Depuis l’indépendance, l’Algérie a connu
une transition épidémiologique majeure. La population est passée d’environ 10
millions à plus de 45 millions, avec une espérance de vie ayant presque doublé
(de 47 ans en 1962 à 78 ans actuellement).
Ce vieillissement démographique
s’accompagne d’un allongement de la durée de vie, ce qui a favorisé la
prévalence de maladies chroniques, notamment le diabète.
Selon l’Atlas 2025 de la Fédération
internationale du diabète (IDF), l’Algérie compte près de 4 millions de
diabétiques connus, mais on estime qu’un adulte diabétique sur deux n’est pas
diagnostiqué. Le chiffre réel avoisinerait donc les 8 à 10 millions, un volume
préoccupant pour les capacités du système de santé national.
Selon le Pr Mimouni
Zerguini Safia, du service d’endocrinologie et
maladie métabolique (Centre Pierre et Marie Curie Alger), «la croissance rapide
de l’urbanisation, l’adoption de modes de vie sédentaires et d’une alimentation
riche en sucres et en graisses ont contribué à l’explosion des cas d’obésité,
un des principaux facteurs de risque du diabète de type 2».
Selon sa présentation,
«plus de 55% des Algériens sont en surpoids ou obèses, avec une
proportion encore plus marquée chez les femmes (63% contre 48% chez les
hommes)».
A cela s’ajoutent
«l’inactivité physique, le tabagisme et le manque de campagnes de sensibilisation
efficaces».
Le diabète est aujourd’hui la deuxième
affection chronique la plus fréquente en Algérie, après l’hypertension
artérielle avec laquelle il est souvent associé : 70% des diabétiques sont
également hypertendus. Cette double pathologie aggrave considérablement les
risques de complications, notamment cardiovasculaires, rénales, oculaires et
neurologiques.
Les
complications touchent aussi bien les petits vaisseaux (rétinopathie : 5%,
neuropathie : 14,%, néphropathie : 8,9%) que les
gros vaisseaux (cardiopathies dans 48% des cas, artériopathies périphériques
dans 35%, AVC, insuffisance cardiaque, etc.).
Environ 62,8% des atteintes rénales
chroniques sont dues au diabète, entraînant une forte demande en dialyse.
Malgré un système de santé offrant la gratuité des soins pour les malades
chroniques, la couverture est inégale, concentrée principalement dans le nord
du pays. Dans les régions du Sud et de l’intérieur, l’accès aux spécialistes
reste limité.
Le diabète touche également les femmes enceintes,
bien que la prévalence soit relativement faible dans la région MENA. Une étude
menée à l’hôpital Mustapha a mis en lumière des facteurs de risque spécifiques
chez les femmes algériennes : surpoids, antécédents de macrosomie, bas
niveau socioéconomique, antécédents familiaux et multiparité.
Une autre étude a révélé que 15,2% des
femmes enceintes présentaient un diabète gestationnel, souvent accompagné de
complications obstétricales graves, comme la césarienne (62%) et même le décès
périnatal (10%).
La lutte contre le diabète en Algérie
nécessite une réponse globale et urgente, reposant sur la prévention, le
dépistage précoce, l’éducation thérapeutique et la réorganisation du système de
soins. De son côté, le Pr A. Tebainia, du service de
médecine interne, clinique Arezki Kehal (EPH El Biar), université d’Alger 1, a tiré la sonnette d’alarme
face à l’explosion des cas de diabète, qualifié de «bombe
à retardement» pour le système de santé et la société.
Entre sédentarité, alimentation
déséquilibrée (aliments hyper caloriques) et vieillissement de la population,
la maladie «touche désormais toutes les tranches
d’âge, avec des conséquences sanitaires et économiques dramatiques». La qualité
de vie va être altérée de manière importante.
Aujourd’hui, près de 10% des Algériens
de plus de 60 ans sont diabétiques, un chiffre qui pourrait grimper en
l’absence de mesures urgentes. Mais la tendance la plus inquiétante concerne
les jeunes : 2% des 18-29 ans sont déjà touchés, et des cas pédiatriques
émergent, une première dans l’histoire du pays. «Le
diabète de type 2, autrefois réservé aux adultes, se répand chez les enfants à
cause de l’obésité et de la malbouffe», a-t-il souligné.
Le diabète non contrôlé entraîne des
complications dévastatrices : macrovasculaires
(AVC, infarctus, artérite), principales causes de mortalité, et
microvasculaires (cécité, insuffisance rénale, neuropathies). Le diabète est la
première cause de dialyse en Algérie, avec des séances coûtant «excessivement cher» à la Sécurité sociale. «Une amputation a lieu toutes les 30 secondes dans le
monde.