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Communication/Dominique De Villepin (France)

Date de création: 03-04-2025 17:21
Dernière mise à jour: 03-04-2025 17:21
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VIE POLITIQUE- FORMATION CONTINUE- COMMUNICATION/DOMINIQUE DE VILLEPIN

© Gaspard Gantzer, fondateur de Gantzer Agency/ https://www.strategies.fr/25 mars 2025

«Le phénomène de Villepin»

 Dominique de Villepin, ancien Premier ministre de Jacques Chirac, fait depuis quelques semaines un retour remarqué dans les médias. Ethos, communication et incarnation seraient les ressorts de ce come-back saisissant.

38 %, c’est le niveau d’opinions positives (note : mars 2025)sur Dominique de Villepin, ancien Premier ministre de Jacques Chirac, qui se hisse en tête de classement du baromètre Cluster 17 pour Le Point. Ce sondage marque le point d’orgue - en tout cas pour l’instant - d’un retour stratégique dans l’arène politique pour celui qui s’était retiré de la vie publique active depuis près de quatorze ans. Comment expliquer ce phénomène Villepin et que signifie-t-il pour le paysage politique français ? Trois axes d’analyse permettent de saisir les ressorts de ce come-back saisissant : l’ethos, la communication, l’incarnation.

L’ethos d’abord : Le retour de Dominique de Villepin s’inscrit dans ce que les Grecs anciens nommaient le kairos, ce moment opportun où les circonstances sont propices à l’action. Dans un contexte de crise internationale et de désarroi national, l’ancien ministre des Affaires étrangères incarne une image d’Épinal de la France puissante sur la scène mondiale, rappelant l’époque gaullienne où la voix de l’Hexagone se faisait entendre - et respecter - dans le concert des nations.Le spectre de son discours à l’ONU contre l’intervention en Irak en 2003 plane encore sur sa figure politique. Cette posture de non-alignement, héritée du général de Gaulle, résonne particulièrement dans un monde multipolaire où la France cherche à affirmer son indépendance. Villepin incarne cette « certaine idée de la France » chère à l’homme du 18 juin, une France qui se veut puissance d’équilibre et voix singulière sur l’échiquier mondial.Cela provoque une impossibilité de situer Villepin sur l’axe traditionnel droite-gauche, et constitue paradoxalement sa force. Désormais plus populaire à gauche qu’à droite, il incarne une forme de dépassement des clivages partisans, rappelant la vision du « en même temps » macronien qui avait tant su plaire, tout en s’en distinguant par une profondeur historique et intellectuelle plus marquée.

La communication ensuite :La saturation médiatique a été pour lui vecteur d’une renaissance politique. Depuis l’attaque du Hamas sur Israël, Dominique de Villepin est devenu omniprésent dans les médias. Cette exposition constante, couplée à ses prises de position sur le conflit au Moyen-Orient, a ravivé l’intérêt du public pour sa vision géopolitique. Tel Cincinnatus rappelé à Rome, Villepin semble répondre à l’appel du devoir, offrant son expérience et sa sagesse à une nation en quête de repères.De Villepin se distingue par sa capacité à expliquer les enjeux complexes de la géopolitique avec clarté et éloquence. Cet exercice de pédagogie s’accompagne d’un discours axé sur les valeurs républicaines. Il incarne ainsi une forme de stoïcisme politique, prônant la vertu et le devoir comme guides de l’action publique. Cette posture du sage rassure, dans un environnement constamment heurté par le recours au clash et l’aporie politique.

L’incarnation enfin : Ce personnage pop à l’allure charismatique bénéficie d’un imaginaire attractif. La bande dessinée Quai d’Orsay a contribué à façonner l’image d’un homme politique hors-norme, « brillant mais cinglé ». Cette représentation, loin de nuire à de Villepin, semble avoir renforcé son aura de personnage romanesque. Son allure aristocratique et son verbe haut rappellent les grandes figures de la République, de Chateaubriand à Malraux, conférant à la politique une dimension esthétique et engageante, aujourd’hui largement négligée.De Villepin incarne également la nostalgie d’une ère. Dans une France en proie au doute, le retour de Villepin évoque la période chiraquienne, perçue par beaucoup comme un âge d’or de stabilité et de grandeur nationale. Ce mythe de l’âge d’or, décrit par Hésiode, témoigne d’un désir collectif de renouer avec une vision, une projection de la France dans l’opinion publique, à la fois fière et ouverte sur le monde.Cette popularité soudaine se traduira-t-elle par une action politique concrète ou n’est-elle qu’un feu de paille ? Son discours, empreint de lyrisme et de souveraineté, n’est-il qu’une version française du Make America Great Again, tendant à certains Français le miroir d’un pays libre, avantageux, puissant, plein de panache ? Il incarne une France telle qu’une partie de ses élites se la représentent : souveraine, libre, pleine de panache – une vision nostalgique, peut-être déconnectée des réalités contemporaines.Dans la tradition des grands hommes d’État, de Périclès à de Gaulle, de Villepin offre une vision de la politique comme art noble au service de l’intérêt général, mais concrètement, peut-il aller plus loin ? Aura-t-il la capacité d’incarner non seulement la France telle qu’elle fut, mais aussi la France telle qu’elle est et sera : un pays plus divers, plus fragmenté, plus complexe que le récit qu’il porte ? Car au-delà des grands discours géopolitiques, reste l’essentiel : que dit-il des mutations du capitalisme et des transformations du travail, de l’intelligence artificielle, de l’écologie et de la lutte contre les inégalités ? Son retour sur le devant de la scène politique française ne laisse personne indifférent et pourrait bien rebattre les cartes du jeu national. Mais la politique est une alchimie instable : la fortune ne suffit pas, il faut aussi la virtù, cette capacité à saisir l’occasion et à agir avec détermination. Aura-t-il la sienne ?