COMMUNICATION-
ETRANGER- MÉDIAS PUBLICS OCCIDENTAUX 2025/ÉTUDE (II/II)
©https://www.swissinfo.ch/ Katy Romy, 22 avril 2025
Les médias publics internationaux en péril dans les démocraties
Une utilité questionnée
Selon Tristan Mattelart, c’est avant tout la rigueur budgétaire qui pèse
sur les médias publics internationaux des pays occidentaux depuis plusieurs
décennies. Il relève qu’aux États-Unis, « Voice of America » ou « Radio
Free Europe » ont dû réaliser des économies dès la fin de la Guerre
froide. «Le choc des attentats du 11 septembre 2001
avait toutefois permis de financer de nouveaux médias à destination du monde
arabe», ajoute le professeur en communication internationale.
Au-delà des questions
de finances, c’est aussi l’utilité de ces plateformes qui est remise en
question. «Au cours du 20e siècle, elles ont été
considérées comme d’importants instruments de soft power par
les États, en particulier pendant la Seconde Guerre mondiale et la Guerre
froide», souligne Andrew Robotham, chercheur et enseignant à l’Académie du
journalisme et des médias à Neuchâtel.
« Radio
Free Asia » (RFA) a annoncé l’interruption de ses programmes sur ondes
courtes pour ses services en mandarin, tibétain et laotien, après la décision
de Donald Trump de couper les subventions à l’Agence américaine pour les médias
mondiaux.
La plupart des
services internationaux d’information ont vu le jour dans les années 1930, sous
la forme de stations de radio qui émettaient en ondes courtes. À l’époque,
l’onde courte (l’appellation est trompeuse) était la seule technologie qui
permettait d’émettre à l’autre bout du monde.
Par exemple, le « Service
suisse des ondes courtes » ou le « SOC » (devenu par la suite « Radio
suisse internationale », puis « swissinfo.ch ») a été créé en
1938. L’idée était de répondre à la propagande de l’Allemagne nazie ou de
l’Italie fasciste, comme le relate
l’historienne Raphaëlle Ruppen Coutaz dans son livre «La voix de la Suisse à l’étranger».
La Suisse ne
participant pas au conflit, les informations du SOC étaient très suivies. «Il a gagné le respect international pour ses reportages
neutres et est devenu une rare ‘voix libre’ dans une Europe dominée par des
régimes autoritaires», explique Colin Porlezza.
Les États misent sur d’autres canaux
Aux yeux d’Andrew
Robotham, l’âge d’or de ces services d’information internationaux est cependant
terminé. Il observe que les gouvernements privilégient aujourd’hui d’autres
canaux pour faire entendre leur voix à l’étranger. «Les
États utilisent davantage les réseaux sociaux ou la communication
institutionnelle. Ils peuvent ainsi se passer de journalistes qui coûtent cher
et qui se montrent critiques», constate-t-il.
Si l’on prend
l’exemple de la Suisse, la Confédération mise entre autres sur Présence Suisse.Lien externe pour promouvoir son image à l’étranger. «Du
point de vue du gouvernement, ce type de communication a l’avantage d’être taillée
sur mesure», commente Andrew Robotham.
Il souligne que le contexte
est défavorable à ces plateformes d’information. «D’une
part, le financement du service public en général est attaqué un peu partout.
D’autre part, il règne un climat de défiance envers les médias traditionnels et
les journalistes», observe-t-il.
Le chercheur de
l’Université de Neuchâtel est inquiet quant à l’avenir des médias publics
internationaux dans les démocraties occidentales. «Il
est déjà difficile de maintenir le financement des médias de service public, je
vois donc mal comment les services destinés à l’étranger vont survivre dans
leur forme actuelle, malgré leur excellente qualité.» Cependant, Andrew
Robotham garde une lueur d’espoir: «Peut-être que ce
qui se passe aux États-Unis permettra un sursaut quant à l’importance du
service public et des services internationaux.»
Tristan Mattelart se montre plus optimiste. «Ces
médias démontrent leur utilité dans les périodes de vives tensions pour assurer
un pluralisme médiatique dans certains contextes autoritaires.» À ses yeux, ils
pourraient ainsi jouer un rôle important dans la guerre de l’information qui
oppose les pays démocratiques aux régimes autoritaires. «Tant
qu’il y aura des régimes autoritaires, leur mission demeurera», affirme-t-il.