SANTE- MALADIE- MALADIES RARES/ALGÉRIE 2025
Du
fait justement de leur rareté, ces maladies ne bénéficient pas de programmes de
recherche conséquents afin de leur trouver un remède, car les laboratoires
pharmaceutiques, qui recherchent la rentabilité avant tout, ne veulent pas
engager des budgets importants pour trouver des médicaments efficaces pour des
malades qui ne sont pas nombreux. Cela dit, il existe des maladies courantes
qui sont orphelines comme l’Alzheimer, une maladie répandue, mais qui n’a pas
de traitement à ce jour. Actuellement, 96 % des maladies rares sont orphelines,
donc sans traitement efficace, et 80 % d’entre elles se contractent par
transmission génétique, la consanguinité étant l’un des facteurs importants
favorisant cette transmission. Les 20 % restants sont constitués de cancers
rares, d’intoxications rares, de maladies immunitaires rares, de maladies
idiopathiques rares et d’affections rares indéterminées. Selon le décompte des
milieux médicaux, il existe un peu plus de 7.000 maladies rares dans le monde.
En Algérie, de 4 % à 6 % de la population est atteinte de ces maladies.
Considérant que le nombre d’habitants se situe entre 46 et 47 millions, le
nombre de patients souffrant de maladies rares avoisinerait les 2 millions
d’habitants, sans tenir compte du facteur de consanguinité. Chaque maladie a
quelques dizaines ou quelques centaines de malades. Donc, si les maladies sont
rares, le nombre de malades, en additionnant ceux souffrant de ces quelque
7.000 maladies, est important. Il y en a qui ont été diagnostiqués, mais
d’autres ne le sont pas. Certains sont malades sans le savoir. Il y en a aussi
qui ne savent même pas de quoi ils sont malades car les maladies rares sont
difficiles à détecter par les médecins qui ne sont pas formés. Les maladies
rares peuvent toucher un seul organe ou plusieurs organes en même temps, comme
c’est le cas du syndrome de Marfan et de la sclérodermie. La majorité des
maladies rares étant génétiques, elles s’expriment très tôt dans la vie, ce qui
fait que les pédiatres sont généralement en première ligne. Un faible
pourcentage de maladies rares peut s’exprimer plus tard dans la vie, à
l’adolescence ou bien chez l’adulte. L’archétype de la maladie rare qui peut
être foudroyante est l’amyotrophie spinale, plus connue sous l’acronyme SMA.
C’est une maladie neuromusculaire dont la version sévère, la SMA1, est létale.
Il existe plusieurs cas de bébés qui décèdent dans les services de réanimation
des différentes structures médicales en Algérie avant même de boucler leur deuxième
année. Cette maladie est la première cause génétique de mortalité infantile. Le
service pédiatrie du CHU Mustapha-Pacha connaît une centaine de cas
annuellement. Il existe une thérapie efficace pour la freiner depuis 2017 et ce
traitement a été enregistré auprès de l’Agence nationale des produits
pharmaceutiques (ANPP), mais il ne peut être efficace que si la maladie est
détectée rapidement. C’est pour cela que les spécialistes préconisent un
dépistage néonatal (c’est-à-dire à la naissance) systématique pour détecter
cette maladie et la traiter précocement. A ce jour, deux maladies font l’objet
de dépistage néonatal systématique en vertu d’un projet-pilote : la
phénylcétonurie et l’hypothyroïdie. De nombreux pédiatres, dont le Pr Azzedine Mekki, chef du service pédiatrie au CHU Mustapha-Pacha,
préconisent d’inclure la SMA dans le dépistage néonatal. De son côté, le Pr Asmahane Ladjouze, chef du
service pédiatrie au CHU de Beni Messous, a proposé,
lors d’une journée d’études sur les maladies rares organisée l’été dernier,
d’inclure l’hyperplasie congénitale des surrénales dans le dépistage néonatal
car elle est facile à détecter. Le dépistage néonatal est d’autant plus
important que les maladies rares, par définition, s’expriment très tôt dans la
vie. Sachant que 96 % des maladies rares n’ont pas de traitement, elles
engendrent des décès dans la majorité des cas, des handicaps ou des séquelles.
Les organes touchés souffriront d’insuffisance jusqu’au décès. En somme, les
victimes de maladies rares, dont il n’existe pas de traitement, ont une
espérance de vie réduite considérablement. Les 4 % des maladies disposant, à ce
jour, d’un traitement, doivent être détectées et traitées tôt pour que les
résultats soient bons. Le Pr Mekki est catégorique : «On ne guérit jamais d’une maladie rare. Les traitements
stabilisent seulement la maladie, ce qui explique que les traitements sont à
vie, sauf greffe d’organe.» La maladie rare est
également liée à la consanguinité. L’Algérie connaît une consanguinité
importante car il y a beaucoup de mariages entre personnes d’une même famille,
comme entre cousins par exemple, ce qui augmente le risque d’attraper une
maladie rare. Pour une question de culture ou de moyens, les gens de
l’intérieur du pays ne consultent pas souvent, en comparaison avec ceux qui
sont dans les grandes villes et ce sont eux qui ont une insuffisance de
diagnostic. Fort heureusement, les mentalités ont évolué, ces dernières années,
puisqu’il y a de plus en plus de personnes de l’intérieur du pays qui consultent
des médecins lorsque nécessaire, quitte à aller très loin. A Alger, il y a des
malades au CHU Mustapha-Pacha qui viennent même d’In Guezzam.
L’Etat n’est pas en reste concernant les maladies rares. Il a souvent été souligné
la nécessité de prendre en charge les problèmes de tous les citoyens, quels
qu’ils soient et où qu’ils soient. A titre illustratif, la liste des maladies
rares et leurs traitements pris en charge par l’Etat a été portée de 32 à 109
maladies à travers l’arrêté du 6 novembre 2024, modifiant et complétant
l’annexe I de l’arrêté du 6 février 2013 fixant les listes des maladies rares
et des pathologies à pronostic vital ainsi que les produits pharmaceutiques
destinés à leur traitement. Cet élargissement a été accueilli avec soulagement
par les malades souffrant des pathologies ajoutées à la liste. Par ailleurs, le
Dr Khaled Khedim, directeur-général adjoint de la
Caisse nationale des assurances sociales des travailleurs salariés (CNAS), a
annoncé une évolution exponentielle des dépenses de remboursement des frais de
soins qui ont atteint 2,7 millions de dollars par an. «La
CNAS est ouverte à tout programme pour améliorer le processus de soins», a-t-il
déclaré lors de la journée d’études sur les maladies rares. Pour cela, il faut
introduire une demande à la commission de remboursement de la CNAS, «laquelle est seule habilitée à adopter le remboursement
d’un traitement donné». Concernant le remboursement des frais des tests
génétiques, le Dr Khedim pose une condition : «Il faut qu’ils soient faits en Algérie.» Or, rares sont
les structures médicales ayant le matériel nécessaire pour effectuer des tests
génétiques et la plupart des laboratoires soustraitent
avec des laboratoires étrangers. Durant le même événement, le Dr Sabri
Djerroud, directeur-général de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), a
déclaré que le budget consacré en 2025 à la prise en charge des maladies rares
est de 45 milliards de dinars. D’ailleurs, l’Algérie est le seul pays en
Afrique à consacrer un budget aussi important aux maladies rares. Il s’agit
d’un budget conséquent reflétant un effort de l’Etat envers les malades, même
si cela reste insuffisant en raison de la cherté des traitements, dont certains
coûtent des dizaines de milliers de dollars. D’où la nécessité d’un plan pour
les maladies rares, comme il y a eu, il y a quelque temps, un plan pour les
cancers. Ce plan est en phase d’élaboration, sous l’égide du ministère de la
Santé, par un groupe de spécialistes confrontés aux malades au quotidien. Ce
plan préconise notamment la généralisation du dépistage néonatal au plus grand
nombre possible de maladies rares, une formation spécialisée pour tous les
généralistes afin qu’ils puissent détecter les maladies rares, l’acquisition
d’appareils de dépistage génétique, l’ouverture de centres de référence où les
maladies seront identifiées et les malades orientés vers les structures de
prise en charge adéquates (parcours de soins), la mise sur pied d’une
plateforme numérique nationale pour assurer le suivi des malades partout en
Algérie et la prise en charge des traitements et médicaments nécessaires pour
stabiliser les maladies. L’adoption et l’activation de ce plan sont d’autant
plus impératives que des malades décèdent sans même savoir qu’ils sont malades,
alors qu’une détection à temps aurait pu les sauver. De plus, des traitements
efficaces ont été trouvés pour certaines maladies rares, dont la mucoviscidose,
mais le plan national est nécessaire pour assurer leur acquisition et, pourquoi
pas, la fabrication de leurs génériques en Algérie. En somme, le plan pour les
maladies rares est appelé à déterminer le processus complet de suivi des
malades, du dépistage jusqu’au traitement. Sachant que le nouveau ministre de
la Santé, Mohamed Esseddik Aït Messaoudène,
est un médecin de terrain, les chances de sa concrétisation n’en sont que plus
grandes. Une vraie lueur d’espoir pour des centaines de milliers de malades en
Algérie.