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Jean Sénac

Date de création: 25-09-2023 17:47
Dernière mise à jour: 25-09-2023 17:47
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CULTURE- POÉSIE- JEAN SÉNAC

« Poète algérien de graphie française », ainsi qu’il se définissait lui-même, Jean Sénac, né à Béni-Saf en Oranie le 29 novembre 1926, est mort assassiné dans sa cave-vigie d’Alger, dans la nuit du 29 au 30 août 1973, vingt ans avant que Tahar Djaout et Youcef Sebti, deux poètes de ses amis, soient à leur tour, victimes du terrorisme islamiste ; le premier, tué de deux balles dans la tête le 26 mai 1993 ; le deuxième, égorgé dans la nuit du 27 au 28 décembre 1993. Jean Sénac fut le premier martyr d’une horrible liste. Les Français ne lui pardonnaient pas d’avoir été membre du F.L.N. pendant la guerre d’indépendance ; et le pouvoir algérien supportait mal ses positions très critiques à l’égard du système bureaucratique en place. On enterra son œuvre et ses idées presque aussi vite que son corps. Jean Sénac était un homme  qui dérangeait beaucoup plus de monde. Il était, selon le témoignage de l’un de ses amis, un scandale permanent. Son audience auprès de la jeunesse, sa vie, sa vie sexuelle surtout, sa liberté de parole en matière politique ou culturelle, les répercussions à l’étranger de ses jugements sur l’Algérie, en faisaient un personnage gênant .

Porte-voix, Sénac ne prêche pas dans le désert et son Anthologie, bien davantage qu’un simple florilège de poèmes, est un véritable manifeste algérien en langue française, du mal de vivre et de la volonté d’être de toute une génération, qui est passée du témoignage, de l’exaltation de la revendication nationale au regard souvent désabusé sur les lendemains qui devaient chanter. Mais, visionnaire, n’a-t-il pas écrit (cf. Lettre à un jeune Français d’Algérie in Esprit, mars 1956), deux ans après le déclenchement de la guerre d’indépendance : « Ton cœur souffre de l’injustice quand elle brise un visage français, mais s’ouvrira-t-il à la peine de tous les hommes ? (...) Depuis plus d’un siècle l’Europe vit sur cette terre sans se soucier des neuf dixièmes de ses habitants. Il est juste que ceux-ci retrouvent enfin leurs droits… L’Algérie se fera avec nous ou sans nous, mais si elle devait se faire sans nous, je sens qu’il manquerait à la pâte qui lève une mesure de son levain… La réalité, c’est que ce pays est arabo-berbère et musulman et que nous sommes, avec les Israélites entre autres, une minorité qui, comme telle, risque d’avoir une place minoritaire. La réalité, c’est que sur cette terre indépendante, un million d’Européens devra abandonner ses privilèges pour participer, dans la proportion de un pour neuf, à l’édification d’un ordre égalitaire. La réalité, c’est que nous perdrons un peu de notre confort de seigneurs et de nos immenses propriétés. La réalité, c’est que si nous le voulons, dans l’égalité des droits et des devoirs, et la justice retrouvée, après une période où l’esprit de revanche nous aura certainement fait souffrir, il sera possible, en prenant appui sur nos différences, de donner au monde un visage généreux de l’homme. Ce sera une expérience difficile et unique… Mais accepterez-vous de lâcher quelques préjugés pour le salut de tous ? »

L’indépendance de l’Algérie fut officiellement proclamée le 3 juillet 1962. Le 30 octobre 1962, Jean Sénac est de retour à Alger, alors que de nombreux Pieds-Noirs font le voyage inverse vers la France ; mais pas tous. Contrairement à un cliché faisant une règle absolue du départ précipité en 1962 ; il y eut le choix et les Pieds-Noirs restés en Algérie font masse : 200.000, d’après l’ambassade de France, à la fin de l’été 1962 et 100.000 encore, en 1963. Ces Pieds-Noirs connaissent ce pays qu’ils considèrent comme le leur

À partir d’août 1967, Sénac, qui n’est pas dans la nouvelle ligne politique, qu’il n’hésite pas à critiquer ou à dénoncer, est en pleine disgrâce. On lui jette au visage sa proximité avec Ben Bella, sa condition de pied-noir, de poète libertaire et d’homosexuel. C’est donc au secret qu’il écrit Le Mythe du Sperme Méditerranée, un ensemble de poèmes qu’il ne souhaitera pas publier de son vivant : Tout est foutu - les comités de gestion, le rire, nos érections… - Il nous reste la mort pour mettre debout une vie. - Même secouée de breloques - Qu’elle était belle la Révolution en chaleur !

Sénac ne se préoccupe de son statut que trop tard  - après le coup d’État de Boumediene en juin 1965 - et que le nouveau code de la nationalité  - décrété le 15 décembre 1970  - rende sa naturalisation plus difficile encore. C’est Mohammed Seddik Benyahia  -  rencontré en France au sein de l’Union générale des étudiants musulmans algériens — qui, par ses fonctions ministérielles (notamment ministre de l’Information, sous Boumediene), aide Sénac à voyager à l’étranger avec des papiers en règle.

À partir d’août 1967, Sénac, qui n’est pas dans la nouvelle ligne politique, qu’il n’hésite pas à critiquer ou à dénoncer, est en pleine disgrâce. On lui jette au visage sa proximité avec Ben Bella, sa condition de pied-noir, de poète libertaire et d’homosexuel.

 

Oeuvres de Jean Sénac

Poésie : Poèmes, avant-propos de René Char (coll. Espoir, Gallimard, 1954. Rééd. Actes Sud, 1986), Poésie (Diwan du Môle, Les Petites Voix, La Route d'Ombre), (Imprimerie Benbernou Madjid, 1959), Matinale de mon peuple (Subervie, 1961), Le Torrent de Baïn (Éditions Relâche, 1962), Aux Héros Purs, sous la signature de Yahia El Ouahrani (Alger, Édition spéciale pour MM. les députés de l'Assemblée nationale constituante, 1962), La Rose et l'ortie (Paris-Alger, Cahiers du monde intérieur, Rhumbs, 1964), Citoyens de beauté (Subervie, 1967. Réédition La Bartavelle éditeur, 1997), Avant-Corps précédé de Poèmes iliaques et suivi de Diwân du Noûn (Gallimard, 1968), Lettrier du soleil (Alger, Centre culturel français, 1968), Les Désordres (éd. Saint-Germain-des-Prés, 1972), A Corpoème suivi de Les Désordres dans Jean Sénac vivant, essais, témoignages, documents, (éd. Saint-Germain-des-Prés, 1981), Dérisions et vertige : trouvures, (Actes Sud, 1983), Le Mythe du sperme–Méditerranée (Actes Sud, 1984), Plaques (Nouvelle Revue Française n°521, 1996), Œuvres poétiques (Arles, Actes Sud, 1999. Réédition 2019), Pour une terre possible, poèmes, articles et textes inédits réunis par Hamid Nacer-Khodja, dessins de Denis Martinez  (Marsa, 1999), Pour une terre possible, Poèmes (Collection Points, Le Seuil, 2013).

Anthologie : Anthologie de la nouvelle poésie algérienne, essai et choix de Jean Sénac (Youcef Sebti, Abdelhamid Laghouati, Rachid Bey, Djamal Imaziten, Boualem Abdoun, Djamal Kharchi, Hamid Skif, Ahmed Benkamla et Hamid Nacer-Khodja), illustration de Mustapha Akmoun (revue Poésie 1 n°14, Librairie Saint-Germain-des-Prés, 1971).

Récit : Ébauche du père, avant-propos de Rabah Belamri, (Gallimard, 1989).

Essais : Le Soleil sous les armes, Éléments d'une poésie de la Résistance algérienne (Subervie, 1957), Journal, janvier-juillet 1954) suivi de Les Leçons d’Edgar (Edmond Charlot éditeur, 1983), Visages d'Algérie, Écrits sur l’art (Paris, Paris-Méditerranée/EDIF 2000, 2002).

Correspondance : Jamel-Eddine BencheikhJean Sénac : clandestin des deux rives (Éditions Séguier, 1999), Albert Camus, Jean Sénac, ou le fils rebelle (Éditions Paris-Méditerranée/ EDIF 2000, 2004), Les deux Jean : Jean Sénac, l’homme soleil, Jean Pélégri, l’homme caillou, Correspondance 1962-1973, poèmes inédits (Chèvre-feuille étoilée - Barzakh, 2002).