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Récit Ali Koudil- "Naufrage judiciaire"

Date de création: 04-02-2019 11:16
Dernière mise à jour: 04-02-2019 11:16
Lu: 1256 fois


JUSTICE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- RECIT ALI KOUDIL- « NAUFRAGHE JUDICIAIRE..... »

Naufrage judiciaire. Les dessous de l’affaire Cnan. Récit de Ali Koudil. Koukou Editions, Cheraga-Alger 2017. 1  000 dinars, 331 pages.

13 novembre 2004. La nuit . La veille de l’Aid el Fitr. Tempête et orage violents sur Alger. Une mer déchaînée. Dans la rade d’Alger , des navires sont ballotés par les flots. Au large, à quelques centaines de mètres du rivage , un bateau  de la Cnan, le « Béchar », ......coule.....emportant avec lui ses marins de permanence . Seize morts dont le commandant de bord....qui n’avaient pu être sauvés....faute de moyens de sauvetage.

A qui la faute et qui est le ou les coupables ? Bien sûr, au sale temps du moment. Bien sûr  , au manque de moyens rapides et efficaces de sauvetage,. Bien sûr,  aux lourdeurs bureaucratiques bien connus du pays et qui font traîner les procédures de maintenance (ex : réparation et/ou vente de navires vieillots......car ne pas oublier qu’un autre navire le « Blida » a , lui aussi , été emporté par les vagues pour s’échouer aux Sablettes)..... à un certain irrespect des protocoles et des procédures de travail (la veille de l’Aid,  pensez-vous ?). Bien sûr, bien sûr......Mais, un bateau perdu et surtout seize morts et seize familles endeuillées, c’est beaucoup. D’autant que  « le président de la République aurait demandé à ce que les responsables du drame soient sévèrement punis ». Et, certains journaux et journalistes ont même rajouté de l’huile sur le feu (c’est l’opinion de l’auteur).La justice est donc saisie du dossier.....et cinq cadres (dont l’auteur, « en tant qu’armateur », donc considéré comme responsable ( !?) de l’état du navire) se retrouvent –entre autres , car il y a aussi des marins en état d’abandon de poste -    au banc des accusés et  condamnés à de longues peines de prison. Quinze années de réclusion criminelle .

La suite est une longue et douloureuse histoire. De prison en prison (Serkadji, Berrouaghia, El Harrach..), la découverte de l’univers carcéral , avec ses vicieux et ses vertueux, avec ses restes d’humanité et sa promiscuité dégradante, l’attente du panier de la semaine, la rencontre inattendue de personnages ayant fait la « Une » des journaux, de personnages bizarres (dont un imam qui enseignait que la terre est plate », un wali condamné pour corruption et  évoquant continuellement un complot, un notaire assez âgé attendant un secours extérieur.... et il l’aura, des homosexuels, des malades au stade terminal.....Il y avait même  un ....juge détenu, condamné pour corruption) , des pratiques étonnantes (ex de l’examen du bac),  le « parcours du combattant » avec  les avocats et la confection des dossiers, les appels ,  la cassation,  la déprime qui vous gagne, surtout lorsqu’on voit l’état malheureux de la famille....et  un temps qui n’arrive pas à passer avec des dossiers qui se traînent , qui se traînent...et qui tuent à petit feu (lire tout particulièrement en p 69 une description fantasmée du bonheur......lorsqu’on est en prison) 

24 novembre 2010. Réponse du tribunal aux questions : « Non coupable ».....Libération......Joies ......Mais, une autre épreuve . Nouvelle enquête, fin 2009,  concernant la période de gestion de la Cnan, soit 2002-2004. Nouvelle arrestation (avec 19 autres personnes)  ...Prison durant un mois....puis liberté provisoire.... seulement ....Procès en mai-juin 2015. Deux ans de prison. Appel. 2017 : Trois ans ! Cassation...et attente de la décision de la Cour suprême. Entretemps , toujours interdit de sortie du territoire national.Le cauchemar continue !

L’Auteur : Né en septembre 1948 à Agouni Fourou (Grande Kabylie). Licence en sciences éco’, Dess en transports et commerce (Université d’Aix-Marseille), cadre supérieur de la Bad (Algérie), dans un holding, dans une Sgp et, enfin ,Pdg de Cnan Group.

Extraits : «  Même en prison, plus on semblait riche et puissant, mieux on se faisait respecter » (p 207), «  Ce n’est pas votre culpabilité qui vous entraîne dans les geôles, mais les décisions occultes prises ailleurs que dans les cabinets d’instruction » (p 296), «  La justice n’est pas seulement aveugle, elle est également sourde ! Elle ne vous écoute pas, elle ne vous juge pas ; elle vous déclare coupable  parce qu’une enquête a été diligentée contre vous par les pouvoirs publics ; parce que les pouvoirs publics ne peuvent pas se tromper .... » (p 325)

Avis : Témoignage plus que réaliste d’un vécu personnel. Bien écrit mais difficile à lire car très , trop émouvant. Conseillé aux enquêteurs, aux juges et aux Proc’.....aux futurs « coupables » , ainsi qu’aux syndicats d’entreprise.....et aux journalistes.

Citations : « En prison, comme dans l’armée, il existe un adage : celui qui, à l’entrée, se croit être un taureau, en sortira telle une vache » (p 21) , « En prison, on n’est pas mort, mais on n’est pas vivant non plus. Une longue peine de mort était pire que la mort » (p 55)