HISTOIRE- BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-
RÉCIT ZOHRA DRIF- « MÉMOIRES D’UNE COMBATTANTE
DE L’ALN.ZONE AUTONOME D’ALGER »
Mémoires d’une combattante de l’Aln. Zone autonome d’Alger . Livre d’Histoire de Zohra Drif .Chihab Editions , Alger 2013. 607 pages, 1 450 dinars
(Fiche déjà présentée le 7 décembre 2013)
Elle ne voulait rien dire, rien écrire sur
son engagement dans la guerre de libération armée et ses actions au sein de la
fameuse Zaa. Durant de longues années, sans doute
déçue par les « jeux » politiciens post-indépendance , certainement pour oublier le cauchemar vécu
alors en pleine jeunesse, et les épreuves traversées , et pour ne plus penser
qu’intimement à ses ami(e)s perdus à
jamais, elle avait préféré se retirer de la vie politique en se consacrant à sa
famille et à la défense, en tant qu’avocate, des citoyens . Puis , petit à
petit, elle « revient à la vie », confortée en cela par l’émergence
ou l’existence d’autres « femmes de
liberté », et par une conjoncture
politique nouvelle, correspondant parfaitement à son caractère et à son expérience ;
la libération du paysage politique après Octobre 88 et le retour de la liberté
d’expression longtemps écrasée.
Mais , il lui fallait bien plus pour « passer à confesse »
et écrire ses mémoires…… qui , pour un résistant de guerre (par pour les tortionnaires), sont, toujours, un accouchement douloureux. Un évènement ! Un jour, il n’y pas très longtemps, au
cours d’un débat public à Marseille, 50 ans après la fin de l’occupation du
pays par la puissance étrangère qu’était
la France, elle découvre « abasourdie » (un terme qui étonne !
mais il est vrai qu’elle avait rarement , sinon jamais, assisté à de telles rencontres
outre-mer) « que la guerre dont nous étions censés célébrer le cinquantenaire de la fin n’avait
jamais cessé de l’autre côté de la Méditerranée ». Le déclic. Ajoutez-y
des amis qui vous encouragent du début à la fin.
Ça, c’est l’avant-propos !
La suite : Mon Dieu ! Quelles histoires . Quelle Histoire. Pour les moins de la soixantaine , la
Révolution avec sa lutte armée urbaine telle qu’ils ne l’ont jamais
imaginée. Des récits de vie décrits avec minutie. Des héros (on les connaît ,
car jusqu’ici, ils ont eu la part belle dans l’histoire de la Révolution :
Yacef , Ali la Pointe, Larbi Ben M’hidi, Fettal, Petit Omar, Taleb
Abderrahmane, Oussedik Boualem, Habib Reda, Ramel, Debbih Chérif, Louni Arezki,
Rachid Kouache, Abdelghani Marsali………)
, mais aussi et surtout des héroïnes. Jeunes, très jeunes même, instruites (ou non,l‘essentiel étant l’éducation et la culture) , issues
de milieux aisés (presque petite bourgeoise), résolument engagées , courageuses
jusqu’à l’inconscience : Hassiba Ben Bouali, Djamila Bouhired,Djamila
Bouazza, Samia Lakhdari
(celle-ci, un véritable « exemple » d’engagement et de courage, ….avec sa
maman qu’il faut imaginer , assise à la Cafet’, en
tailleur de « gaouriate », elle, l’épouse
d’un notable quelque peu conservateur, attendant sa fille qui doit déposer la
bombe. Un film, à
elles deux !) , Danièle Mine, Drif Zohra, Gueddroudj Jacqueline, Peschard
Raymonde, …….et toutes les autres, toujours là, toujours prêtes : la maman
de Samia Lakhdari, Khalti
Zohra, Belhaffaf Lalla, Khalti
Baya, Khalti Zaghla, Drif Leila, Khalti Fettouma, Bouhamidi,….les femmes
artistes comme Fadhila Dziria, Farida, Fatiha Hattali….
Des
actions. Des portraits. Des situations. On apprend plus qu’il n’en faut sur
l’état de la société de l’époque et l’état de ses combattants, hommes et femmes . On comprend
mieux les ressorts des engagements révolutionnaires……, des peurs, des
« faiblesses » , des lâchetés, et, hélas, des traîtrises.
Avis : Un
véritable ouvrage de
psycho-sociologie politique , mais aussi d’histoire ……véritable
« concurrent » des livres et
du film sur « La Bataille
d’Alger »
A noter l’humilité de notre auteure qui , en présentant les autres, se place toujours en retrait
Dommage, qu’il y ait beaucoup de digressions . ..qui auraient
pu faire l’objet d’un ouvrage à part. Encore qu’il fallait
les faire afin de « mettre les points sur les i »
Madame, merci ! Car, si vous avez
permis à beaucoup d’entre-nous de nous remémorer certaines atmosphères
(heureuses ou dramatiques et tragiques)
du passé, votre « confession » sera le livre de chevet de nos
enfants et de nos petits-enfants, etc ….
Extraits : « L’Histoire ne leur (les jeunes d’aujourd’hui ) est enseignée ou présentée que sous une
forme abstraite, dogmatique, stéréotypée, bref rebutante. Je voudrais leur
raconter, non pas l’Histoire, mais des histoires vécues, dans l’espoir de
donner à rêver et à réfléchir…. » (p 14), « (A propos de Camus). Pour lui, des réformes du
système suffisent alors que pour nous, la solution réside dans la mort de ce
système dont il fait partie » (p 114)