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Said Boulifa

Date de création: 24-07-2023 17:30
Dernière mise à jour: 24-07-2023 17:30
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CULTURE- PERSONNALITES- SAID BOULIFA

© Pr Ahmed Cheniki, fb, juillet 2023

 

UN GRAND OUBLIE, SAID BOULIFA, UNE GRANDE ICONE DE L'ALGERIE

 

Souvent, quand on parle de l’Algérie, nous avons l’impression que trop peu de choses ont été réalisées par des lettrés. Il y a de grands intellectuels. D'extraordinaires travaux. Une profonde lecture du quotidien. Des lieux d'Histoire. Ce sont de véritables actes de résistance.

Déjà, à partir du début du vingtième siècle, surtout avec l’adoption des formes de représentation européenne, l’appareil scolaire a été un élément central ayant permis la découverte de cette altérité non consentie. Certes, il existait des écoles algériennes, mais les programmes étaient embryonnaires.

Ainsi, quelques Algériens allaient fréquenter l’école française et, par la suite, certains d’entre eux, l’école normale de Bouzaréah. Si Ammar-ou- Said Boulifa (1863-1931) y avait poursuivi sa formation d’instituteur. Malgré la loi Jules Ferry qui rendait l’école publique obligatoire et gratuite, les autorités coloniales faisaient tout pour restreindre considérablement l’accès à l’enseignement pour les autochtones de peur que, conscients et formés, ils se retourneraient contre l’occupant colonial. Trop peu d'Algériens avaient fréquenté l'école. Des Algériens ont usé du savoir scolaire contre l'occupant colonial. Le français devenait un instrument de guerre contre la France coloniale.

Cet instituteur avait pris la décision d’interroger les espaces sociologiques, historiques et linguistiques de sa région, inaugurant peut-être ce travail de fourmi qu’on pourrait appeler, microsociologie et micro-Histoire. Ce qui l’intéressait, c’était le terrain, la réalité concrète. Il se déplaçait sur les lieux, les différents villages, questionnant populations et décrivant climats et faits historiques. Une réponse aux mensonges de ceux qui n'arrêtaient pas de justifier leur sale colonisation par le mythe de la civilisation. Said Boulifa savait que ce qu'il faisait, en empruntant certaines valeurs et la langue française, permettait de démythifier la parole dominante et donner à lire un passé autochtone fait de belles choses.

C’est à la faculté des lettres d’Alger qu’il assura l’enseignement de son savoir. Il entreprit des missions de recherche archéologique en Kabylie, du droit traditionnel tout en menant un ambitieux travail sur l’Histoire du Djurdjura. Il s’occupera également des questions littéraires (recueil de contes et de poésies populaires notamment)

L’un des pionniers de la mise en œuvre d’une grammaire « amazigh » est Said Boulifa qui avait proposé des lectures particulières de la littérature et de la langue « amazigh », recueillant contes et poèmes et esquissant une grammaire : « Manuscrits berbères du Maroc », 1905 ; « Recueil de poésies kabyles », « Texte Zouaoua » traduit, annoté et précédé d'une étude sur « la femme kabyle » et d'une notice sur « le chant kabyle » (airs de musique), Alger 1904 ; « Méthodes de langue kabyle 1913).

On ne peut parler de Boulifa sans évoquer l’émergence de la science historique en Algérie. Les deux premières décennies du vingtième siècle constituèrent sans aucun doute les premiers moments, certes très agités, du mouvement nationaliste algérien. Plusieurs écrits virent le jour. A côté des textes de Moubarak el Mili (1889-1945) et Tewfik El Madani (1898-1983), s’imposait également l’œuvre de Si Ammar-ou- Said Boulifa qui avait proposé une autre lecture de l’Histoire de l’Algérie (Grande Kabylie, Le Djurdjura à travers l'histoire depuis l'Antiquité jusqu'en 1830, Alger 1925). L’Histoire ancienne est marquée du sceau de la revendication politique et idéologique. La convocation du passé (« arabe » ou « amazigh ») correspond à des choix idéologiques particuliers. La lecture de Said Boulifa est fondamentalement différente des interprétations proposées par Moubarak el Mili, Tewfik el Madani et Abderrahmane Djilali.

Il ne craignait pas de répondre aux textes des anthropologues et ethnologues dominants de l’époque, comme le général Adolphe Hanoteau dont les conclusions d’une de ses études sur la Kabylie lui paraissait caricaturale et trop peu sérieuse. Il admirait René Basset tout en tentant d’avoir une lecture très personnelle des faits et des choses.