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Essai Jean Louis Planche- "Sétif 1945...."

Date de création: 24-02-2019 19:41
Dernière mise à jour: 24-02-2019 19:41
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HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI JEAN LOUIS PLANCHE- « SETIF 1945.... »

Sétif 1945. Histoire d’un massacre annoncé. Essai de Jean-Louis Planche, Chihab Editions, Alger 2006 (Editions Perrin, Paris, 2006 puis 2010) ,  960 dinars, 422 pages.

  Que s’est-il exactement passé à Sétif (et ailleurs.....Guelma, Kherrata....) en mai 1945 ? Une  répression barbare de manifestations pacifiques de Musulmans. Une répression menée par l’Armée, la police, la gendarmerie et, aussi, des milices de civils incontrôlables ( ?)  et volontairement incontrôlés, souvent encouragées, la plupart des miliciens encore nostalgiques de la « révolution nationale du régime de Vichy » et de la  logique génocidaire (c’est-à-dire dans une volonté d’éradication).  Tout cela aboutira plus grand massacre de l’histoire de la France contemporaine.

C’est l’immédiat après-guerre et, alors que  le Parti communiste dispute (en France) le pouvoir au gouvernement du général de Gaulle , il  se révèlera, dans le Constantinois, tout d’abord comme un facteur de troubles, puis comme le meneur de la répression (le gouverneur général de l’époque était ......un socialiste, un arabisant soi-disant expert en affaires musulmanes).

Le 8 mai (jour célébrant la victoire sur l’Allemagne nazie) , le principal parti algérien organise ( ????) des manifestations en appelant timidement à l’indépendance. La rumeur (d’une insurrection générale fomentée par le AML, le PPA......et d’un complot international ) et le racisme  font le reste. Le drapeau algérien , en plusieurs villes, se mêle aux drapeaux alliés et français parmi les Musulmans qui défilent. A Sétif et à Guelma , des Européens et des policiers ne le supportent pas . Un algarade plus ou moins violente.....la     rumeur, la désinformation (en Algérie et en France) et cela tourne rapidement au drame.

La répression aveugle, la folie meurtrière de masse colonialiste, inscrite dans une logique de terreur,   durera deux mois, entre le 8 mai et le 26 juin . Des morts par dizaines de milliers .Des noms aujourd’hui encore maudits : Le sous-préfet Achiary, le gouverneur général Yves Chataigneau, le gros colon Lavie, le membre du Pcf, que l’on dit policier infiltré,  André Marty .....En huit semaines, 20 000 à 35 000 Musulmans sont tués par les Européens dans le seul département de Constantine. 45 000 est  , peut-être le chiffre le plus vrai. .....et, à peine quelques dizaines de victimes d’origine européenne pour la plupart tuées par réaction. L’Algérie indépendante s’y tient et elle a bien raison, les vrais chiffres étant bien deça de la réalité....les meurtres des Algériens musulmans, presque toujours commis de manière atroce, s’étant étendus à d’autres régions.  Sans compter les emprisonnements dans des camps , véritables mouroirs, les exécutions capitales parfois sans jugement, souvent au hasard des rencontres, les déportations ....le « bicot » (hier « frère musulman » participant à la libération de la France) , étant traité en « gibier ».  Aucun Européen arrêté et/ou jugé ! Une véritable boucherie quotidienne , longtemps cachée par les officiels français (au moment du départ du gouveneur Chataigneau , en 1948, les archives concernant les régions de Sétif, Constantine et la vallée de la Soummam avaient « disparu »)  mais qui    marquera l’imaginaire des Algériens comme le prélude douloureux d’une lutte abolument nécessaire pour l’indépendance.

 

 

L’Auteur : Docteur en Histoire ayant vécu longtemps en Algérie, dans l’Est Algérien tout particulièrement. Ancien professeur des Universités (dont l’Algérie) , chercheur membre du Groupe de recherches sur le Maghreb et le Moyen-Orient, ayant effectué de longues recherches au centre des Archives nationales d’outre-mer à Aix en Provence (France)

Extraits: « La razzia, technique de guerre associant pillage et destruction des biens......Les tribus en faisaient un usage modéré par la crainte des représailles et la nécessité de ne pas rompre l’équilibre des subsistances. Les Français la systématisent. Ils y joignent le massacre des personnes  »  (p 21), « A tout instant et en tout point de la colonie, la racialisation de la vie quotidienne rappelle au colonisé que l’universalisme des Droits de l’homme ne saurait le concerner «  (p 29), « Une conscience nationale a émergé (années 40) des profondeurs , donnant une forme politique encore inachevée à ce besoin de vivre libre chez soi qui ne les a jamais quittés (les Musulmans d’Algérie) . Rien ne l’arrêtera , sinon un temps l’avancée d’une masse énorme de peurs et de phantasmes qui se rapprochent lentement et vont s’agréger le massacre et le meurtre (par la colonisation) en série » (p 125), « Quand le plus haut représentant de l’Etat en Algérie (le gouverneur Chataigneau) se refuse à faire la lumière sur des événements aussi graves et préfère utiliser l’opportunié que ceux –ci ouvrent, il faut s’attendre à ce que perdure « la dictature de la peur » (p 257), « Le complot est divers, multiple fasciste, gaulliste, juif ou communiste. Bien peu y résistent, qu’ils soient gouverneur, officiers supérieurs ou généraux. Ainsi, toute une partie de la hiérarchie militaire a –t-elle perdu le jugement, et ne  distingue plus entre fausse nouvelle et information fondée » (p 267).

Avis :  Un simple livre sur la résistance et les souffrances du peuple algérien ? Non, une recherche minutieuse, détaillée, par un homme plein d’humanité , de compréhension , d’honnêteté et de rigueur scientifique  sur un événement capital de la lutte nationaliste.... un grand tournant révolutionnaire. A lire, à re-lire et à faire lire. Pour savoir. Pour se souvenir (sans haine.....bien que cela soit très difficile) . Pour ne jamais oublier. Pour transmettre.

Citations : « Quand la peur saisit les autorités, le citoyen peut craindre le pire, et le Musulman non citoyen, pire encore «  (p 10),  « Science du singulier, l’histoire impose de travailler sur l’événement » (p 17), « La rumeur déconcerte. Chargée d’angoisse, elle provoque l’angoisse. L’Administration (coloniale) oscille. Sereine, elle la traite en fausse nouvelle. Inquiète, elle la prend pour une véritable information. Dans les deux cas , elle néglige que la rumeur est un sondage en profondeur des attentes et des phantasmes de la population » (p 101), « En matière de complot, le phantasme est plus nécessaire que la preuve » (p 103).