RELATIONS INTERNATIONALES-FRANCE-ALGERIE.FRANCE/
OPINION CHEMS EDDINE HAFIZ (SEPT. 2025)
Relations
France-Algérie et rupture entre Tebboune et Macron : Les révélations de Chems-Eddine Hafiz
Cette montée des tensions sociales est symptomatique
d’une dégradation plus large couvrant non seulement les sphères politiques,
mais aussi les relations humaines et communautaires entre les deux peuples.
Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande
Mosquée de Paris, a levé le voile sur les coulisses d’une relation complexe et
longtemps marquée par l’affection entre les présidents algérien, Abdelmadjid
Tebboune, et français, Emmanuel Macron. Ce témoin privilégié, qui a été reçu à
plusieurs reprises par le président Tebboune, a livré à la faveur d’une
interview accordée lundi 29 septembre 2025 à la chaîne One TV un récit
détaillé sur les «raisons profondes qui ont conduit à la rupture entre les deux
chefs d’Etat» et, par extension, à la dégradation alarmante des liens
diplomatiques entre Alger et Paris.
Chems-Eddine Hafiz décrit une phase où Abdelmadjid
Tebboune, dès son arrivée à la présidence de l’Algérie, manifestait un désir
clair de bâtir une relation «extrêmement simple et claire» avec la France. «Il avait beaucoup cru en la parole du président Macron»
qui, de son côté, prodiguait des déclarations figurant une «affection» notable
envers son homologue algérien. Hafiz rapporte même des paroles personnelles de
Macron : «Quand je parle avec lui (Macron), il me
disait notre grand frère Abdelmadjid Tebboune, allant jusqu’à confier à
l’intervieweur un moment intime où Macron lui aurait dit : ‘Je te regarde et je
pense à mon frère Abdelmadjid Tebboune.’» Cet attachement personnel entre les
deux présidents transparaissait comme un fondement solide pour une relation
bilatérale qui, après des années de tensions, semblait vouloir repartir sur de
nouvelles bases.
Pourtant, ce tableau idyllique s’est délité sous le poids d’un certain nombre
de facteurs. Selon Chems-Eddine Hafiz, la rupture ne
peut se réduire à la seule déclaration controversée du président Macron en
juillet 2024 sur la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental, bien
qu’elle ait constitué «le point final qui a scellé la
rupture». Le recteur évoque un contexte où Emmanuel Macron «a
fait énormément de promesses au président algérien, des promesses qui n’ont pas
été tenues», suscitant un fort agacement chez Abdelmadjid Tebboune.Cette
accumulation de déceptions a amené le président algérien à comprendre «qu’il ne
pouvait plus rien faire avec le président Macron». La reconnaissance française
du Sahara occidental par Macron est venue s’ajouter à d’autres raisons et
tensions latentes, transformant un malentendu politique en une véritable crise
diplomatique entre les deux nations. Chems-Eddine
Hafiz souligne également les conséquences humaines de cette crise d’Etat. Les
Algériens vivant en France «sont des victimes
collatérales d’un problème politique», et l’on assiste à «des élans racistes et
des déclarations contre les Algériens», déplore-t-il. Cette montée des tensions
sociales est symptomatique d’une dégradation plus large couvrant non seulement
les sphères politiques, mais aussi les relations humaines et communautaires
entre les deux peuples.
Loin d’appeler à la confrontation, le recteur appelle plutôt à la désescalade,
insistant sur le fait que «des déclarations comme celles données début août par
Emmanuel Macron pour durcir le ton n’ont rien apporté de positif» et «ont
envenimé la situation».
Hafiz invite à un dialogue apaisé pour sortir de cette crise qui «ne profite à
personne».
Plusieurs mois avant cette interview, le recteur de la Grande Mosquée de Paris
avec le cardinal Jean-Paul Vesco, archevêque d’Alger,
avaient signé un appel conjoint pour défendre la fraternité entre les deux
peuples et dénoncer le fait que les crispations diplomatiques ne doivent pas
faire des citoyens ordinaires des victimes collatérales. Leur message commun
reste d’actualité face à la profonde tension actuelle. Le témoignage de Chems-Eddine Hafiz révèle un volet méconnu des relations
franco-algériennes.
Une relation personnelle entre deux Présidents, marquée par la confiance et
l’affection qui se sont effondrées sous le poids d’attentes non satisfaites, de
décisions politiques lourdes et d’une crise territoriale majeure. Cette rupture
a non seulement amplifié la crispation politique entre Alger et Paris, mais a
également exacerbé les tensions sociales, notamment envers la communauté
algérienne en France. A l’heure où l’on cherche à comprendre les perspectives
d’une future normalisation des relations bilatérales, les révélations du
recteur de la Grande Mosquée de Paris offrent un éclairage crucial sur le défi
que représente la reconstruction d’un dialogue sincère et fructueux entre les
deux pays.