POPULATION-
BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH-ROMAN ALMIRA GHENIM- « LE DÉSASTRE DE LA MAISON
DES NOTABLES »
Le
désastre de la maison des notables. Roman de Amira Ghenim. Editions Barzakh,
Alger2024. 491 pages, 1 500 dinars
Tunisie , 1935.Un pays en pleine ébullition politique. Deux grandes familles
bourgeoises (bourgeoisie moyenne). L’une, celle des Naifer, rigide et
conservatrice, l’autre , celle des Rassa, libérale et
progressiste.
Une nouvelle jeune épouse de Mohsen Naifer, , Zbeida Rassa , est soupçonnée d’entretenir une
« liaison » (ou simple grande admiratrice) sur
« dénonciation » d’un beau-frère jaloux, avec Tahar Haddad, un
intellectuel d’origine modeste connu pour son militantisme syndical et ses
positions avant-gardistes, notamment en faveur des droits des femmes.
Secrets et souvenirs de familles vont alors se dérouler ,
les membres des deux familles r evenant lors des décennies
suivantes sur les répercussions de cette « liaison ».
En fait, c’est soixante années d’histoire socio-politique de la Tunisie ( sous protectorat français, occupée par les
Allemands, libérée du colonialisme, dirigée par Bourguiba à partir de 1957, à
l’avènement de la République tunisienne, « révolution » de 2011..)
qui sont décortiquées à travers l’histoire de nos deux familles, si proches
mais si éloignées. A travers des combats en faveur des droits des femmes. C’est
aussi un hommage rendu à une figure
exceptionnelle (1899-1935) , Tahar Haddad, qui a lutté activement en
faveur des droits syndicaux des travailleurs, de l’émancipation de la femme
tunisienne et de l’abolition de la polygamie dans le monde arabo-musulman. Mis
au ban de la société , Tahar Haddad , véritable
réformateur social et restaurateur religieux, ancien étudiant d’Ez-Zitouna , qui avait alors vendu une propriété familiale
pour publier son ouvrage-clé, devenu « l’ennemi » de la nation encore
très largement conservatrice et rétrograde , accusé d’hérésie par les
cheikhs d’Ez-Zitouna, « qui ont lâché leurs
chiens enragés sur lui » , meurt de maladie, dans la misère , en 1935.
L’Auteure : Née en 1978 à Sousse (Tunisie).Agrégée
d’arabe, Docteure en linguistique , enseignante universitaire. Auteur de
plusieurs essais et romans. Ce roman (finaliste de l’Arab Booker Prize et prix Comar d’Or en
Tunisie, en 2021) est son deuxième, mais le premier à être traduit (par Souad Labbize) en français
Table : Note de la traductrice/ Prologue/ XI chapitres
Photographie de couverture : Porte, Médina de Tunis
Extraits : « L’époque de ton aïeul ne tolérait
pas qu’une femme sorte à visage découvert, c’était impudique, alors que, dans
les campagnes, les femmes sortaient déjà tête nue. C’est Bourguiba qui a
apporté l’indépendance et l’égalité dans le dévoilement entre Bédouines et
citadines » (p 29), « Faisons taire les
réactionnaires, qu’ils ne nous perturbent pas avec leurs voix haineuses criant
à travers ces linceuls élimés dont nous voulons sortir vivants parmi les
vivants, alors qu’eux entendent les conserver et se promener comme des morts parmi
les vivants ! » (p122), « La seule arme
en notre possession pour lutter en faveur des femmes, c’est précisement
la religion.En restant attachés à l’interprétation
générée par nos coutumes et notre tendance à la discrimination, nous avons
jusqu’à présent falsifié sa véritable essence, son sens profond, et nous nous
en sommes moqués dans nos vies comme dans nos actes » (p128),
« Est-ce que la poésie peut être prêtée ? C’est une excellente idée
du point de vue économique.....Cela résoudrait la
crise bancaire mondiale. Le client demanderait un prêt de cinquante mille
francs et la banque lui remettrait cinq poèmes dont
il pourrait disposer à sa guise » (pp 428-429)
Avis : « Un roman polyphonique (note : écriture à plusieurs voix) palpitant et plein
d’humour ? ». C’est bien vrai.Faut-il
seulement dire que la lecture est assez difficile....pour le lecteur
francophone peu habitué à une telle accumulation de récits croisés et de
détails, certains bien inutiles, alourdissant ainsi l’ouvrage. De l’histoire à
travers du vécu de familles petites bourgeoises , avec
ses côtés flamboyants et/ou sordides
Citations : « La bonne qui cherche le réconfort dans le
marbre de la maison du maître ressemble à une vache qui attend la douceur d’un
couteau aiguisé » (p 34), « La queue du chien restera toujours
tordue, même longtemps ajustée dans un moule » (p67), « L’important
est de ne pas laisser s’éteindre la flamme de la résistance.Tout ajout dans le poêle nourrit la
braise » (p 161), « Le sentiment
amoureux ressemble à l’eau :il n’a pas de couleur et coule de
manière implacable.Il trace son propre cours où bon
lui semble.Toutefois, il a souvent un goût et une odeur.Il sent le vent de la tromperie, qui se lève sans
prévenir quand on s’y attend le moins » (p204), « L’âme tend naturellement
vers qui la caresse » (p 221), « Ce qui est prévu par le destin doit
arriver et ce qui est inscrit sur le front sera lu par les yeux » (p 233),
« Le regret a une odeur qui trahit, quoi que l’on fasse par orgueil pour
taire un secret » (p321),