SANTÉ- PERSONNALITÉS- FRANTZ
FANON
Médecin, psychiatre, écrivain
et militant, Frantz Fanon a consacré les dernières années de sa vie à la cause
algérienne, mêlant pensée et action dans un engagement total contre le
colonialisme. Frantz Fanon naît le 20 juillet 1925 à Fort-de France, en
Martinique, alors colonie française. Dès l’adolescence, il développe une
conscience politique aiguë, influencée par le contexte raciste et colonial dans
lequel il grandit. En 1943, à l’âge de 18 ans, il rejoint les Forces françaises
libres pour combattre le nazisme. Il participe à la libération de la France,
est grièvement blessé et décoré pour bravoure. Cette expérience militaire
renforce son refus de toute forme d’oppression et de hiérarchisation raciale.
Après la guerre, il entame des études de médecine à Lyon et se spécialise en
psychiatrie. En 1953, il accepte un poste à l’hôpital psychiatrique de
Blida-Joinville, en Algérie. Très vite, Fanon s’indigne des traitements
infligés aux patients algériens et comprend que les troubles mentaux qu’il
observe sont intimement liés à la domination coloniale. Il engage alors une
réforme radicale des pratiques psychiatriques, intégrant des approches de
groupe, des activités collectives et des méthodes respectueuses de la culture
algérienne. Le déclenchement de la Révolution algérienne en novembre 1954
marque un tournant décisif. Fanon ne reste pas spectateur : il s’engage pleinement
aux côtés des indépendantistes. En 1956, il adresse une lettre de démission
fracassante au ministre français de la Santé, dans laquelle il dénonce l’impossibilité
morale de continuer à exercer sous un régime colonial fondé sur la violence et
l’humiliation. Ce départ symbolise sa rupture définitive avec le pouvoir
colonial. Fanon rejoint alors clandestinement le Front de libération nationale
(FLN), où il met ses compétences intellectuelles, médicales et diplomatiques au
service de la cause algérienne. Il devient une pièce maîtresse de la lutte sur
le plan idéologique. Dans les maquis, dans les camps de réfugiés, à l’étranger,
il soigne, il écrit, il parle, il mobilise. Parmi ses multiples engagements,
Frantz Fanon devient un contributeur actif du journal El Moudjahid, organe
officiel du FLN, alors imprimé dans la clandestinité et distribué dans les
zones de combat comme à l’étranger. Le journal joue un rôle crucial dans la
structuration politique de la lutte, et Fanon y apporte sa voix singulière, précise,
tranchante. À travers ses articles, il dénonce la barbarie coloniale, analyse
les mécanismes de l’aliénation psychologique des colonisés, et appelle à l’éveil
des consciences. Son style allie rigueur intellectuelle et radicalité
politique. Pour lui, écrire n’est pas un acte détaché, mais une arme de combat.
Dans El Moudjahid, il popularise l’idée selon laquelle la libération politique
ne peut se faire sans une libération psychologique profonde, idée qui deviendra
centrale dans son œuvre. En 1960, le Gouvernement provisoire de la République
algérienne (GPRA) l’envoie comme représentant au Ghana. Là-bas, Fanon déploie
une intense activité diplomatique pour sensibiliser les pays africains à la
cause algérienne et encourager une solidarité panafricaine contre le
colonialisme. Il multiplie les rencontres, les conférences, les missions
clandestines, parfois jusqu’aux frontières du Congo et du Sahara. Malgré la maladie,
une leucémie diagnostiquée en 1961, il poursuit son engagement avec une énergie
remarquable. À la fin de sa vie, il rédige son ouvrage majeur, «Les Damnés de la Terre», préfacé par JeanPaul
Sartre, qui demeure à ce jour l’un des textes les plus percutants sur la
décolonisation, la violence révolutionnaire et la dignité humaine. Il meurt le
6 décembre 1961, à l’âge de 36 ans, peu avant l’indépendance de l’Algérie, à
laquelle il aura consacré les dernières années de sa vie. Il est inhumé en
terre algérienne, à Aïn Kerma (wilaya d’El Tarf),
selon sa volonté. Un siècle après sa naissance, Frantz Fanon reste une figure
incontournable pour les peuples en lutte. Son œuvre, traduite dans le monde
entier, continue d’inspirer chercheurs, étudiants, militants et penseurs. Son
nom est associé à la dignité retrouvée des opprimés, à la vérité dite sans
compromis et à l’idée que la liberté est un droit qui se conquiert.