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La Démocratie (Pr Ahmed Cheniki)

Date de création: 11-04-2024 10:35
Dernière mise à jour: 11-04-2024 10:35
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VIE POLITIQUE- POINTS DE VUE ET OPINIONS- LA DEMOCRATIE (Pr AHMED CHENIKI)

 

©Pr Ahmed Cheniki, Fb, avril 2024

LA DEMOCRATIE A GÉOMETRIE VARIABLE

 

La démocratie est une idée et une machine, elle n’appartient à nulle puissance ou autorité. Elle n’est pas d’origine « occidentale », mais tout simplement grecque. Même à Athènes, elle n’était nullement parfaite parce que c’était une pratique marquée de lieux ou de moments hiérarchiques. La Grèce n’est pas Européenne.

En Andalousie, on avait nullement cherché à l’adopter, même si les penseurs de l’époque revendiquaient ouvertement l’héritage grec. L’idée de démocratie a été, par la suite, tardivement adoptée en Europe, expurgée de nombreux éléments caractérisant son évolution. Mais, paradoxalement, l’Europe emprunta à Athènes des pans de l’entreprise démocratique tout en évacuant ce qui fait la fierté de la Grèce, l’idée de citoyenneté.

La lecture des textes grecs, surtout les différentes tragédies, nous permet de comprendre l’importance accordée à ce point. C’est à travers le conflit mettant en scène la puissance divine et la volonté humaine que se manifestait la citoyenneté. Aujourd’hui, la dimension humaine, sujette à un rapport de domination où s’imposent les puissances de la finance, est carrément marquée du sceau de l’absence.

C’est à l’ombre de la « démocratie » que des populations ont été colonisées, d’autres massacrées, comme en Amérique, en Amérique Latine, en Afrique et ailleurs. Et aujourd’hui à Ghaza où des populations subissent l’holocauste et le génocide.

La démocratie est l’espace, par excellence, de la mise en œuvre d’une équité sociale et politique. Elle a horreur de ces maquignons de la politique et de la finance qui, usant paradoxalement d’un discours fascisant, voudraient imposer tel ou tel modèle «démocratique » ou rejetant telles ou telles élections ne correspondant pas à leurs désirs.

Le « peuple » devrait suivre l’avis du monde de la finance ou il serait indigne de jeu démocratique. On décrète l’élection présidentielle au Venezuela « illégitime » parce que tout simplement il fallait, selon eux, un autre président. Lula du Brésil serait indigne d’être président parce qu’il permit à son «peuple » de conquérir d’autres territoires sociaux et de sortir un peu plus de la pauvreté. Poutine qui n’est nullement un modèle, même populaire, il est féru de libéralisme économique, serait ainsi peu digne d’être choisi par les électeurs. En Bolivie, Chili et ailleurs.

La « démocratie » qui est certes, malgré ses nombreuses insuffisances, une entreprise intéressante, permettant une certaine justice, excluant néanmoins toute possible égalité, est utilisée à l’extérieur comme une machine de guerre, considérant le monde extérieur comme peu digne. C’est en quelque sorte l’hypertrophie du moi qui réduit l’altérité au seul « Occident ».

Si on suit cette logique, de nombreuses élections en « Occident » seraient à refaire. L’Amérique Latine a fait, en matière de jeux démocratiques, une extraordinaire avancée, après avoir connu des décennies de dictature. Elle a permis de réinterroger la pratique démocratique et d’apporter de nouveaux changements.

Aujourd’hui, la plupart des pays organisent des élections beaucoup plus justes et transparentes que celles que connaissent même les pays européens. Ce sont le plus souvent, les forces de gauche qui arrivent à s’imposer après avoir vécu les affres de la répression. Ceux qui triomphent depuis ces deux dernières décennies, proches de leurs peuples, ne semblent pas gagner les faveurs d’une grande partie de la presse et de nombreux politiques occidentaux. Seul Jimmy Carter, un homme juste, avait considéré que les élections au Venezuela du temps de Chavez (qui a remporté une quinzaine d’élections) étaient transparentes et exemplaires.

Les dirigrants néolibéraux et « occidentaux ont toujours soutenu les régimes où il n’est pas question de jeux démocratiques. Il y eut même des coups d’Etat, comme au Chili. Au Brésil, le perdant, Bolsonaro, ne voulait pas quitter la présidence, malgré l’évidence de la victoire de Lula.

Aujourd’hui, même en Afrique, de nouveaux dirigeants excluent toute référence à un modèle, préférant organiser de véritables démocraties, malgré la résistance des anciens chefs. Comme au Sénégal par exemple.

Il s’est toujours posé la question de la relation des pays « occidentaux », émetteurs du discours dominant que devraient adopter tous les autres Etats, sous peine d’être considérés comme non « civilisés » et sauvages. Dans tous les cas, ce sont les anciens Etats colonialistes qui n’ont jamais abandonné leur domination qui déterminent les jeux internationaux et imposent leur propre langage.

Quand des dirigeants tentent d’emprunter une autre posture et de s’exprimer à partir de leur lieu de dominé cherchant à mettre en œuvre un rapport relativement équitable, leur parole devient inaudible : Mossadegh en Iran, Soekarno en Indonésie, Lumumba au Congo, Nkrumah au Ghana, Ben Barka au Maroc, Allende au Chili, Arbenz au Guatemala, Chavez au Venezuela, Sankara au Burkina Faso…

Les dirigeants des pays du Sud, comme d’ailleurs leurs intellectuels, sont sommés de reproduire le discours dominant, sans l’interroger, acceptant, volontairement ou involontairement, leur position de subalternes. L’université, telle qu’elle fonctionne, est condamnée à n’être qu’un simple espace de reproduction du discours qui consolide davantage la posture de l’éternel colonisé. Les dirigeants des pays colonisés acceptent souvent le diktat des anciennes puissances coloniales.

Aujourd’hui encore, en période de tragédie mondiale, aucune compassion, on laisse mourir des peuples à Ghaza et en Syrie agressées au quotidien. Des peuples condamnés à un blocus injuste comme Cuba se sauvent de ce mal et sauvent les autres parce qu’ils ont su développer la matière grise, ils exportent des médecins qui arrivent à sauver ce pays.