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Roman Samir Touati- "Amin. Une fiction algérienne"

Date de création: 30-05-2025 18:54
Dernière mise à jour: 30-05-2025 18:54
Lu: 12 fois


VIE POLITIQUE – BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN SAMIR TOUATI- « AMIN. UNE FICTION ALGÉRIENNE »

 

Amin.Une fiction algérienne. Roman de Samir Toumi. Editions Barzakh, Alger 2024, 247 pages, 1 000 dinars.

 

Un écrivain à succès, ça n’attire pas forcément les amitiés désintéressées et c’est ce qui est arrivé à Djamel B, dans une société totalement soumise (sic !) aux pouvoirs d’un groupe d’oligarques mafieux,

Ecrivain à  succès ? C’est du moins ce que pensent de lui ceux qui font tout ,pour exploiter à leur avantage, ses « qualités ».

Pour sa part, sa réussite est simplement le résultat d’un  concours de circonstances favorables à l’émergence , dans une société locale  habituellement peu disposée à l’endroit du livre en particulier et de l’écrit en général, et ,dans une société étrangère, à l’affût ,d’outils de pénétration.

 

Donc, en panne d’inspiration , notre homme est contacté par Amine, un bonhomme énigmatique, sorte d’intermédiaire en tout et rien, « samsar »  vivant entre les eaux claires et/ou polluées de la vie politique, économique et financière du pays, mais extraordinaire personnage de roman, sur fond d’oligarchie mafieuse et de gouvernance malsaine  .Il est bien introduit dans tous les cercles et  ne manque de rien.

Un marché (« un contrat faustien ») est proposé.Il lui donne (ra) accès aux arcanes du « système », à condition qu’il s’engage à écrire un roman le  « décrivant » bien plus que le dénonçant .

Le contexte s’y prête, l’Algérie de l’époque (lire et comprendre  la fin de parcours du système Bouteflika) est à la veille, lui affirme-t-on, d’un basculement, une ambiance de fin de règne planant sur le pays.

On se retrouve donc plongé au cœur même du « système » et des « pouvoirs » profonds régnant en maîtres à l’époque.Tout s’y mêle dans une atmosphère où l’argent, l’alcool, la drogue, les parties « fines », et les « affaires » règnent en maîtres....en des lieux fantasmés.  Avec, comme marionnettistes, des personnages , pour la plupart se disant « entrepreneurs », « self made men », « adaptés » (celui qui a acquis tous les codes permettant la prospérité)  ou non, discrets sur leurs protecteurs ou parrains (pour les plus habiles) ou non, mélangeant la cupidité, les calculs

 sordides, les menaces voilées, l’arrogance,l’absence de scrupules, la falsification  l’opportunisme,   l’incontournable   religiosité,  cela va de soi .......et l’ignorance souvent crasse   .

Le roman sera bel et bien  écrit ....mais jamais publié.Il le  sera bien plus tard.....notre romancier se découvrant « manipulé » . Acteur principal et complet naïf » sans qu’il ne se rende compte, il avait  contribué,en raison de toutes les rumeurs liées à la prochaine parution de son « explosif » roman, à la  chute du  système en place

 

L’Auteur : le 7 juin  1968 à Bologhine, vit et travaille à Alger où il dirige une entreprise de conseil. Déjà auteur de deux romans, « Alger, le cri » en 2013 et « L’Effacement » en 2016 , ce dernier ayant été adapté au cinéma par Karim Moussaoui. Image de couverture de Azeddine Krim (« It Kills », 2024)

 

Extraits « Ces « entrepreneurs »  des années 2000 avaient créé un puissant écosystème de fraude autour de leurs activités  »(p 62), « Je ne comprendrais d’ailleurs jamais ce besoin irrépressible de se confier à un auteur. Désir narcissique et inconscient de gloire, d’immortalité même, en espérant voir sa vie consignée dans un quelconque ouvrage ?Ou, simple fascination devant l’aura du romancier ? (p118), « Je détestais les « complexes touristiques », leur état de délabrement m’accablait.Ces lieux, devenus si glauques, sont les ruines de mes souvenirs  » (p148), « Ça ne veut rien dire « les officiels » .Il y a des hommes et des femmes, avec des positions de pouvoir, plus ou moins élevés, plus ou moins formelles, plus ou moins usurpées ....Le système n’est rien d’autre que cet agrégat humain, où des individus bataillent pour maintenir leurs privilèges coûte que coûte» (pp 166-167)

 

Avis : Il n’y a que les bons écrivains qui arrivent à transmettre -clairement-  au grand public (celui qui lit)  une réalité pourtant évidente,  grâce à de la  fiction.Des choses que l’on « savait » mais qui sont , dans ce livre, bien décrites et ....toutes dites. Pour bien savoir, il s’agit seulement de le lire. « Amin », pas si fiction que ça !

 

Citations «  En Algérie, il faut se méfier de tout le monde, même de ton ombre » (p 27), « En Algérie, si tu ne connais personne, tu n’es rien.La clé du succès, c’est les co-naissances !Il faut toujours connaître quelqu’un, qui connaît quelqu’un, qui connaît quelqu’un d’autre qui, lui, en connaît un qui.....et ainsi de suite !Mais attention : les connaissances , tu dois, toi aussi, leur rendre des services »( p 45), « Les procédures, les rè-gles, les lois, chez nous, c’est pour bloquer ceux qui n’ont pas de connaissances.L’administration, c’est comme une porte blindée : d’un côté , il y a ceux qui ont des connaissances, de l’autre, ceux qui n’en  ont pas ! » (p 45), « Les échecs, c‘est comme la vie.Il faut toujours avoir plusieurs coups d’avance » (p 60), « Le fantasme est un levier de gouvernance redoutable pour générer de la peur auprès des décideurs et de la

population.....les protecteurs cultivent en permanence l’opacité qui est, comme on le sait, à l’origine du fantasme » » (p 65), « Le temps passe vite lorsqu’on écrit.Face aux mots, l’univers se rétrécit et confine l’écrivain à cet espace blanc , qu’il s’évertue à dilater, en l’emplissant de vie » (p 157), »Il n’y a pas que dans la littérature que les vies sont si faciles à « arrêter » .Dans la réalité, on peut aussi décider de faire passer sa vie à la corbeille pour disparaître à jamais » (pp 208-209)