Alger 1983, 300 dinars (acquis chez un bouquiniste), 214 pages



Bien souvent, la naissance d’un roman, surtout le premier, est une aventure bien plus extraordinaire que le contenu lui-même.   « L’As » n’ est pas le premier roman, mais c'est le troisième livre de Tahar Ouettar .

Il avait commencé par des nouvelles  dont « Noua » en 1950, qui sera par la suite adaptée au cinéma.

Donc des nouvelles, des pièces de théâtre,  mais il avait surtout  envie , comme il l’a dit, de faire « un grand projet, une grande réalisation », et il laissait toujours le sujet de « L’As » de  côté car, pour lui, « c'est un sujet très délicat ».

En 1965, il a senti le besoin de « liquider cette affaire, de liquider tout le passé, faire un bilan général de la Révolution algérienne ». Il était quand même bien placé au sein du parti, membre de la commission nationale de l'orientation et de l'information, à l'époque de Ben Bella, mais  il avait  vu que « cela ne va pas durer comme ça, il y a trop d'anomalies ». La Révolution, pour lui,  doit s'arrêter ou changer de direction, un jour ou l'autre.
« Il y avait beaucoup de conflits, il y a la nouvelle bourgeoisie qui a récupéré les anciens militants, les anciens moudjahid, les anciens maquisards, il y a aussi l'absence de la culture, l'absence de formation politique et idéologique chez les militants.... »
Bref, il était «  comme tous les Algériens, tous les militants sincères, trop ambitieux d'avoir une révolution algérienne profonde ». Chercher l'origine du mal ? Comme tout « intellectuel révolutionnaire vrai » de l’époque....se positionnant alors comme « militant Fln – de gauche,  marxiste léniniste et non  bâathiste» ! Faut pas en rire. Il faut contextualiser pour comprendre.

« L’As » est donc le roman de l’engagement de la population paysanne (ou rurale) dans le combat armé révolutionnaire contre l‘occupant colonial. Un engagement sans calculs.....seulement des « précurseurs » dans une société colonisée depuis près d’un siècle et demi, une société « plus arriérée que les sociétés du Moyen Age, une société retardataire , bédouine et pastorale, fermée sur elle-même », une société qui ressemble à un nouveau –né ......mais qui se développera ..dans bien des souffrances (voir p 87 et 88) . L’histoire est simple. Celle de combattants, hommes et femmes d’un village de montagne qui acceptent de se sacrifier , de sacrifier leurs biens (quand ils en ont) et de  mourir sans regret. C’est ,aussi, l’histoire de luttes (idéologiques) internes au sein même des combattants.....les « rouges » (entendez par là les communistes) , par exemple,  réduits au silence : ils devaient soit s’intégrer totalement et individuellement au sein du Fln/Aln, reniant ainsi  leurs idées et leur appartenance à toute autres mouvance...soit être purement et simplement liquidés .......par égorgement. La révolution armée mangeuse d’hommes......laissant parfois la voie libre et royale  à d’anciens « collabos » . Pour paraphraser des  « rescapés » , ne « resteront dans le lit de l’oued  que ses galets ! ». Et, les meilleurs , les bienheureux,  seront ceux qui ont , au cours de la guerre, perdu la mémoire. Car, ils  « ne ressentent rien,parce qu’ils vivent encore la Révolution. Mieux encore, ils sont la Révolution ».!   .


 

L’Auteur : Né en 1936 du côté de Sédrata (Ain As-Sanab) , étudiant à l’Université Zitouna de Tunis, moudjahid (Organisation civile du Fln) , gestionnaire de journaux après l’Indépendance   puis,  de 1970 à 1983,  contrôleur du parti Fln (alors parti unique) . Retraité puis,  à partir de 1990,  Dg de la radio nationale (Enrs). Fondateur et animateur d’une association culturelle ,El Djahidyya, jusqu’à son déçès.....Nouvelliste, romancier prolifique..... « rompu à l’exercice dépouillé  et poétique de la langue » (Achour Cheurfi) et ,bien souvent , volontairement provocateur .

Extraits : « Les nouvelles des chiens furent le premières nouvelles de la révolution. On commença par les égorger, puis on égorgea les traîtres.....Ils assurent notre protection en temps de paix et, la guerre venue, ils sont les premières victimes »  (p 46) , « Il y a deux catégories d’hommes dans la vie : la première sue comme toi, comme tous les travailleurs et les chômeurs et la seconde profite de cette sueur......tant que la seconde catégorie n’est pas éliminée, la sueur de l’humanité contribuera à couler en vain.....les intérêts d’une catégorie sont contraires à ceux de l’autre, c’est pourqoui elles constituent deux ennemis à jamais irréconciliables... » (p 86), « La bougie a pour fonction de mourir.....de se consumer.......la bougie a pour rôle d’éclairer......d’éclairer et de mourir........quel sacrifice idéal ! » (p 190)  , « La France ne partira pas facilement d’ici et la guerre de libération ne sera pas écrasée facilement. Avec la guerre, les choses pourraient évoluer d’une manière inattendue.....Beaucoup ne tiendront pas plusieurs années, les générations et les dirigeants se succéderont pour poursuivre leur guerre... » (p 196)

Avis : Idée du roman née en septembre 1958 et début d’écriture  entre mai 1965 et  1972 . Edité ,pour la première fois, en 1974,  traduit de l’arabe par Bouzid Kouza avec la collaboration de  Idris Boukhari et Jamel Eddine Bencheikh. Du Ouettar encore tout jeune, à peine 29 ans, tout juste sorti de la guerre et nourri de beaucoup d’espoirs et d’illusions « révolutionnaires » . Du grand roman.....même si certains  idées politiques peuvent apparaître , aujouurd’hui, bien dépassées.

Citations : « Pour être politicien, on doit d’abord comprendre que les Français sont des êtres humains, comme nous. Ils ont leur pays, comme nous avons le nôtre » (p39), « Les guerres écrasent certaines classes et certaines couches tout en créant d’autres, celles des parvenus et des opportunistes à l’avidité sans pareille » (p 125)