RELATIONS
INTERNATIONALES- GOUVERNEMENT- FRANCE/ENTRETIEN
PRÉSIDENT
A. TEBBOUNE « L’OPINION » (FÉVR. 2025)
Dans
un contexte de tensions diplomatiques aigües entre Alger et Paris, le président
Abdelmadjid Tebboune s’est exprimé, dimanche 2 février 2025, sur les
colonnes du quotidien français, L’Opinion, dans un entretien exclusif.
Précis et percutant, le chef de l’Etat n’a éludé aucune question et déclaré : «Nous perdons du temps avec le président Macron.» Affirmant
que la relation de l’Algérie avec la France risque d’atteindre un point de non retour, Abdelmadjid Tebboune a explicité sa déclaration
: «Je maintiens le cheveu de Mu’awiya»,
affirmant «faire beaucoup» pour ne pas «tomber dans une séparation qui
deviendrait irréparable» avec la France. «Le climat
est délétère», dira le chef de l’Etat pour décrire l’état actuel des
relations avec la France, affichant sa grande déception : «Nous perdons du
temps avec le Président Macron. Nous avions beaucoup d'espoirs de dépasser le
contentieux mémoriel. C'est pour cela que nous avons créé, à mon initiative,
une commission mixte pour écrire cette histoire qui nous fait encore mal. Et
pour dépolitiser ce dossier.» Et d’ajouter : «Mais plus rien n'avance si ce n'est les relations
commerciales. Le dialogue politique est quasiment interrompu. Il y a ces
déclarations hostiles tous les jours de politiques français comme celles du
député de Nice, Eric Ciotti, qui qualifie l'Algérie d' ‘’Etat voyou’’ ou du petit jeune du Rassemblement
national qui parle de ‘’régime hostile et provocateur’’. Et ces personnes
aspirent un jour à diriger la France... Personnellement, je distingue la
majorité des Français de la minorité de ses forces rétrogrades et je
n'insulterai jamais votre pays.»
Questionné si la reconnaissance de la «marocanité du Sahara»
était à l’origine de la crise entre l’Algérie et la France, le chef de l’Etat a
répliqué : «Nous avons parlé avec le Président Macron plus de 2 heures 30 en
marge du sommet du G7 à Bari, le 13 juin dernier (…) Il m'a alors annoncé qu'il
allait faire un geste pour reconnaître la «marocanité» du Sahara occidental, ce
que nous savions déjà. Je l’ai alors prévenu ‘‘Vous faites une grave erreur! Vous n'allez rien gagner et vous allez nous perdre.
Et vous oubliez que vous êtes un membre permanent du Conseil de sécurité, donc
protecteur de la légalité internationale, alors que le Sahara occidental est un
dossier de décolonisation pour l'ONU qui n'a toujours pas été réglé’’.» Dénonçant fortement «une
campagne systématique de dénigrement», menée par la droite et l’extrême
droite françaises, le chef de l’Etat a répondu à ces nostalgiques de l’Algérie
françaises qui réclament aujourd’hui la suspension de l’octroi des visas, la
dénonciation des accords sur la circulation des personnes, le gel de l’aide et
des transferts financiers. A ceux qui accusent l’Algérie d’utiliser la Guerre
de Libération comme une rente mémorielle, le Président Tebboune rappelle
qu’«honorer ses ancêtres», ce n’est pas une rente
mémorielle. D’ailleurs «jusqu'à aujourd'hui, la France
commémore encore ses soldats et résistants tombés dans la guerre contre
l'Allemagne, ses cinéastes font des films (…) Et vous voudriez nous interdire
d'effectuer notre propre travail de mémoire ? Ce qui s'est passé chez nous est
unique en Afrique. C'est le seul cas de colonisation de peuplement où l'on a
amené des Européens par bateau sur un sol étranger pour en faire une terre
française. Nos résistants ont été massacrés par centaine de milliers... ». À
Marine Le Pen qui a affirmé qu’il «faut faire avec
l’Algérie ce que Trump a fait avec la Colombie», la réponse du Président a
été cinglante : «(...) Les responsables du RN ne connaissent que l'utilisation
de la force. II y a encore dans l'ADN de ce parti des restes de l'OAS pour
laquelle il fallait tout régler par la grenade et les attentats. Et comparaison
n'est pas raison, les relations entre les États Unis et la Colombie n'ont rien
à voir avec les nôtres. Les Américains n'ont pas colonisé l'Amérique latine. Et
Donald Trump cherche à régler une question migratoire. Moi, je m'interroge sur la
manière dont Madame Le Pen va s'y prendre si elle parvient au pouvoir,
veut-elle une nouvelle rafle du Vel d’Hiv et parquer tous les Algériens avant
de les déporter ? L'Algérie est la troisième économie et la deuxième puissance
militaire africaine. Nous sommes conciliants, nous allons doucement, nous
sommes préts à dialoguer, mais le recours à la force
est un non-sens absolu.» Quant à l’aide au
développement, le chef de l’État a dû sûrement esquisser un sourire en
répondant à l’euro-députée de Reconquête, Sarah Knafo : «Cela relève d'une
profonde méconnaissance de l'Algérie. C'est de l'ordre de 20 à 30 millions par
an. Le budget de l'État algérien est de 130 milliards de dollars et nous
n'avons pas de dette extérieure. Nous finançons chaque année 6.000 bourses
africaines pour venir étudier chez nous, une route de plus d'un milliard de
dollars entre notre pays et la Mauritanie et venons d'effacer 1,4 milliard de
dette à douze pays africains. Nous n'avons pas besoin de cet argent qui sert
avant tout les interéts d'influence extérieure de la
France.» Les gesticulations de Bruno Retailleau
n’ont pas été oubliées par Abdelmadjid Tebboune, qui a assuré que ce dernier a
voulu faire un coup politique en forçant l’expulsion de l’influenceur «Doualemn», tout en reprochant à
Paris de donner «la nationalité ou le droit d’asile» à des criminels algériens
en col blanc et subservifs. «Nous
aimerions aussi que la France accède à nos demandes d’extradition, comme
l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne. Or, curieusement, nous constatons que Paris
donne la nationalité ou le droit d’asile à des personnalités qui ont commis des
crimes économiques, ou qui se livrent à de la subversion sur le territoire
français. Certains, d’après nos informations, ont même été recrutés par vos
services comme informateurs.» Le Président a dénoncé,
par ailleurs, l’instrumentalisation faite des accords de 1968, qualifiés
de «coquille vide, pour rallier les extrémistes comme
du temps de Pierre Poujade». Abdelmadjid Tebboune a affirmé que «le dossier de la décontamination des sites nucléaires est
obligatoire sur les plans humain, moral, politique et militaire». Il a laissé
entendre que la coopération sécuritaire pourrait reprendre, mais
prévient : «Il appartient à la France de traiter les
cas des jihadistes qui se sont radicalisés sur son territoire». Questionné,
enfin, s’il était disposé à reprendre le dialogue, à condition qu’il y ait des
déclarations politiques fortes, le Président répond : «Tout
à fait. Ce n’est pas à moi de les faire. Pour moi, la République française,
c’est d’abord son Président. Il y a des intellectuels et des hommes politiques
que nous respectons en France, comme Jean-Pierre Chevènement, JeanPierre Raffarin, Ségoléne
Royal et Dominique de Villepin, qui a bonne presse dans tout le monde arabe,
parce qu’il représente une certaine France qui avait son poids. II faut aussi
qu’ils puissent s’exprimer et ne pas laisser ceux qui se disent journalistes
leur couper la parole et les humilier, particulièrement dans les médias de
Vincent Bolloré, dont la mission quotidienne est de détruire l’image de
l’Algérie. Nous n’avons aucun problème avec les autres médias, qu’ils soient du
secteur public ou privé.»
.
JE DISTINGUE LA MAJORITÉ DES FRANÇAIS DE CETTE
MINORITÉ RÉTROGRADE. «L’ALGÉRIE SERAIT PRÊTE À NORMALISER
SES RELATIONS AVEC ISRAËL LE JOUR-MÊME OÙ IL Y AURA UN ÉTAT PALESTINIEN.» ...
TOUT CE QUI EST «RETAILLEAU»
EST DOUTEUX, COMPTE TENU DE SON HOSTILITÉ ENVERS L’ALGÉRIE. ... J
E N’AI PAS L’INTENTION DE M’ÉTERNISER AU POUVOIR. JE RESPECTERAI
LA CONSTITUTION ALGÉRIENNE.» ...
LE RECTEUR DE
LA GRANDE MOSQUÉE DE PARIS A ÉTÉ CHOISI EN CONCERTATION AVEC L’ÉTAT FRANÇAIS.
...
IL FAUT
LAISSER S’EXPRIMER LES VOIX DE LA CONCERTATION EN France
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune
a abordé le cas de Boualem Sansal, cet écrivain qu’une partie de la classe
politique et des médias français s’acharnent à défendre contre vents et marées.
Il a dit, à son propos : «C’est d’abord un algérien
depuis soixante-quatorze ans. Il a eu un poste de direction au ministère de
l’Industrie. C’est un retraité algérien. Le Parlement européen a adopté une
résolution pour sa libération. Mais les parlements panafricain, arabe et
islamique se sont montrés solidaires avec l’Algérie.»
Niant toute maltraitance envers le détenu, il a précisé : «Il
est sous mandat de dépôt. C’est la loi algérienne. Il a eu un check-up complet
à l’hôpital, il est pris en charge par des médecins et sera jugé dans le temps
judiciaire imparti. Il peut téléphoner régulièrement à sa femme et à sa fille.» Interrogé par le journal français sur l’éventualité que
Sansal bénéficie d’une grâce présidentielle, le président de la République a
répondu : «Je ne peux présager de rien.»