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Site Afrique romaine/Ala Miliaria (Mascara)

Date de création: 12-08-2025 17:52
Dernière mise à jour: 12-08-2025 17:52
Lu: 14 fois


HISTOIRE- REGION- SITE AFRIQUE ROMAINE

/ALA MILIARIA (MASCARA)

 © Souag Abdelouahab/El Watan, lundi 11/08/2025 .Extraits

 

À 37 km au sud-sud-est de Mascara, dans la localité de Béniane, au cœur des Monts de Saïda, les ruines d’Ala Miliaria, ancien poste avancé de l’armée romaine, racontent l’histoire d’un lieu à la fois stratégique, spirituel et disputé.

Établi entre 198 et 203 après Jésus-Christ, sous le règne de Septime Sévère, empereur d’origine nord-africaine né à Leptis Magna (Libye actuelle), le site militaire d’Ala Miliaria faisait partie du plan de réorganisation des provinces africaines. Il fut l’un des piliers du dispositif impérial dans la Maurétanie césarienne, province qui couvrait une large partie du nord de l’Algérie.
Ce camp accueillait l’Ala Miliaria, une unité auxiliaire montée, forte d’environ 1000 cavaliers. Ces troupes mobiles, spécialisées dans la surveillance des confins Sud, avaient pour mission de contenir les incursions nomades et d’assurer la sécurité des axes de communication entre l’arrière-pays et la côte.
«Ce type d’unité permettait d’intervenir rapidement sur de vastes zones frontalières en cas d’agitation tribale», observe l’historien Stéphane Gsell dans le tome VII de L’Histoire ancienne de l’Afrique du Nord, son œuvre monumentale sur la romanisation du Maghreb.
L’installation d’Ala Miliaria s’inscrivait dans le cadre plus large de la Nova Praetentura, une ligne défensive instaurée précisément sous Septime Sévère, entre 198 et 203. Ce système reliait des garnisons de l’ouest algérien, de Tiaret à Tlemcen, et combinait des fortins, des routes militaires et des postes d’observation pour mieux contrôler les marges du désert.
Mais Ala Miliaria ne fut pas seulement un point d’appui militaire. Aux Ve et VIe siècles, après la christianisation de l’Afrique romaine, le site prit une importance religieuse inattendue en devenant un évêché donatiste. Le Donatisme, mouvement chrétien né en Afrique du Nord au IVe siècle, prônait une stricte pureté morale du clergé et refusait toute compromission avec le pouvoir impérial. Il s’opposait radicalement à l’Église catholique, allant jusqu’à constituer sa propre hiérarchie épiscopale dans plusieurs cités africaines.
Ala Miliaria est mentionnée comme siège d’un évêché donatiste dans un document capital, la Notice des provinces et des cités d’Afrique, rédigée en 484 ap. J.-C. sur ordre du roi vandale Hunéric. Ce texte recense les évêchés présents lors de la conférence de Carthage réunissant catholiques et donatistes. «L’épiscopat donatiste à Ala Miliaria n’est pas une hypothèse, il est attesté nommément en 484, ce qui confirme le rayonnement religieux du site à cette époque», note l’historien Claude Lepelley dans Les cités de l’Afrique romaine au Bas-Empire, une œuvre de référence sur l’organisation des villes africaines à la fin de l’Antiquité.
En 1899, des fouilles sont menées à Béniane par M. Rouziès, instituteur et érudit passionné d’antiquités, qui signale l’importance du site, sous la direction de Stéphane Gsell (1864–1932), figure majeure de l’archéologie en Afrique du Nord et auteur de la monumentale Histoire ancienne de l’Afrique du Nord. Chargé à l’époque des missions de prospection pour l’administration coloniale, Gsell supervise les premières recherches sur place. Ces travaux permettent de mettre au jour une basilique chrétienne à trois nefs, construite directement sur les ruines du principia, le centre administratif du camp romain. Ce réemploi architectural, une église bâtie sur le cœur militaire, symbolise le basculement d’un pouvoir impérial vers une autorité religieuse.
A l’intérieur de l’église, des caveaux funéraires renfermaient les restes de plusieurs clercs donatistes. L’une des découvertes les plus marquantes fut l’épitaphe de Robba, identifiée comme la sœur de l’évêque Honoratus, chef de l’Eglise donatiste à Aquae Sirenses, un autre centre religieux situé à Bouhanifia, également marquée par la présence donatiste. Ce lien familial entre deux figures religieuses issues de communautés distinctes, mais proches géographiquement, témoigne de la densité et de l’organisation du réseau donatiste dans l’ouest de la Maurétanie Césarienne. 
«Elle est la seule femme martyre donatiste connue par l’épigraphie. Son tombeau est une source précieuse sur les violences religieuses entre catholiques et donatistes au Ve siècle», lit-on dans The Donatist Schism : Controversy and Contexts, un ouvrage collectif dirigé par l’historien britannique Richard Miles et publié en 2016 par Liverpool University Press(......................)

Aujourd’hui, les ruines d’Ala Miliaria, visibles dans la localité de Béniane, à Mascara, conservent les traces de cette stratification historique. On y distingue les fondations du camp, les fragments de la basilique et des stèles. Un vexillum, étendard militaire romain, découvert sur le site, rappelle la vocation originelle du lieu.
Ala Miliaria s’inscrit dans le dispositif défensif mis en place au tournant du IIIe siècle, dans le cadre de la Nova Praetentura, qui redéfinissait les lignes de protection de la Maurétanie Césarienne. Son rôle militaire initial, au sein du maillage de garnisons établies entre Tiaret et Tlemcen, reflète les priorités stratégiques de l’époque sévérienne. La présence ultérieure d’un évêché donatiste illustre, quant à elle, l’évolution religieuse du site à la fin de l’Antiquité.
A la Miliaria n’est pas un simple champ de ruines. C’est un palimpseste historique où se superposent les fonctions de garnison militaire, évêché dissident, sanctuaire martyr et point de tension religieuse. Son évolution reflète à elle seule les bouleversements de l’Afrique romaine tardive, entre impérialisme, hérésie et spiritualité populaire.  Ce site oublié, niché dans les hauteurs de Béniane, mérite une réintégration dans le récit du patrimoine antique nord-africain. Son exploration révèle davantage que de simples pierres ; elle fait entendre les voix des cavaliers, des prêtres, des dissidents et celle, poignante, de Robba, femme de foi, dont l’épitaphe gravée dans la pierre défie encore le silence des siècles