Nom d'utilisateur:
Mot de passe:

Se souvenir de moi

S'inscrire
Recherche:

Roman Rachid Boudjedra- "La Répudiation"

Date de création: 20-09-2025 19:38
Dernière mise à jour: 20-09-2025 19:38
Lu: 29 fois


 

SOCIETE- BIBLIOTHÈQUE D’ALMANACH- ROMAN RACHID BOUDJEDRA- « LA RÉPUDIATION »

La répudiation. Roman de Rachid Boudjedra. Editions Anep, Alger, 2002 (Première édition, 1969), 252 pages, 400 dinars

On dira et écrira ce que vous voudrez sur la littérature algérienne d’expression francophone, mais l’œuvre de Rachid Boudjedra (avec celle de Kateb Yacine) reste (ra) la plus représentative d’une qualité et d’une profondeur perturbatrices (ou contestatrices) des ordres socio-politiques imposés.

« La Répudiation » de Rachid Boudjedra, comme « Nedjma »  de Kateb Yacine, en décortiquant directement les organisations sociales (et politiques) d’une certaine époque (coloniale ou  juste aoprès l’Indépendance du pays), a montré et démonté  certaines façons d’être et de vivre en société ......façons ne favorisant pas , alors les désirs de libération politique et autres.Mohammed Dib l’avait certes fait mais dans un style peut-être moins torturé.

 On a donc un jeune Algérien qui raconte à son amante étrangère les péripéties hallucinées de son histoire parquée par la répudiation de sa mère. Ce roman met à nu la société traditionnelle où la sexualité débridée, la superstition et l'hypocrisie .

 Rachid, le narrateur, raconte sa propre enfance saccagée par la répudiation de sa mère et la haine de son père qui s'ensuit. Lui, son frère et ses sœurs sont ainsi exposés à la plus grande violence dès l'enfance, ce qui se traduira par l'échec familial, la mort et la folie dans laquelle Rachid s'enferme en signe de défense. C'est ainsi que l'œuvre traverse les problèmes de la société algérienne et particulièrement celui des femmes vouées au plaisir de leurs maris puisqu'ils les possèdent, mais aussi de l'hypocrisie religieuse face à la décadence sexuelle. Ce roman du drame familial dénonce l'abus de pouvoir des hommes et la soumission des femmes dans un état léthargique total.

Le narrateur retrace aussi le récit de sa vie à son amante française (une enseignante coopérante comme il en avait tant juste après l'indépendance ) alors qu'il se trouve à l'hôpital, semblerait-il, ou en prison. Ses hallucinations rendent son récit flou, il ne sait plus lui-même où il est et confond le réel. La répudiation de la mère, Ma, est l'élément central et marque le début de la rupture avec le père, Si Zoubir. Les enfants vont le haïr et comploter contre lui et sa nouvelle femme légitime, Zoubida qui a alors 15 ans. Zahir, le frère de Rachid tente même de les assassiner mais n'y parvient pas tandis que Rachid se prend de passion pour cette jeune mariée, elle aussi, comme le fera Leïla, sa demi-sœur juive mais aussi ses cousines dont il abuse. L'inceste, le viol, l'alcool et le sexe sont donc omniprésents. Les hommes ont en effet de nombreuses maîtresses, souvent françaises, et vont régulièrement dans des maisons closes. Les fêtes données lors de mariage sont l'occasion de déboires sexuels tant chez les adultes que chez les enfants excepté les femmes qui obéissent, se taisent et font tout pour garder leur mari.

A noter que le récit qui va de l’enfance durant la période coloniale jusqu’aux années 60, premières années de l’Indépendance du pays va amener le narrateur à décrire l’ambiance politique des deux époques.Très instructif comme analyse psycho-sociologique  assez engagée pour ne pas dire militante du pouvoir.Il était une fois !

.L’Auteur :. Né en septembre 1941 à Ain Beida (Aurès). Etudes en mathématiques et en philosophie.1959, il rejoint le Fln. 1962 : Licences....Enseignant au lycée de Blida et à l’ Université, militant politique (Pca puis Pags)  romancier, journaliste-chroniqueur, poète, dramaturge,scénariste  d’une douzaine  de films dont « Chroniques des années de braise »,  « personnage contrasté et extrêmement sensible, suscitant la polémique » (A. Cheurfi) .....une œuvre considérable (en français et en arabe) , traduite dans le monde entier. Premier ouvrage publié en 1969 : « La Répudiation » (écrit en réalité en 1965).....durant « l’ère du soupçon à l’égard du langage poétique, du récit complexe ......Il régnait une sorte d’islamisme frotté, paradoxalement , de jansénisme..... J’étais mis au ban des traîtres qui ont « répudié ! » leur pays »...

Extraits : « Le carême n’était qu’un prétexte pour bien manger durant une longue période, car on se rattrapait la nuit sur l’abstinence somme toute factice du jour. Ripailles....Le banquet s’organisait chaque jour selon un rite strict et précis » (p19), « L’ennui des femmes déteignait sur moi et je n’avais plus envie d’aller me promener dans les rues de la ville, coupée stupidement en trois : la ville arabe,la ville juive et la ville européenne.Système clos et le racisme, latent ou déclaré ! » (p43), « Les Algérois ne font l’aumône qu’une fois par semaine : le vendredi ; entre temps, personne ne se préoccupe des mendiants qui blasphèment  tous les autres jours et provoquent les chefs religieux insensibles à leur détresse (p 127), « Les étrangers (note : les coopérants techniques)  finissaient par s ’enrichir et mépriser cette population (note : algérienne) d’autant

plus inaccessible qu’elle possédait une langue rocailleuse à la syntaxe infiniment rigide et complexe ;ils changeaient alors de quartier et se mettaient à vivre entre eux, à l’exception de quelques femelles qui s’entêtaient à aimer l’odeur forte des hommes du pays.... » (p 174).

Avis :Difficile à lire et être très large d’esprit car parsemée de mots crus ( ! ?), souvent bizarres.Une  écriture flamboyante mais torturée,a dans une langue française admirablement maîtrisée.....Un délice pour tous ceux qui aiment la gymnastique des phrases et des mots...avec des faits introuvés ailleurs ou classés dans les « non-dits » d’aujourd’hui.Ajoutez-y la critique politique et vous comprendrez  pourquoi tout ceci avait valu,  en 1969,  à l’auteur bien des déboires avec le pouvoir alors en place (Le « Clan -et ses « Membres secrets »-   qui se reposait, à l’heure qu’il est, de sa guerre et jouissait d’une allégresse étonnante »  , ....)..

Citations : « Le vin est un grain de beauté sur la joue de l’intelligence » a dit le poète Omar, inconnu de toute la ville et interné dans un asile d’aliénés » ( p 83) , « Les rapports qui régissent notre société sont féodaux ; les femmes n’ont qu’un seul droit : posséder et entretenir un organe sexuel » (p 93), « Le milieu, c’est le pouvoir » (p 96), « Le saccage était en nous, dès notre enfance éreintée par cette course du père phallique mi-réel, mi-apparent, perdu dans ses sortilèges, accaparé par ses nombreuses femmes et dont nous poursuivions  l’ombre désinvolte et sûre d’elle-même... » (p193), « Tout le pays demeurant arcbouté à cette seule dignité que personne n’osait remettre en question : parquer les femmes et les élever comme des vers à soie, puis les laisser mourir dans le suaire blanc dont on les enveloppait dès la fin de l’ enfance » (p247), « Je me réveillais dans un monde où je ne savais pas quelle place occupait ma tête dans mon corps (p249)