HISTOIRE- PERSONNALITES- GUERRE DE LIBÉRATION NATIONALE/ SOUTIENS FRANÇAIS
JEAN-PAUL
SARTRE, ANDRÉ MANDOUZE, GERMAINE TILLION… Ces rares voix qui sauvent l’honneur
de la France
© R. Hammoudi/ Horizons, 19 mars
2025
Durant la
colonisation, pendant la guerre de Libération, et bien après, des voix se sont
toujours élevées pour sauver l'honneur terni d’un pays qui dit, selon les mots de Léopold Sedar Senghor, bien les routes droites et emprunte si souvent les chemins
tortueux. Pendant la nuit coloniale,
pour reprendre Ferhat Abbas, des esprits éclairés comme Victor Hugo,
Tocqueville ou Jules Ferry se sont égarés croyant déceler dans l'entreprise
coloniale parsemée de crimes et d’expropriation de terres une volonté
d’émanciper et de «civiliser» des peuples. Guy de
Maupassant, venu dans le sud-ouest oranais, alors embrasé par la révolte de
Cheikh Bouamama, écrit, dans un de ses plus célèbres
romans, «Bel ami», que «l’Arabe était considéré comme
la proie naturelle du soldat». Cette simple phrase révèle le mépris à l’ endroit des Algériens.
D’autres comme Dinet, Eberhardt,
Fromentin furent fascinés par les paysages et mœurs au point de s'en
inspirer et pour les deux premiers d'embrasser l'Islam. Mais c’est pendant la guerre de Libération
que, venant souvent de la gauche ou de milieux libéraux des politiques, des
intellectuels vont dénoncer les exactions commises par l’armée, notamment la
torture pratiquée à une vaste échelle. Les plus engagés comme Jean-Paul
Sartre ou André Mandouze vont jusqu’ à
militer pour l’indépendance de l’Algérie. sur ce qui
se commettait en leur nom. Qui ne connaît pas les porteurs de valises qui
aidèrent de mille et une façons les militants du FLN en transportant des fonds,
en fournissant de faux papiers, en hébergeant ceux d’entre eux qui étaient
recherchés ? Les nombreux mémoires des
militants et responsables de la Fédération de France (Boudaoud, Harbi, Ali Haroun, Ahmed Taleb, Benyounès…)
ont mis en valeur l’apport de ces hommes. Un éditeur comme François Maspero
publiera «La Question» d’Henri Alleg
qui a révélé, dans un témoignage glaçant, les pratiques dégradantes des
paras. C'est aussi l'écrivain François Mauriac qui, dès le 15 janvier 1955, fait barrer la
Une du journal L’Express avec ce titre : «Mauriac accuse», qui se réfère au
célèbre Jean-Paul Sartre Les fondements du système colonial sont disséqués dans le livre «Algérie hors la loi»
de Francis Jeanson, paru en 1955.
La liste des avocats,
des chercheurs, des ecclésiastiques, des artistes, qui dénoncent
comme Germaine Tillion le caractère injuste de la colonisation, est trop
longue. Beaucoup d’entre eux ont signé, en septembre 1960, un manifeste très connu, celui des 121,
qui prônent le droit de désobéissance pour les soldats envoyés en Algérie. Parmi ces derniers, certains, comme Maurienne,
vont déserter et témoigner dans des livres, des articles, cri de Zola. Des
récits sont publiés dans des journaux saisis dans un pays qui se targue d’être
celui de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Mais à côté, une autre
presse, surtout audiovisuelle, s’est tue quand elle n’a pas couvert les crimes.
Tout le monde n’était pas le directeur du Monde, Hubert Beuve Mery, qui,
le 13 mars 1957, avait écrit ces mots : «Dès
maintenant, les Français doivent savoir qu'ils n'ont plus tout à fait le droit
de condamner dans les mêmes termes qu'il y a dix ans les destructions d'Oradour
et les tortionnaires de la Gestapo». L'Express, Témoignage Chrétien, France
Observateur qui réalise le premier reportage dans les maquis de l 'ALN, sont
autant d’espaces où une poignée de Français ont préservé l’âme d’une République
qui a renié ses valeurs. Longtemps
enfouis dans les abysses du silence, le passé de la France a progressivement
refait surface. Des historiens comme Jean-Luc Einaudi, Raphaël Branche, Le
Cour Grandmaison et des journalistes comme Florence Beaugé
ont levé le voile sur les
crimes de la colonisation qui ont duré plus d’un siècle et pris
diverses formes. Jean-Michel Aphatie, qui a
payé récemment pour son audace en rappelant quelques vérités, a de qui tenir.
On croirait entendre dans ses dernières déclarations ce qu’avait écrit Hubert
Mery, il y a plus d’un demi-siècle. La France a été toujours le pays des
lumières et de l’obscurité. Elle a enfanté Bugeaud, les Le Pen et Aussaresses,
mais aussi des femmes et des hommes qui
refusent l’aveuglement et la démission. Dans le contexte de résurgence des
idées d’extrême droite, Les Villepin, Pascal Boniface… sont les
héritiers de ceux qui ont entretenu l’esprit de résistance. Le poète Bachir Hadj Ali
l’avait écrit : «Je jure sur la haine et la foi qui entretiennent la flamme…
Que nous n'avons pas de haine contre le peuple français.» L’Algérie refuse, comme l’avait souligné
Salah Goudjil, il y a quelques mois, le colonialisme. Ses concepteurs, ses
acteurs et ses anachroniques admirateurs.