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Essai Kamal Guerroua -"Sartre et l'Algérie"

Date de création: 09-09-2023 19:13
Dernière mise à jour: 09-09-2023 19:13
Lu: 196 fois


HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ESSAI KAMAL GUERROUA- « SARTRE ET L’ALGÉRIE »

Sartre et l’Algérie . Essai de Kamal Guerroua (Préface de Salah Guemriche). Tafat Editions, Alger 2023, 239 pages, 1200 dinars

C’est, je crois,  le premier ouvrage consacré pleinement au « couple » : Sartre/Algérie .Faut-il s’en étonner  avec l’auteur qui comble ainsi une carence bibliographique dommageable pour la connaissance de la lutte de libération nationale d’une part et, d’autre part, pour mieux comprendre les engagements des intellectuels étrangers à notre cause.On peut comprendre cela côté ultra-marin (la France « colonialiste ») qui n’a pas encore digéré sa défaite et qui cultive toujours sa « haine » des autres, c’est-à-dire  les gens de gauche (dont les porteurs de valises et les signataires du Manifeste des 121) et leurs amis « bougnoules », tout particulièrement.On le comprend bien moins chez nous où Sartre est évité aussi bien à l’Université qu’à l’extérieur........Il est vrai que  ces derrières décennies ,avec l’émergence d’idées religieuses radicales qui tendent à jeter aussi bien les contenus que  les contenants, la haine de la philosophie « existentialiste » (ne voyant que l’athéisme de l’auteur) et le nationalisme mal placé  ont bloqué  toute réflexion et toute ouverture.

Côté Algérie, l’auteur vient donc de réparer une immense injustice politique et intellectuelle en osant le pari (réussi) d’étudier le parcours médiatico-politique algéro-français  d’un intellectuel de « légende » , admirateur et ami de Frantz Fanon ( on apprend qu’ils avaient passé trois jours dec discussions enflammées ensemble à Rome) :« Sartre et Fanon , c’était presque la même veine combative : deux voix rebelles ; hypersensibles à la condition des Indigènes, et indéniablement engagées dans la voie de l’anticolonialisme le plus radical » écrit-il  .  Il étudie ,  analyse et détricote avec détails le cheminement d’un anti-colonialiste « enra (g) agé » dont le domicile parisien avait été plastiqué deux fois par les criminels de l’Oas.....et que De Gaulle n’avait pas osé « emprisonné » (car on « n’emprisonne pas Voltaire », avait-il répondu à ses ministres de droite).L’auteur n’a   nullement tenté de se substituer au rôle d’historien ni de camper celui du biographe de Sartre ni moins encore de privilégier une écriture panégyrique mais seulement de donner au philosophe la place qu’il mérite dans un pays, l’Algérie,  pour lequel il s’était engagé corps et âme au nom de l’idéal de vérité.

A la base, J-P Sartre s’est abreuvé et inspiré dans le côté révolutionnaire de Jean Jacques Rousseau lequel en 1762 , avait écrit la première phrase du « Contrat social » : « L’homme est né libre et partout est dans les fers » . Un prélude à l’existentialisme sartrien. Aussi avait-il pris parti , à partir de 1950, dans ses œuvres littéraires, sa philosophie et son action, des pays de l’Est,en rupture  avec le bloc soviétique, défendu le Tiers monde et ses luttes pour se libérer des griffes de l’impérialisme occidental (Vietnam, Cuba, Algérie...)

L’Auteur : Né en 1982 en ???? (Kabylie).Etudes et Algérie puis en France. Journaliste , poète et écrivain. Plusieurs publications dont « Le Chant des sirènes » (premier roman en 2019), « Le Souffle du printemps », « La contagion du bonheur » , , « L’Algérie révoltée », « Hymne à l’espérance »., « Journal d’un hittiste) ......

 

Sommaire : Préface (de Salah Guemriche)/ Naissance d’une idole/Influence philosophiques/L’engagement chez Sartre/L’étincelle algérienne/Le fait colonial/Sartre et Camus ou la déchirure algérienne/ Division ou débacle morale des élites/Dans l’impasse : le manifeste des 121/Le pacte sacré avec les porteurs de valises/La question de la torture/Le mythe gaullien/L’enpreinte fanonienne/La déroute républicaine/Le sacre indépendantiste/Conclusion/Notes (572)/ Sigles/Bibliographie (9 pages)

Extraits : « Sartre avait pris acte d’une chose :l’écrivain était , qu’il le veuille ou non, « dans le coup », obligé de résister, de prendre parti, de militer, de se battre avec le monde et la réalité qui s’imposait à lui, chargé de témoigner sur son temps, d’inscrire son écriture et son combat dans le cours de l’histoire, de transformer ses exigences esthétiques en revendications matérielles concrètes » (p 46), Camus avait vigoureusement dénoncé la violence , surtout celle commise par les révolutionnaires et  les « terroristes » qui disaient vouloir rendre le monde meilleur alors qu’il n’avait pas soufflé un mot contre la violence étatique et systémique du capitalisme ni ,  durant les années 1950, contre celle du colonialisme ayant sévi en Algérie. A l'inverse, Sartre avait su identifier la violence étatique  et systémique partout où il l’avait rencontrée, et avait défendu des individus et des mouvements qui luttaient contre elle » (p 80), « Camus était , au fond, pour Albert Memmi, « un colonisateur de bonne volonté », celui « qui ne regrette rien » selon la formule typique de Meursault dans « l'Etranger » ( p 88), « Nous sommes en 1961. Pour Sartre, l’indépendance de l’Algérie était d’ores et déjà acquise et elle interviendra dans un an ou dans cinq ans, par accord avec la France ou contre elle, après référendum ou par l’internationalisation du conflit » (p117), « La dénonciation de la torture pratiquée par l’armée française ainsi que le thème de la culpabilité personnelle et collective, jouèrent un rôle important dans l’argumentation sartrienne contre la guerre d’Algérie » ( p139), « A partir de 1958, Sartre l’anti-Pcf, Sartre l’anti-« Gauche molle », Sartre l’anti-guerre totale, Sartre l’anticolonialiste Sartre l’antigaulliste, Sartre l’antgénéral, , Sartre l’antimilitariste » (p145)

Avis : Un essai aussi pertinent par son approche que percutant par son contenu De la recherche fine et ciblée qui nous réconcilie avec un philosophe qui (en dehors de ses autres positions politiques) , grand admirateur et ami de Fanon, a été un fervent défenseur – et sans concessions- de la cause indépendantiste algérienne  

Citations « Etre intellectuel est une attitude et non pas un métier » (J-P Sartre cité, p 42 ), « Mais , enfin, qu’est-ce que vraiment un « intellectuel engagé » ?Le philosophe le définissait d’abord comme « technicien du savoir pratique » (p 56), « Sartre  et l’Algérie. Deux mots qui pourraient résumer l'essentiel : engagement et solidarité révolutionnaire (.. .....) Par sa folle fringale de l’action nourrie opar son devoir d’éthique de moraliste, ce fut, irrévocablement, le digne  repréentant de la France des Lumières face à celle des ténèbres... » (p 181)

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