COMMUNICATION-
ETRANGER- MÉDIAS PUBLICS OCCIDENTAUX 2025/ÉTUDE (I/II)
©https://www.swissinfo.ch/ Katy Romy, 22 avril 2025
Les médias publics internationaux en péril dans les démocraties
Alors que de plus en plus de pays
occidentaux se désengagent de leurs médias publics internationaux, les régimes
autoritaires les renforcent. Ces médias pourraient continuer à jouer un rôle
dans la guerre de l’information, estiment certains experts.
La « Voix de l’Amérique » dans le monde pourrait devoir se taire.
Mi-mars, le président américain Donald Trump a décidé de mettre fin au
financement de l’Agence pour les médias internationauxLien externe, dont font partie « Voice of America », « Radio Free Europe »
et « Radio Free Asia ».
Une bataille juridique a été lancée pour empêcher leur démantèlement, mais
si elle échoue des millions de téléspectateurs, auditeurs et internautes se
retrouveraient privés d’une source d’information fiable dans des pays où
l’accès à l’information est limité.
«D’un point de vue géopolitique, il s’agit d’une énorme bêtise. Les États-Unis
se privent ainsi d’un important outil d’influence pour la défense de la liberté
d’expression», estime Tristan Mattelart,
professeur en communication internationale à l’Université de Paris
Panthéon-Assas. Il souligne que ces médias jouent un rôle essentiel dans des
pays où l’information est contrôlée par des régimes autoritaires.
Le désinvestissement des pays
occidentaux
Les services d’information internationaux ne sont pas uniquement sous
pression aux États-Unis, mais également dans d’autres pays occidentaux. «Ces dernières années, plusieurs démocraties libérales ont
reconsidéré ou réduit le financement des médias de service public, en
particulier de ceux qui s’adressent à l’étranger», constate Colin Porlezza, directeur de l’Institut des médias et journalisme
à l’Università della
Svizzera italiana.
Le service international de la « BBC » au Royaume-Uni a par
exemple subi de nombreuses coupes depuis une quinzaine d’années. Récemment, il
a encore annoncé la suppression de 130 emplois. Lien externe dans le cadre
d’un plan d’économie visant à réduire son budget de quelque 6 millions de
livres sterling (6,5 millions de francs suisses). «Le
BBC World Service subit une importante pression budgétaire, malgré son rôle
historique de pierre angulaire du soft power britannique», commente
Colin Porlezza.
« BBC World Service » est l’un des diffuseurs de programmes
radio les plus connus, émettant en 28 langues à travers le monde.
En France également, les moyens alloués à l’audiovisuel extérieur ont diminué de plusieurs millions d’euros.Lien
externe au cours des dernières
années. «Les médias publics internationaux ont aussi
été confrontés à des mesures d’austérité en Finlande, aux Pays-Bas, en Belgique
et en Slovénie», énumère Colin Porlezza.
La Suisse n’est pas épargnée par cette tendance. Dans le cadre d’un plan
d’économies actuellement à l’étude, le gouvernement veut supprimer sa contribution de 19 millions.Lien externe de francs à l’offre de la Société suisse de radiodiffusion et de
télévision (SSR) destinée à l’étranger. Celle-ci comprend swissinfo.ch, le site
en italien tvsvizzera.it, ainsi que la collaboration avec les chaînes de
télévision internationales « TV5MONDE » et « 3sat ».
Dans le monde occidental, « Deutsche Welle » se distingue. Le
gouvernement allemand a attribué 15 millions de francs supplémentairesLien externe à son service international
de diffusion dans son budget 2025. «C’est une
exception plutôt qu’une règle. Ailleurs, la pression politique augmente», analyse Colin Porlezza.
Les pays autoritaires renforcent
leurs chaînes
Dans les pays autoritaires, en revanche, la tendance inverse est à l’œuvre.
«Depuis le début des années 2000, la Russie, la Chine,
mais aussi l’Iran renforcent leurs appareils de diffusion audiovisuels,
notamment en Afrique et en Amérique latine», observe Tristan Mattelart.
Il cite notamment la création des chaînes de propagande russe « RT »
et « Spoutnik », ainsi que la mise en place de chaînes de télévision
internationales par la Chine, grâce à des investissements de plusieurs
milliards de francs. «Il y a un contraste saisissant
entre les difficiles négociations budgétaires auxquels doit faire face
l’audiovisuel public international aux États-Unis et en Europe occidentale, et
les importants financements dont bénéficient les médias d’État internationaux
russes ou chinois», constate-t-il.
Mais selon Colin Porlezza, cet élargissement de
leur empreinte médiatique internationale a «conduit à
des formes d’accaparement des médias, où les médias publics internationaux ne
fonctionnent pas de manière indépendante, mais sont contrôlés par des intérêts
étatiques».