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Roman Malek Haddad- "L'élève et la leçon"

Date de création: 11-02-2019 19:11
Dernière mise à jour: 11-02-2019 19:11
Lu: 1308 fois


SOCIETE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN MALEK HADDAD- « L’ELEVE ET LA LEÇON»

L’élève et la leçon. Roman de Malek Haddad (préface de Mouloud Achour) Editions Média Plus, Constantine 2008 (Editions René Julliard, Paris 1960), 650 dinars, 160  pages.

Un homme. Une femme. Un père, Idir Salah. Sa fille Fadila. Lui est médecin , installé, depuis bien longtemps en Provence. Bien « intégré ». Traumatisé par les effets de la 2è guerre mondiale qu’il a vécue. Déjà se sentant bien vieux, « à  cheval sur deux époques, sur deux civilisations » et aux certitudes inébranlables mais fragiles.

Elle, étudiante, aime Omar , un étudiant en médecine. Ils s’aiment et un enfant est attendu. Elle n’en veut pas ....elle le voudrait .....mais l’Algérie est en guerre contre l’occupant et Omar est recherché en raison de ses activités politiques .

Le père acceptera-t-il de faire « partir » l’enfant,  car signe d’une révolte qu’il a vécue.  La demande, il la comprend, mais il ne comprend pas l’insulte ( !), lui qui se voyait déjà grand-père et presque beau-père. C’est, en fait, là, le nœud de la problématique de l’engagement social et politique (lui qui avait abandonné femme et enfant après sept années de vie commune)

Temps de guerre. Temps de fureur. Temps des choix. Temps de sacrifices !

Mais, aussi , conflit de générations.

L’une , « périmée », vivant dans un monde « sécurisé », prisonnière de la « pénombre » , avec des « états d’âme » romantiques ou dépassés, qui continue à se poser et à poser des questions. L’autre , la nouvelle qui cherche , d’abord et avant tout, et à tout prix, à se libérer en libérant le pays de l’occupant colonialiste.

 

L’Auteur : Constantinois (né le 5 juillet  1927) . Un père instituteur. contemporain (et ami) de Kateb Yacine et de M’hamed Issiakhem, (ils formeront un «  trio infernal » selon Mohamed Harbi)  un des pionniers de la littérature nationale francophone, auteur de quatre romans, d’un essai et de deux recueils poétiques. Une œuvre traduite en près d’une quinzaine de langues. Durant la guerre, il effectuera plusieurs missions (à l’étranger) de conférencier et de diplomate au nom de l’Algérie combattante. Après l’Indépendance, il mènera une carrière de journalisme culturel tout particulièrement dans le quotidien An Nasr (de Constantine) de 1965 à 1968.  Directeur de la Culture au ministère de l’Information et de la Culture avec le ministre M-Seddik Benyahia (1968-1972) , puis Ces au sein du même ministère (chargé de la production culturelle en français).  Co-fondateur et animateur de l’Union des écrivains algériens (Sg de 1974 à 1976) . Un seul regret pour tous ses admirateurs : il avait décidé de ne plus écrire en français...qu’il considérait désormais comme sa douleur et son exil. Décédé à Alger le 2 juin 1978.

Extrait: « Tu es malheureuse parce qu’il serait anormal, voire indécent d’être heureux quand on est Algérien, ou tout simplement quand on a du cœur. Je connais des Algériens qui sont heureux. Mais ceux–là sont des amnésiques........... Ils ont le geste sûr des complexes ignorés. Ils ont le verbe haut et ne doutent de rien , les malheureux !Voyez d’ailleurs les ânes comme ils sourient......Même en français, ils sont contents de braire » (p 53)

Avis : Malek Haddad, un maître de l’écriture. Construction claire mais parfois difficile d’accès. Il faut apprendre à le connaître pour l’apprécier. Troisième roman. Pas le plus simple. Pas le plus clair.

Citations : «Le malheur réunit bien plus que la joie » (p 33),  « Les veillées sont plus chaudes lorsque l’hiver menace » (p 33) , «  Rien ne vaut un orphelinat pour raconter la nostalgie des familles «  (p 33), « Le bonheur est un accident » (p 33), « C’est un phénomène typiquement algérien : l’intellectuel musulman appartient à toute la communauté » (p 104), « Je hais l’Histoire parce que l’Histoire complique tout . Dans sa forme subalterne, servile et servante, la politique essaie, tente, pauvre petite gamine, de la conduire par le bout du nez» (p 127)

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Avis : Doit se lire (même si vous l’avez déjà lu) pour en vouloir encore beaucoup plus à l’auteur d’avoir été « récupéré »   par le système en devenant (haut-) fonctionnaire, puis d’avoir arrêté d’écrire des romans en français à partir de 1968 , à cause d’une « histoire de langue arabe », car il aurait produit des textes encore plus magnifiques. « Il est mort de ne pouvoir écrire » écrit le préfacier  . Et, ceci, en fin de compte, a arrangé beaucoup plus la littérature franco-hexagonale et ses auteurs  qui n’avaient donc plus de grand concurrent. N’a-t-il pas fallu 178 ans (132 ans de colonialisme et 46 ans d’Indépendance pour qu’un écrivain Algérien (et Arabe au sens géographique du terme ) entre à l’Académie française (Assia Djebbar en 2005) ?

Phrases à méditer : « Le drame du langage est là : c’est un mur », « J’ai vouvoyé, on m’a dit : tu .  Je suis un Arabe, c’était devenu un métier », « Le destin , quand il porte un képi, il faut s’en méfier deux fois. Ou alors être très fort pour lui déplaire et le plus fort pour lui désobéir », « Je t’aime. En arabe, c’est un verbe qui dépasse l’idée », « Il faut mourir dans son lit pour avoir l’idée de prier » et « On ne dit pas d’un chrétien qu’il fait du christianisme lorsqu’il est vraiment croyant ? Parce que les chrétiens dans l’ensemble ne se prennent pas pour Jésus-Christ »