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Lecture des médias algériens/ Cinq quotidiens presse publique (III/V)

Date de création: 24-02-2025 19:30
Dernière mise à jour: 02-03-2025 20:49
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COMMUNICATION- FORMATION CONTINUE- LECTURE DES MEDIAS ALGERIENS/CINQ QUOTIDIENS PRESSE PUBLIQUE (III/III)

© Pr Ahmed Cheniki, fb, fin février 2025....

3/ Cinq quotidiens (presse publique): El Moudjahid, Echaab, Horizons, El Massa et An Nasr (Édition du 22/02/2025).

 

Cette fois-ci, j’ai tenté de lire cinq quotidiens gouvernementaux (Echaab, El Moudjahid, Horizons, El Massa et An Nasr). Ce n’était pas du tout facile. Le niveau des textes et de la forme me semble ne pas être en adéquation avec les normes professionnelles.

Comme les titres privés, ces journaux recourent à une « une » à plusieurs titres (à l’exception d’An Nasr dont la « une » me paraît plus attrayante), comme si la rédaction en chef pensait qu’en inondant leur « couverture » de nombreux titres, le journal pourrait pêcher de possibles acheteurs, évacuant toute dimension ludique.

Une « une » devrait être un espace extrêmement beau, élaboré dans le sens d’une mise en perspective informative et poétique ou ludique. La première page est faite pour persuader le lecteur d’acheter le journal, c’est elle qui inaugure le protocole de lecture. L’usage des slogans et un lexique marqué par les jeux de la propagande, comme c’est le cas dans ces quotidiens, dessert le journal qui devrait se caractériser par une certaine distance.

La titraille est extrêmement importante.

Un titre, me disaient mes anciens rédacteurs en chef, c’est « la moitié d’un texte ». J’ai l’impression, en lisant ces cinq quotidiens, que les titres, les « attaques » et les premières phrases ne seraient pas une priorité.

« L’attaque » qui constitue tout simplement le début d’un texte inaugure le protocole de lecture, même dans la culture de l’ordinaire, le début est essentiel. Ainsi, le journaliste prend, depuis le début, le lecteur par la main, l’incitant à poursuivre la lecture du texte.

La première phrase est fondamentale. C’est ce que ne semblent pas comprendre les rédactions en chef de ces journaux, prisonniers des clichés, des stéréotypes et des présupposés idéologiques. Le titre et la première phrase sont les éléments les plus difficiles à trouver pour un journaliste parce qu’ils devraient être construits de telle sorte qu’ils susciteraient la curiosité du lecteur, l’attirer, le séduire.

Les « unes » et les titres sont extrêmement mal construits dans les cinq quotidiens. Certes, An Nasr se démarque par la présentation d’une « une » aérée et simple, mais piégée par la mauvaise qualité des titres. Ceux-ci sont importants. Un titre entretient une relation de complémentarité ou de redondance avec le texte, pouvant aussi assumer des fonctions poétique (écriture et rhétorique) et référentielle (informer). Le titre qui a une fonction désignative, établit la communication avec le lecteur, oriente partiellement sa lecture, constitue une sorte d’ « opérateur de marque » (Barthes).

« L’actualité » est prisonnière de l’exécutif, c’est une vision verticale de l’information qui exclut toute possible investigation ou une plongée dans la société qui ne semble pas intéresser les directions. Dans les cinq titres, il n’y a qu’un seul « papier », reportage au Sud, « le village Hassi Mounir à Tindouf » réalisé par Lefkir Ali Salem qui décrit le quotidien de ce lieu. Le sujet le plus important, c’est la visite du président de la République à Oran pour inaugurer la station de dessalement de l’eau de mer de Cap Bon.

Les mêmes sujets se retrouvent dans les cinq titres, avec de grandes ressemblances, au niveau de l’agencement des textes. Ce qui permet de soupçonner qu’ils seraient vraisemblablement une simple reprise ou une réécriture de textes de l’APS. C’est un travail maison ou des papiers-bureau. Aucun effort sérieux de multiplication des sources et du questionnement de l'information n’est consenti.

Même quand il y a une possibilité de faire participer les bureaux régionaux à un texte d’investigation, par exemple, dans le dossier sur la formation professionnelle (pages 8 et 9, Echaab, il n’en est rien). Horizons consacre un dossier au sport scolaire pages (11, 12 et 13), mais manque l’essentiel, un travail d’enquête sur le terrain.

Il y a très peu d’entretiens. A part, celui réalisé par El Moudjahid avec le porte-parole d’ICAN France sur « les explosions nucléaires françaises dans le Sahara algérien », El Watan l’a déjà interviewé sur le même sujet dans son édition du 10 févier. Il y a eu également un entretien dans El Massa avec une modéliste qui s’intéresse à l’habillement traditionnel, Jamila Mansouri dans Echaab.

Le travail évacue toute possible polyphonie ou source plurielle, se satisfaisant du regard d’en haut d’une société ignorée. Pas d’enquêtes ni de reportages. Énormément de slogans, de clichés et de stéréotypes. Il n’y a pas de rubrique internationale autonome, elle est exclusivement alimentée par les agences internationales, on oublie systématiquement de mentionner le nom des agences. El Moudjahid a envoyé un de ses journalistes à Niamey (Niger) à la « clôture des assises nationales pour la refondation », comme si l’événement était important, il en est revenu avec un compte-rendu où il reprend les déclarations des différents responsables nigérien en épousant leurs positions sans prendre une quelconque distance.

La culturelle et la sportive restent dominées par les textes des agences nationale, l’APS et étrangères. Horizons, An Nasr et El Massa arrivent à apporter de l’information en sports, le journal établi à Constantine, y consacre un cahier. Les différentes rubriques culturelles sont très pauvres. Il est, peut-être à signaler, un bon compte-rendu d’une conférence donnée par le consultant en affaires énergétiques, Mourad Preure (Horizons, Walid Souahi). La dernière page ou page-vitrine d’Echaab et d’El Massa propose des photos de la visite d'Abdelmadjid Tebboune à Oran (13 pour El Massa et 9 pour Echaab).

Les textes les mieux écrits me paraissent être ceux des agences nationale, APS et étrangères. L’un des rares textes que j’ai apprécié dans la lecture de ces cinq titres, c’est une reprise d’un compte-rendu d’un ouvrage élaboré par le « Centre arabe des recherches et des études politiques » (Philippe Shmiter et Mark Blisher), « La politique, une science, une introduction critique ».

La non maîtrise des techniques de l'écriture journalistique, l'obsédante présence de slogans, de clichés et de stéréotypes, la verticalité éditoriale, l'absence d'investigation et de polyphonie donnent à lire une presse peu soucieuse du "service public".