DEFENSE-ENQUÊTES
ET REPORTAGES- GROUPE WAGNER. AFRICA CORPS.MALI. 2025
Wagner se retire
du Mali : qu'est-ce que l'Africa Corps, le groupe
paramilitaire qui prend son relais ?
Géopolitique. Au Mali, les hommes
de la milice russe laissent la main à l’Africa Corps,
une force paramilitaire directement pilotée par Moscou.
https://www.lexpress.fr/ Audrey Parmentier, 07/06/2025
Un changement de nom, mais pas d’objectif. Après trois ans de présence au
Mali, les mercenaires russes du groupe Wagner plient
bagage. Il passe le relais à Africa Corps, un autre groupe
paramilitaire tenu plus fermement par le Kremlin. "Officiellement, Wagner
arrête sa présence au Mali. Mais Africa Corps prend
le relai", a indiqué une source diplomatique au Sahel à l'AFP dimanche.
"Mission accomplie. La PMC Wagner rentre à la maison", disait
vendredi un message publié sur une chaîne Telegram
affiliée au groupe.
p
La faction "Africa
Corps" qui lui succède, dont un premier contingent d’environ 200
paramilitaires d’avait été dépêché à Bamako en décembre 2024, compte
aujourd’hui plus de 1 500 hommes, d’après des sources sécuritaires
occidentales. Sa mission ? Prolonger l’influence russe au Sahel, tout en
reprenant le contrôle direct sur les opérations, après la mort d’Evgueni Prigojine,
fondateur de Wagner, en août 2023, et sa rébellion avortée contre le Kremlin.
Pour rappel, le Mali,
pays pauvre d’Afrique de l’Ouest dirigé par une junte,
est en proie aux agissements de groupes jihadistes. Les militaires au pouvoir
se sont éloignés des anciens alliés occidentaux pour se tourner militairement
et politiquement vers la Russie. À la différence de Wagner, qui jouissait d'une
relative autonomie, avec une gestion plus opaque, Africa
Corps est une structure étroitement supervisée par Moscou, dont l'organisation
est plus rigide et centralisée. C’est le ministre russe de la défense qui
pilote désormais les opérations.
À noter que plusieurs ex-chefs emblématiques de Wagner
ont été recyclés dans ce nouveau dispositif : Andreï Ivanov, Ruslan Zaprudsky ou encore
Alexander Kuznetsov, connus pour leur rôle dans les
précédents théâtres d’opérations en Ukraine, en Syrie ou en Libye. Selon des
échanges sur des canaux Telegram fréquentés par des
mercenaires russes, 70 à 80 % des hommes d’Africa
Corps seraient d’anciens de Wagner, rejoints par de nouvelles recrues plus
jeunes, venues combler les pertes et renforcer les effectifs. En parallèle, la
Russie a livré au Mali, en janvier 2025, plus d’une centaine de véhicules
militaires, dont des chars et des blindés, pour renforcer son dispositif
militaire, selon nos confrères du Monde.
"Aucun changement"
Si Wagner avait su tisser des liens directs avec
certains militaires maliens et offrait des services jugés "souples et
efficaces", Africa Corps inspire un scepticisme
certain. Plusieurs officiers bamakois déplorent un dispositif plus rigide, au
fonctionnement plus bureaucratique. Les probables avantages financiers
informels qui circulaient sous Wagner pourraient aussi se tarir, avance
prudemment le Monde.
Pourtant le message officiel reste inchangé. Sur sa chaîne Telegram,
vendredi 6 juin, Africa Corps affirme que le départ
de Wagner ne modifiera en rien la présence russe. Ses administrateurs
l’affirment : lcela "n’entraînera aucun
changement", ajoutant que "la Russie ne perd pas de terrain, mais continue,
au contraire, à soutenir Bamako à un niveau plus fondamental".
De son côté, Wagner se félicite de son bilan au Mali,
estimant avoir rempli "sa tâche principale", alors que de larges pans
du territoire restent pourtant sous contrôle des groupes djihadistes. Certes la
milice se vante d’avoir aidé à reprendre la ville stratégique de Kidal au
nord du pays, tombée entre les mains des groupes rebelles, mais l’insécurité
règne toujours. Au début du mois de juin, le Mali a connu une recrudescence
d’attaques attribuées aux jihadistes. D’après France 24,
plusieurs régions du pays ont instauré ou étendu des couvre-feux. Dimanche 1er
juin, c’était au moins 30 soldats qui avaient été tués dans le camp de Boulkessi, dans le centre du pays, dans une attaque revendiquée
par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim,
de son acronyme en arabe).
Plus grave encore : Wagner a été accusé à plusieurs
reprises d’exactions contre les civils. Des ONG internationales ont documenté
des massacres, des arrestations arbitraires et des actes de torture lors
d’opérations menées aux côtés des forces maliennes. Rien n’indique pour
l’instant que la nouvelle mouture militaire opérera différemment. Loin de se
désengager, le Kremlin profite de ce reformatage pour ancrer sa présence en
Afrique dans un cadre plus étatique et durable. Après le Mali, d’autres pays
comme le Centrafrique ou le Burkina Faso pourraient voir Africa
Corps remplacer progressivement les anciens réseaux de Wagner. A Bamako, la
bannière a changé. Mais sur le terrain, l’empreinte russe demeure.