SOCIETE- BIBLIOTHEQUE
D’ALMANACH- ROMAN MERYEM BELKAID- « ÉCRIS ET JE
VIENDRAI »
Écris et je viendrai. Roman de Meryem
Belkaïd. Casbah Editions, Alger 2024, 175 pages,
1 000 dinars.
Une histoire toute
simple, presque banale. C’est l’histoire d’un amour entre deux jeunes gens des
années 90 qui, fréquentant le même lycée algérois, sont profondément amoureux
l’une de l’autre - coup de foudre ou coup de
cœur, comme il vous plaira - mais n’osent exprimer leurs sentiments. Une
bonne éducation, une société bardée de pesanteurs conservatrices,et une vie petite-bourgeoise ne
souhaitant pas trop bouleverser son quotidien, ce n’est pas rien .De plus , on
se retrouve dans la lourde ambiance du terrorisme islamiste qui s’était mis à
assassiner tout ce qui pensait, tous ceux qui résistaient.
Donc Ali , fils de psy’ (qui
sera assassiné dans la cage de son immeuble) et Leïla (fille unique
d’enseignants et orpheline de mère ) s’aiment, sans le dire, mais se
retrouvent séparés , étudiants , l’un en France et l’autre ,
après le lycée Molière à Paris et la Sorbonne, ira s’installer aux États-Unis.
Mais, ses recherches en Histoire la ramènent vers le pays natal, aux Etats-Unis......chacun vivant ,
bien sûr, de son côté et à sa manière. Librement....mais toujours
attachés au pays, à la famille, à leurs sentiments premiers. Ils
restent prisonniers de leur mutisme, de
l’incompréhension et bien que l’exil ne soit pas et ne sera pas leur
tombeau, on aura un grand amour inachevé. Les circonstances finiront par
séparer les 2 jeunes qui resteront fidèles l’un à l’autre, au-delà du silence
et des mots.
Ils se retrouveront un
jour, laissant leurs sentiments et leur corps exulter....mais
l’appel de la liberté les laisse .....séparés. Sacrés Algériens !À l'image d’une décennie qui a brisé bien des élans
de toute une jeunesse, alors si prometteuse. Pour emprunter à un confrère,
c’est là toute l’histoire d’ « une adolescence
qui s’arrête, un amour naissant qui peine à trouver ses mots et un pays qui se
fige. Et aussi, et surtout, la difficulté pour les femmes et les hommes de se
relever d’un traumatisme aussi bien national que familial et individuel pour se
reconstituer et avancer. Un traumatisme monumental soldé dans un silence
amnésique, sans leçon tirée pour la collectivité, sans leçon pour l’avenir,
avec la peur paralysante d’y retomber ».
L’Auteure :Née en Algérie en 1977 et y a grandi. Vit et enseigne les études
francophones aux Etats-Unis (Université Bowdoin
Collège) depuis 2013. Premier roman.Photo
de couverture : Nasser Medjkane.
Extraits : « Il faisait trop français.Un privilégié, coupé des
réalités du pays, probablement incapable d’interagir avec les gens et de la
protéger si nécessaire » (p15), « Leïla avait été très surprise
lorsqu’elle avait , quelques années plus tard, découvert qu’il était végétarien.Ce n’était pas un truc d’Algérien ça , de ne pas
manger de viande.Encore moins un truc d’homme »
(p 41), « Il ne pensait
pas
qu’il était possible de s’oublier totalement en faisant l’amour.De
se donner complètement » ( p 159), « Les New Yorkais ne leur
demandaient pas systématiquement d’où ils viennent.Certains
n’avaient que faire de leurs origines, dans cette ville aux mille visages et
aux mille accents » (p 162).
Avis : Un roman plutôt rose.....avec des taches rouges liées à la décennie noire.En fait, une sorte de récit, mélange de confessions
intimes et de description d’une réalité traumatisante .Beaucoup trop de morts
et de fantômes, ce qui en fait un roman quelque peu tristounet. Pour
emprunter à un confrère, tout le livre est empreint de cette douce mélancolie
qu’on retrouve chez Malek Haddad dont un vers est placé en exergue. Lecteurs
quinquagénaires ou un peu plus , ne ratez pas ce
livre.....pour vous re-souvenir de l’atmosphère de l’époque...et pour enfin
guérir ....et pour les « un peu moins », pour savoir.
Citations : « C’est étrange les désirs d’un adolescent.Ça surgit à des moments
inattendus » (p 26), « Il savait écouter et parler aux autres, le psychiatre.Le guérisseur des âmes tourmentées et des
esprits fêlés » (p 50) , « Le mépris est difficile à quantifier
pour une historienne » (p 148)