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Roman Sarah Haidar - "Aménorhée"

Date de création: 20-05-2025 19:19
Dernière mise à jour: 20-05-2025 19:19
Lu: 29 fois


SOCIETE-BIBLIOTHEQUE D’ALMANACH- ROMAN SARAH HAIDAR- « AMÉNORRHÉE »

 

Aménorrhée. Roman de Sarah Haidar. Editions Barzakh, Alger 2025, 181 pages, 1 000 dinars

 

 Une écrivaine spécialiste de la déconstruction du « déjà-lu » romanesque et, surtout,  un  titre qui accroche et qui intrigue. C’est quoi l’« Aménorrhée » .Elle  est définie par l'absence de règles chez une femme de 15 ans avec une croissance et des caractères sexuels normaux. Ce diagnostic est crucial car il signale un problème de développement sexuel. Des investigations supplémentaires sont nécessaires pour identifier la cause sous-jacente, qui peut aller de problèmes hormonaux à des anomalies structurelles. Une prise en charge précoce est essentielle pour la santé reproductive et le bien-être général de la patiente. Donc, le titre, "Aménorrhée"fait référence à l'absence de règles, et suggère une réflexion sur la santé reproductive et les droits des femmes dans un environnement restrictif.

L’histoire ? il n’y en a pas , à vrai dire. On a , en fait, un roman d’anticipation, que l’on peut qualifier de dystopie. Il se déroule dans un territoire innommé où une gynécologue (une accoucheuse ?)  à la fois révolutionnaire et cynique, pratique des avortements clandestins alors que l’IVG est punie de peine de mort. Dans ce roman polyphonique marqué par une écriture acérée et une volonté de transcender les poncifs autour des rapports femmes-hommes, le pouvoir patriarcal est disséqué dans ce qu'il a de plus pernicieux puisque le Régime totalitaire et féminicidaire décrit par le récit fut instauré par des hommes prétendument déconstruits.

Dans une langue aussi violente (à lire avec patience pour bien comprendre) que poétique, agissant autant par le scalpel de l'analyse que par le vibrato d'un lyrisme réinventé, l'autrice interroge la construction de la sexualité, de la maternité, la place assignée aux femmes dans un monde structuré par la domination, la vacuité du réformisme et la force du collectif féministe révolutionnaire.

L’incipit s’ouvre sur l’histoire d’une voix qui constate une transformation imposée, une maternité inévitable dictée par un système qui interdit toute possibilité d’avortement. La maternité est vécue comme une contamination, une présence intrusive qui nie toute individualité. Ce qui devrait être un accomplissement apparaît comme une dérive, un mouvement hors de soi, une réduction à un corps destiné à porter, nourrir et enfanter. La narratrice pourtant refuse ce rôle et l’ordre biologique se heurte à une conscience qui refuse de se plier à l’ordre établi.  L’infanticide n’est pas loin. Cette résistance s’exprime face à toutes les injonctions qui entourent la maternité.. N’étant ni refuge ni plénitude, la maternité devient une assignation sociale,un rôle joué sous contrainte.

L’auteure Née en 1987 à Alger. Journaliste, écrivaine et traductrice .Plusieurs romans en arabe et en français. 2005 : Prix « Apulée »  décerné par la Bibliothèque nationale d’Alger pour « Zanadeka » (Apostats).Elle n’avait que dix-sept ans.Et, en 2013, prix des « Escales littéraires » pour son premier récit rédigé en langue française, « Virgules en trombe »

 

Table : V parties

 

Illustration de couverture (couleurs) : Fella Tamzali, « Enfant au Cheval de Bois » ».Acrylique sur toile, détail, 2022

 

Extraits : « Ce cynisme mercantile n’est pas de mise avec tous mes patients. J ’en reçois de toutes les couleurs et avec chacun d’entre-eux j’adopte l’attitude adéquate :  croyant avec les croyants ; athée avec les athées ; basique avec les esprits inachevés ; misogyne avec les phallocrates....Si bien qu’au bout de trente ans, je ne sais plus vraiment qui je suis  » (p19), « Ces créatures nuisibles qui pullulent autour de moi ; ces automates faisant leur travail sans haine ni conviction, mais simplement parce qu’il le faut ; ces ordinateurs de dernière génération qui dénudent sur d’immenses écrans les vies et les idées ; ce bruit constant des processeurs qui miment à n’en plus pouvoir le monde vagissant ; cette salle interminable qui nous avale chaque matin pour nous vomir au soir, évidés et médiocres ; ces paroles mécaniques et ces gestes ordonnés qui signent la mort définitive de la poésie... » (pp 62-63), « L’écriture est détestable parce qu’elle ne prend pas parti, non par lâcheté, mais par stridente vérité ; elle saisit et donne à lire, limpide et foudroyante, ce que le boléro ne fait que suggérer......C’est pour cela qu’il faut toujours écrire, dans un sursaut de survie lumineuse......Il faut écrire pour rendre au mot sa liberté symphonique » (pp 140-141)

 

Avis : Exercice d’écriture réussi.....pour tous ceux qui aiment beaucoup plus la gymnastique , souvent déconcertante mais belle , des phrases et des mots qu’une histoire toute linéaire et tristounette.

 

Citations : « Le sang ne ment pas ; quand il s’emballe, créant une sensation physique de submersion, de noyade infinie, les mécanismes de survie s’enclenchent comme dans tout autre cas de banal mort imminente » (p35), « Certains de nos choix, si ce n’est la plupart, sont dictés par un impensé qui s’avère être le seul maître de nos vies » (pp 38-39), « Quand le maître simule un genou à terre, les esclaves s’extasient et dansent et chantent victoire ; elles se ruent sur l’os, s’en disputent le moindre cartilage pour s’approprier le mérite de la chasse » (p 81), « L’amour est protéiforme ; il n’obéit à aucune définition statique.Il mue, transhume, disparaît puis réapparaît.Il est volage et insaisissable » (p96), « Fascinants, les hommes : despotes domestiques, champions des biceps et du coup de poing, héros du bricolage et du cuissage, esprits et corps supérieurs.....Et pourtant, mon Dieu, quelles cruches ! « (p 101), « La corps à peine formé est pourtant doté d’une sagesse millénaire ; il accueille sans résister la mort avant même que d’être. Il sait.Il a tout vu à travers les brumes amniotiques... » (p111), « Contrairement à ce que racontent les historiens faussaires, ce n’est pas le sexe qui suscite les confessions sur l’oreiller.C’est le mépris ! » (p 129)