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Roman Assia Djebar- "L'Amour, la Fantasia"

Date de création: 07-11-2025 17:57
Dernière mise à jour: 07-11-2025 17:57
Lu: 43 fois


HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN ASSIA DJEBAR- « L’AMOUR, LA FANTASIA »

L’amour, la fantasia. Roman de Assia Djebar. El Kalima Editions , Alger 2025 (Albin Michel, 1995).304 pages, 2 000 dinars

 Dans cet ouvrage , Assia Djebar multiplie les narrateurs : elle ne prend pas toute seule le récit en charge, mais utilise d'autres personnages, qui écrivent eux aussi : elle utilise leurs écrits pour constituer le roman, qui devient une sorte d'assemblage et de collage de différentes paroles. Non seulement cette équivalence est présente, mais on pourrait ajouter une quatrième dimension, avec celle de l'approche historique : l'Histoire de l'Algérie est prise en compte comme une composante essentielle du moi

En vraie pionnière, l’auteure remonte donc  le cours du temps, se hasarde sur les traces des ancêtres, et lutte contre leur effacement. Elle fait parler les silences du passé , questionne les vivants et convoque les morts, tout en racontant ses propres expériences.

 Le texte divisé en trois blocs narratifs : Le premier tisse des histoires de l’enfance algérienne (de l’auteure) , au début de la colonisation française, à partir de 1830.Le second est composé d’histoires sur le colonialisme, des histoires autobiographiques racontant le passage de la narratrice à l’âge adulte et celles de la vie de femme mariée, de courte durée  dans un appartement à Paris.Le dernier , « les voix ensevelies », le plus long, est consacré aux témoignages des femmes du Mont Chenoua qui ont participé à la révolution armée.

Tout un continuum entre l’individu et le collectif.Une véritable « autobiographie collective »  ou « autobiographie plurielle » ou « autobiographie au pluriel »  et un « je-nous » opposé au « nous » de l’Occident. Une marque de fabrique (que je trouve douloureusement vécue car on n’arrive pas à choisir. Poids de la société ?) de nos écrivains !

L’Auteur : Née le 30 juin 1936 à Cherchell (et décédée à Paris le 6 février 2015, à l’âge de 79 ans.Elle sera inhumée à Cherchell), Fatma-Zohra Imalhayène, étudiante en France,  militante de la cause nationale dès 1956, elle est exclue de l'Ecole normale supérieure des jeunes filles . Elle  publie dans la foulée son premier roman "La soif" (1957) suivi un an plus tard par "Les impatients". Elle retourne en Algérie en juillet 1962 pour enseigner l'histoire moderne et contemporaine de l'Algérie à l'université d'Alger, elle va publier cette année-là "Les enfants du nouveau monde" puis "Les alouettes naïves", profondément ancrés dans la guerre de libération nationale. Elle se tourne à la fin des années 1970 vers le 7ème Art, avec la réalisation de deux films , "La Nouba des femmes du mont Chenoua", qui a obtenu le Prix de la critique internationale à Venise en 1979, puis "La Zerda ou les chants de l'oubli", qui remportera le prix du meilleur film historique au Festival de Berlin en 1983. "Femmes d'Alger dans leur appartement" (1980), "L'amour, la fantasia" (1985), "Le Blanc de l'Algérie" (1996), "La Femme sans sépulture" (2002), ou encore le célèbre "Loin de Médine" (1991) sont parmi les titres où se mêlent tous les combats libérateurs qu'elle voulait mener et incarner. Traduite dans plus de 20 langues, plusieurs fois nominée au Prix Nobel de littérature, Assia Djebar a reçu plusieurs prix et distinctions aux quatre coins du monde. En 2005, elle a été la première femme arabe et africaine élue à l’académie française

Table des matières : Première partie/Deuxième partie/Troisième partie/ Premier Mouvement/Clameur/Deuxième Mouvement/Murmures/Troisième Mouvement/Chuchotements/ Quatrième Mouvement/Conciliabules/ Cinquième Mouvement/ Soliloque/Tzarl’rir (final)

Extraits « Toutes les Françaises ne viennent pas de Paris......La plupart de celles que notre pays asservi a tentées savent seulement traire une vache à leur arrivée !Si ensuite elles se civilisent, c’est parce qu’elles trouvent ici force et richesse.Car les lois sont faites pour elles, pour leurs mâles, pour leurs fils ! » (p 43), « L’invasion est devenue une entreprise de rapine :l’armée précédant les marchands suivis de leurs employés en opération ; leurs machines de liquidation et d’exécution sont déjà mises en place » (pp 69-70)

Avis : Un roman singulier qui mélange (dans un dialogue permanent ) l’Histoire et l’intime, l’Histoire et les traumas de la guerre, la mémoire populaire et les voix de femmes trop longtemps silencieuses.Surtout, ne pas se décourager face à un récit en  va-et-vient..... assez instructif.....tout étant lié. On s’en aperçoit à la fin.

Citations : «  L’indigène , même quand il semble soumis, n’est pas vaincu.Ne lève pas les yeux pour regarder son vainqueur. Ne le « reconnaît » pas. Ne le nomme pas. Qu’est-ce qu’une victoire si elle n‘est pas nommée  ? » (p 87) , « Jamais le harem, c’est-à-dire l’interdit , qu’il soit d’habitation ou de symbole, parce qu’il empêcha le métissage de deux mondes opposés, jamais le harem ne joua mieux son rôle de garde-fou ; comme si les miens décimés, puis déracinés, come si mes frères et par là mes geôliers, avaient risqué une perte de leur identité : étrange déréliction qui fit dériver jusqu’à leur figure sexuelle....Cette impossibilité en amour, la mémoire de la conquête la renforça » (p 180), « Dans la transmission islamique, une érosion a fait agir son acide : entrer par soumission, semble décider la Tradition, et non par amour.L’amour qu’allumerait la plus simple des mises en scène apparaît dangereux » (p 232), « Pour les fillettes et les jeunes filles de mon époque -peu avant que la terre natale secoue le joug colonial- , tandis que l’homme continue à avoir droit à quatre épouses légitimes, nous disposons de quatre langues pour exprimer notre désir, avant d’ahaner : le français pour l’écriture secrète, l’arabe pour nos soupirs vers Dieu étouffés, le libyco-berbère quand nous imaginons retrouver les plus anciennes de nos idoles mères.La quatrième langue, pour toutes, jeunes ou vieilles, cloîtrées ou à demi émancipées, demeure celle du corps.... » (p246) , « Ecrire ne tue pas la voix, mais la réveille » (p 274)