COMMUNICATION-
FORMATION CONTINUE- INFORMATION ET REPORTAGE/PUBLICITE D’ENTREPRISE
Où s'arrête l'info et où commence la pub lors de reportages dans des
entreprises ?
©Franceinfo, 05/04/2025 07:00Mis à jour le 05/04/2025 07:22
Article rédigé par franceinfo - Propos recueillis par Pascal Doucet-Bon, France Télévisions
Dans le cadre de la rubrique Transparence, Maeva Damoy,
journaliste au service économie et social de France Télévisions, explique les
règles qui permettent d'éviter la publicité clandestine et la corruption.
Couvrir l'activité d'une entreprise, est-ce lui faire
de la publicité ? Non, en tout cas pas quand on s'en tient à des règles
strictes. Maeva Damoy est reporter au service
économie et social de France Télévisions. Elle signe de nombreux sujets sur des
entreprises pour France 2, France 3 et franceinfo.
Dans le cadre de notre
rubrique transparence, elle décrit les obligations auxquelles
se soumettent les journalistes de France Télévisions.
Franceinfo : Quand
tu tournes en entreprise, où l'information s'arrête-t-elle, où la publicité
commence-t-elle ?
Maeva Damoy : Au
service économie de France Télévisions, nous sommes quotidiennement en lien
avec les entreprises parce qu'il faut pouvoir illustrer à travers des séquences
ou des témoignages l'actualité économique. Par exemple, pour définir quels sont les
secrets du déstockage pour proposer des prix toujours
plus bas, nous avons dû chercher des entreprises spécialisées, contacter leurs
services de presse qui accèdent ou non à notre requête. Puis nous avons dû
déterminer le magasin vers lequel nous pouvions nous tourner. Nous contactons
également des experts pour essayer d'aller toujours un peu plus loin dans l'analyse,
experts dont nous vérifions évidemment le parcours et les publications, que
nous indiquons d'ailleurs au public dans nosSources.
Quels sont les critères pour choisir des
entreprises ?
Nous les choisissons si elles peuvent répondre à
l'angle que nous souhaitons traiter. Nous contactons évidemment les personnes
compétentes à même de répondre aux toutes premières questions auxquelles nous
cherchons des réponses. Nous faisons des pré-interviews téléphoniques avant de
nous déplacer quand il s'agit de vérifier un chiffre d'affaires, les
conséquences de telle ou telle mesure gouvernementale. Nous allons à la source,
nous la vérifions avant même d'engager un tournage.
De nombreux chefs d'entreprise et téléspectateurs
pensent qu'un reportage se monnaie, qu'il faut payer "la télé" pour qu'elle
vienne... Est-ce que c'est le cas ?
Alors non, nous ne rémunérons pas les entreprises.
Nous ne signons pas non plus de contrat qui nous engage respectivement, et nous
ne leur promettons rien ; par exemple, pas de durée d'exposition à
l'antenne. Ces entreprises n'ont pas non plus le droit d'utiliser nos images
pour leur publicité. En revanche, elles peuvent renvoyer vers notre site pour
visionner notre reportage, évidemment.
Quelles sont les règles légales et
déontologiques ?
Il y a d'abord des règles fixées par les lois sur la
publicité clandestine, et aussi celles de l'Autorité de régulation de la
communication audiovisuelle et numérique, l'Arcom. En
plus de cela, nous nous imposons nos propres règles. Par exemple, nous
proposons deux témoignages d'entreprises à chaque fois que c'est possible, pour
ne pas en mettre une seule en valeur, à l'exception bien sûr des portraits ou d'une
initiative spécifique.
"Nous évitons le plus possible de solliciter
plusieurs fois une même entreprise dans un laps de temps donné."
Et puis, dans le cas où nous filmerions une enseigne
ou une marque, nous incluons dans nos reportages des illustrations de leurs
concurrents, au moins deux. Cette règle-là émane de l'Arcom.
Avez-vous également des engagements personnels à prendre ?
Oui, chaque année, nous signons ce qu'on appelle une
déclaration des liens d'intérêts. C'est l'application de la loi Sapin 2(Nouvelle
fenêtre) [relative à la transparence et à la lutte contre
la corruption]. Cette déclaration concerne d'éventuels liens personnels que
l'on aurait avec des entreprises. Evidemment, nous évitons de mélanger les
liens professionnels et personnels. Par exemple, nous pouvons déclarer : "J'ai
épousé quelqu'un qui travaille pour une chaîne concurrente ou qui travaille
pour telle enseigne de grande distribution". C'est pris en compte par la
hiérarchie pour ne pas nous envoyer couvrir un sujet qui impliquerait un proche."Nous nous
engageons également à refuser les cadeaux, les petits gestes que l'on pourrait
nous proposer en amont, pendant ou après nos reportages."
Souvent, quand vous floutez des marques lors d'un
reportage, on devine quand même la marque. Pourquoi ne pas mettre un cache
complètement opaque par exemple ?
C'est d'abord pour une question d'esthétique. La télé
passe avant tout par l'image, ensuite par le son, avant notre propre
commentaire pour expliquer les angles que nous traitons. C'est aussi pour
assumer les règles que nous choisissons d'adopter. Quand nous ne pouvons
montrer qu'une seule enseigne (et non deux ou trois comme nous nous engageons à
le faire habituellement), alors nous floutons. Ça marque une prise de distance
avec l'enseigne, même si on reconnaît plus ou moins le logo dans certains cas.
C'est une façon d'assumer nos règles et celles qui sont en vigueur, fixées par
la loi.