HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
RECIT LOUIS FERRI- « L’ALGERIE,C’EST D’ABORD
L’ALGERIE »
L’Algérie , c’est d’abord l’Algérie. Récit de Louis Ferri
(préface de Zeddour Mohammed Brahim). Editions Alem El-Afkar , Alger/Mohammedia 2017 (1ère édition en 1956,
« Cahiers du Témoignage Chrétien ») , 500 dinars, 173 pages
Que savons-nous exactement du soutien des
intellectuels chrétiens aux Algériens dans leur combat libérateur ? Pas grand-chose,
tout particulièrement au niveau des nouvelles générations, celles d’après
–guerre (mises à part quelques exceptions ayant échappé au formatage des
esprits entrepris par les enseignants et /ou pseudo-historiens arabo-islamistes) . Pas grand-chose. A peine quelques noms cités ça et là
mais de plus en plus oubliés ( Il fait avouer que nos grands héros algéro-musulmans le
sont déjà en bonne partie, la vie « moderne » d’une part et les dérives conservatrices ayant (dé-) formé les cerveaux) .
Henri –Irénée Marrou, André Mandouze, Paul-Albert Février, Edmond Michelet, Georges Montaron, Robert Davezies, Claude
Bourdet, Robert Barrat, Léon Duval
, David Rousset......et bien d’autres (d’autres confessions dont
l‘israélite) . Et, le journal « Témoignage Chrétien » ( seul journal
rescapé de la Résistance française contre le nazisme et le régime de
Vichy...., un des premiers journaux à
s’engager dans les luttes de décolonisation et
contre la torture.... ;
journal de la gauche chrétienne , dont le directeur était Georges Montaron et ,un
certain temps, Hervé Bourges en tant que Rédacteur en chef. Un journal qui
connu 96 saisies ...pour « diffamation envers l’armée », ciblé par un
attentat Oas à la bombe....)
Dès 1956, il consacre le numéro 37 de ses
« Cahiers » à l’Algérie. Un n°
oublié après l’adoption de la loi sur les pouvoirs spéciaux (12 mars 1956),
« par laquelle la France entend conserver par la guerre ce qu’elle a
conquis par la guerre » .
Une brochure qui, d’abord, présente la
« réalité humaine et économique de l’Algérie : histoire, population
et niveau de vie, économie, main-d’œuvre et chômage, problème scolaire » et
tente de décrire « la naissance du
sentiment national algérien », tout en s’interrogeant : « Y
a-t-il plusieurs nationalismes algériens
se référant au « fait français » en Algérie ...., un
« fait » opposé par les gouvernements français qui se sont succédé
(« Un autre nationalisme ? ») . Puis, elle publie les opinions dominantes du
moment : celles du Sultan du Maroc et du Président Bourguiba, celles des Mouderres
de la Zitouna,
la résolutions de la Conférence de Bandœng, de l’Onu (la Question
algérienne étant inscrite à l’ordre du jour) , celles des Oulémas (manifeste du
7 janvier 1956) , des centrales syndicales (Usta, Ugta, Cisl, Cgt d’Algérie, Cgt,
Fo, Cftc, Ugtt....) ,
de Messali Hadj (interview à « Die Welt ») , de Ferhat Abbas (16 décembre 1955 in
« La République Algérienne ») , du Dr Ben Salem (Déclaration, in
« Le Monde » du 12 décembre) , du Fln, .....ainsi que celles françaises :
De Gaulle (en décembre 43 et en juin 55), de Mendès France (dans
« L’Express ») , d’Emile Roche (un radical) , de G. Bidault du Mrp, de la Sfio , de Charles
André Julien, de Poujade, du Parti de la Jeune République, de Mgr Duval , des
Evêques d’Algérie, de Mgr Perrin (archevêque de Carthage) , de la Jeunesse
ouvrière chrétienne...et de chrétiens de l’Afrique du Nord.
A noter que la brochure présente « un
dossier sur la répression en Algérie » , un extrait d’un rapport de la Commisson internationale contre le régime
concentrationnaire, Cicrc (déjà publié en janvier-février 56 par
la revue « Saturne ») ...dont étaient membres David Rousset et
Germaine Tillon. Un
rapport qui est « très malheureusement très en dessous de
l’actuelle réalité » . « Témoignage
Chrétien » avait déjà publié ,le 6 janvier 1956
,un appel des 700 internés politiques du camp d’ « hébergement »
(appellation officielle !!!!....après l’institution de l’état d’urgence le
3 avril 1955) de Djorf
(M’sila) ...puis le 20 janvier un document sur
l’exécution sommaire de toute une famille, en août 55....
Conclusion :Le
partage entre « le rejet de la
guerre destructive et source de haine » ...et « l’abandon pur et
simple ». Des solutions ? Des « compromis qui satisfassent les
aspirations nationales algériennes trop longtemps ignorées ou
méprisées » ! Difficiles à avoir
car « la réalité algérienne évolue
avec une extraordinaire rapidité ».....et, comme on le verra par la
suite, l’entêtement et le radicalisme militaro-colonialiste allait en empirant,
augmentant les fractures......au grand désepoir de
l’ « humanisme chrétien ».
L’Auteur : Journaliste,
militant progressiste chrétien
Extraits : « L’engagement de nombreux chrétiens en faveur de l’indépendance
de l’Algérie était mu par leur foi ancrée dans les valeurs humanistes
chrétiennes » (M-B Zeddour, p 13), « Un
grand clivage existe dans tous les domaines entre la population européenne à
qui on a tout donné et la population musulmane à qui on a tout pris.Ce qui explique l’esprit de révolte » (M-B Zeddour, p 18) , « En Métropole, le chômage présente
un caractère « conjoncturel ». En Algérie, il est
« structurel ». Le déséquilibre s’y accroît entre la poussée
démographique et l’expansion économique » (p 80)
Avis : Initiative
à saluer. Exhumer des écrits et des ouvrages, signés
d’ « étrangers »,
consacrés au soutien à la guerre de libération nationale. Ouvrage
documentaire très instructif. Pour savoir ce qu’était l’Algérie et la guerre
(pour les moins de soixante ans) et pour remonter le temps et se souvenir , pour les septuagénaires et plus .Et, surtout , en
signe de reconnaissance à ceux qui ont partagé nos ouffrances
....en souffrant
Citations :
« A l’approche de la fin de la guerre, l’Algérie française apparait de
plus en plus comme un Frankenstein, une créature monstrueuse qui se retourne
contre son créateur » (M-B Zeddour, p 25),
« Il ne peut y avoir de défaite s’il s’agit de faire face à une situation
nouvelle avec des moyens nouveaux. La défaite consiste à refuser une évolution
inéluctable au nom de principes dépassés » (p 40) ,
« Rome qui a écrasé et nivelé tant de peuples avant de les éduquer n’a résussi ni à écraser les Berbères ni à les transformer.
Bien plus, ce sont les Berbères eux-mêmes qui ont rejeté leurs maîtres ;
Romains, Vandales et Byzantins n’ayant fait que passer comme des
météores » (p 43), « Dire que l’aspect démographique est l’un des
problèmes clés sinon le problème fondamental est devenu la tarte à la crème de
toute étude sur l’Algérie » (p 51), « C’est de la prise de conscience
des biens perdus depuis 1830 par la faute de la colonisation qu’est né le
sentiment national algérien » (p 87), « Une oppression unique soude
dans la même résistance des provinces autrefois dispersées. C’est ainsi que
naît une nation » (p 89)