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Essai Ahmed Cheniki- "Le projet Algérie. Brève histoire politique...."

Date de création: 31-10-2018 12:49
Dernière mise à jour: 31-10-2018 12:49
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VIE POLITIQUE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI AHMED CHENIKI- « LE PROJET ALGERIE.BRÈVE HISTOIRE POLITIQUE...... »

 

Le projet Algérie. Brève histoire politique d’un pays en chantier. Essai (politique) de Ahmed Cheniki. Editions Frantz Fanon, Alger 2018, 800 dinars, 290 pages.

 

Un titre qui n’ « accroche » pas  tellement et  un  sous-titre qui l’est encore moins ...... Pourquoi ? Tout d’abord, ce n’est pas le « projet » Algérie qui est présenté et disséqué. En fait, c’est l’Algérie d’aujourd’hui. A la limite , l’auteur (ou l’éditeur)  aurait pu choisir « Algérie : échec d’un projet ». Un pays toujours en chantier ? Totalement d’accord.  Ensuite, l’histoire politique du pays qui nous est présentée n’est pas aussi brève que l’auteur (ou l‘éditeur)  le prétend: elle est  courte (en fait, pas tellement) , concise mais très précise. Journaliste un jour, journaliste toujours !

De quoi il retourne ? tout en sachant que l’auteur part du principe que « toute analyse d’une pratique culturelle et politique est travaillée par l’Histoire et les différentes ruptures caractérisant le discours colonial »...et , de ce fait, ce n’est pas sans raison que les dirigeants algériens d’après 1962 (avec  ceux d’aujourd’hui, en tant que « dignes » héritiers) ne réussissent pas , malgré leurs efforts, à rompre radicalement avec les formes de structuration coloniale , empruntant le mode de fonctionnement jacobin ......et l’Etat est, donc,  saisi dans sa fonction répressive, autoritaire, dirigé par des équipes s’autoproclamant uniques sauveurs du pays et n’admettant aucune parole différente......

Donc, d’abord, « les pratiques politiques » et Dieu sait s’il y a, en notre bas monde,  de bien « tordues » (l’ouvrage a été édité, hélas, juste avant le désormais fameux « cadenassage » de la porte d’entrée de l’Apn et l’ « éviction » de son président) . Tout y passe : l’Etat (qui fonctionne comme une entité double traversée par les contours du discours dominant européen et les résidus de la culture autochtone), les mythes, la fabulation ,  les zaouïate, les réseaux, le président, le Fln, l’armée, le pouvoir , les partis, le civil, le syndicat (et ses combats douteux)....Ajoutez-y les usages sociaux : les mots volubiles du discours politique algérien, les « émeutes », « les journées obscures » d’octobre  88 ,  la corruption (et « ses ruelles ordinaires ») , l’Histoire, les mémoires (souvent prétextes à des règlements de compte politiques et au déterrement d’inimitiés anciennes ) et les traficotages...

Ensuite, la presse passée à la moulinette de l’observation critique de quelqu’un qui l’a  pratiqué (et continue de la pratiquer à travers des contributions) de l’intérieur : le secteur public , le service public, les jeux d’allégeance, les journalistes des années 70, octobre  88 (et « l’ouverture » de la presse écrite ), le travail des journalistes, les relations avec le pouvoir politique, l’écriture journalistique et les ambigüités éditoriales.....

Enfin, l’universitaire qu’il est ne manque pas de se pencher sur l’institution scolaire et universitaire.....Pour lui, le diagnostic est sans appel  : Une Ecole en déshérence et une université baignant dans une grande illusion !

Conclusion : « Dans le contexte actuel de corruption et de mauvaise gestion, l’entreprise est délicate, difficile, les périls futurs sont grands, les tensions et les crises continueront à secouer la société algérienne encore prisonnière du schéma colonial d’organisation et d’une privatisation de l’Etat » .

 

 

 

 

 

L’Auteur : Né à Collo (W. de Skikda), ancien journaliste s’occupant des questions culturelles  (« Algérie Actualités », entre autres) ,chercheur ,  actuellement , et depuis  longtemps, professeur à l’Université de Annaba et professeur invité dans plusieurs universités étrangères, arabes et européennes. Auteur de plusieurs ouvrages pour la plupart sur le théâtre dont il est un des plus grands spécialistes algériens.Il a été un des rédacteurs  du « Dictionnaire encyclopédique du théâtre » et de l’ « Encyclopédie des Créatrices du Monde ».

Extraits : « Dans le cas des pays colonisés comme l’Algérie, le droit ne constitue nullement un élément primordial, privilégiant les relations personnelles et les logiques de domination ponctuées par la puissance des gouvernants obtenue en dehors des urnes. Le droit n’est valable que pour arbitrer les petits conflits des gens du « peuple » entre eux ou pour abattre un adversaire politique » (p 13) « Contrairement à ce qui a été souvent soutenu, le taux d’intellectuels et d’anciens militaires ayant rejoint la lutte armée est proportionnellement beaucoup plus important que les recrues provenant du monde rural qui vont affluer , à partir de 1957. Le même constat est à faire pour ce qui est des populations ayant opté pour la France :le nombre de paysans est, de loin, plus important que celui des citadins, des intellectuels et des militaires déserteurs » (pp 19-20), « Les acteurs de la guerre de libération qui rédigent leurs mémoires pensent faire œuvre d’historien, alors que leur travail n’est qu’un assemblage de fragments de vie, se caractérisant par une forte empreinte d’égocentrisme et une grande subjectivité » (p 156) , « Moins de 10% d’Algériens avaient fréquenté le système scolaire avant l’indépendance de l’Algérie. L’idée selon laquelle le France avait fondamentalement déculturé les Algériens est un non-sens, ne résistant pas à une fine analyse des réalités » (p 234) ,

Avis : Un « essai » réussi. Assez (Trop ?) sévère , il est vrai. Il est vrai que « trop, c’est trop » ! Politiciens en herbe (ceux en activité étant , pour la plupart, irrécupérables) ou à l’écart, enseignants, étudiants....un régal. Attention à votre tension ! Des vérités dures  à avaler tant les réalités sont amères. À lire et à faire lire absolument.....

Citations : « Jusqu’à présent, tout pouvoir est perçu comme un espace de contrainte et de répression » ( p 20), « C’est un système où la parole l’emporte sur l’écrit et où l’informel constitue le lieu nodal du fonctionnement politique » (p 21), « Le président est à la fois espace d’allégeance « traditionnelle » et lieu de pratiques « modernes » . Le cheikh et le président se mettent en concurrence. Le cheikh arrive, par endroits, à se substituer au président » (p 45), « L’Algérie a toujours fonctionné avec deux structures : l’une formelle, celle des structures de l’Etat et l’autre, informelle, celle de la société concrète, c’est-à-dire une construction de résidus de tribus, de clans et d’intérêts » (p 53), « Le cousin est le lieu central de la république » (p 54)   , « Le président fonctionne dans le discours de ses thuriféraires au niveau de l’axe du désir . Le seul « manque » qu’il lui faut combler, c’est être divin. L’Etat acquiert un caractère religieux et mythique. Nous avons affaire à cette équation Etat=force divine=président » (p 117) , « Liberté (d’information)  rime avec responsabilité.Responsabilité devant les faits à publier et devant le lecteur » (p 209) , « Le journalisme est l’espace privilégié du manque et de la frustration. C’est aussi le lieu de l’humilité » (p 209) , « Si dans les années soixante-dix et quatre-vingt, malgré toutes les contraintes, il existait à l’université des voix intellectuelles écoutées, aujourd’hui,nous avons affaire à des reproducteurs du savoir » (p 274)  , « L’image de nous-mêmes est façonnée ailleurs et reproduite par nous-mêmes. L’Autre reste fascinant » (p 279)