RELATIONS
INTERNATIONALES- PALESTINE- GAZA/HAMAS/FRANCE 24 (I/II)
© https://www.france24.com/fr/moyen-orient/ Mardi 21 janvier 2025
Plus de 46
000 morts officiellement recensés, 9 Gazaouis sur 10 déplacés, 70 %
des bâtiments endommagés ou détruits... et au milieu des ruines de la bande
de Gaza,
le Hamas toujours
debout. Alors que la trêve entre
Israël et le Hamas s'est poursuivie, lundi 20 janvier, avec la libération
de 90 détenus palestiniens, le
mouvement islamiste au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007 est parvenue à
s'adapter et à maintenir son contrôle sur l'enclave. Et ce malgré un net recul
de ses capacités opérationnelles.
Après 15
mois d'intenses bombardements et d'une vaste opération au sol, l'armée
israélienne revendique avoir éliminé 17 000 combattants du Hamas,
soit les deux tiers des 25 000 à 35 000 hommes que comptait le mouvement
avant les attaques terroristes du 7-Octobre. Des
déclarations à prendre toutefois avec précaution, selon experts militaires.
L'ACLED, une ONG qui recense les victimes de conflits dans le monde, parle
plutôt de 8 500 combattants neutralisés, soit moitié moins que le chiffre
avancé par l'État hébreu.
Dans le
même temps, l'armée israélienne a détruit une large partie de son arsenal et
a concentré ses efforts sur la traque des dirigeants du Hamas, cherchant à
porter un coup décisif à son organisation. Mais l’assassinat de ses chefs, en
particulier de celui de Yahya Sinouar, cerveau du 7-Octobre, n'a pas entraîné
son effondrement.
"Le Hamas n’est pas un bon candidat pour une
stratégie de décapitation. C’est une organisation très connectée avec un agenda
politique. C'est aussi un groupe bien établi, qui existe depuis plus de 40 ans,
disposant de bureaux hors de Gaza qui l’aideront à survivre. Il bénéficie aussi
d’une aide importante de l’Iran. Or, aucun groupe armée soutenu par un État n’a
jamais cessé d’exister uniquement parce que son chef était mort", détaille
Tewfik Hamel, enseignant-chercheur et docteur en
histoire militaire.
Pour
succéder à Yahya Sinouar, son frère
Mohammad, vétéran des brigades al-Qassam, a pris les rênes de la banche
armée du Hamas à Gaza. Cet homme de l'ombre, fin tacticien réputé pour son
intransigeance et sa brutalité, a ainsi permis d'assurer une forme de
continuité au sein du leadership du mouvement.
Guérilla urbaine
"Dimanche (19 janvier), les membres des brigades
al-Qassam ont défilé en nombre dans Gaza. C'était une
manière de montrer que l'accord de trêve était en leur faveur et que même si la
bande de Gaza avait été entièrement détruite, le Hamas, lui, n'était pas
détruit", décrypte Leila Seurat, chercheuse au Centre arabe de
recherches et d’études politiques de Paris Carep,
autrice du livre "Le Hamas et le monde" (Ed.CNRS). "Non seulement le Hamas ne s'est pas
effondré militairement mais, dernièrement, des analystes israéliens et
américains ont évoqué le fait qu'il s'était reconstitué très vite, notamment
dans le Nord, dans une zone où pourtant les combats ont été extrêmement
violents".
Antony Blinken,
l'ancien secrétaire d’État américain, a indiqué le 14 janvier lors d'une
conférence de presse que le Hamas avait "recruté presque autant de
nouveaux militants qu’il en a perdus", illustrant la difficulté à offrir
"un horizon politique crédible" aux Palestiniens de Gaza.
Même sous-équipées et peu entraînées, ces nouvelles
recrues parviennent à tenir tête à l'armée la plus puissante de la région. Ces
combattants profitent de leur avantage dans le cadre de combats rapprochés en milieu
urbain, de leur connaissance du terrain ainsi que du réseau de tunnels bâti par
le Hamas, partiellement détruit par l'armée israélienne.
"Les nouveaux combattants du Hamas, malgré leur
manque d'expérience, lancent des attaques surprises avec de petites cellules
composées de quelques combattants seulement, en utilisant des armes légères et
des armes antichars qui ne nécessitent pas de formation militaire
approfondie", explique Tewfik Hamel.
"Dans
le combat corps à corps, les militants du Hamas dominent le terrain", juge
Leïla Seurat. Plus que la pression accrue de Washington et de l'opinion
publique israélienne, "c'est ce facteur qui a conduit Netanyahu à se résoudre
à accepter tous les termes de la trêve déjà
approuvés par les médiateurs et le Hamas il y a plusieurs mois",
ajoute-t-elle.
Une fenêtre de sécurité pour Israël
Mobilisée
pendant de longs mois, l'armée israélienne sort durement éprouvée de ce
conflit. Depuis le début de l’offensive terrestre à Gaza, plus de 400 soldats
israéliens sont morts dans l'enclave. Jusqu’à maintenant, la guerre la plus
meurtrière à Gaza avait été celle de 2014, où 66
soldats israéliens avaient été tués en un mois et demi de combats.
L'armée
israélienne paye aussi le prix fort sur le plan de son image. Accusée d'usage
disproportionné de la force, voire de génocide, sa
réputation a été ternie ces derniers mois tandis qu'Israël a rarement été aussi
isolé sur la scène internationale, comme en témoigne le mandat
d''arrêt de la CPI émis contre Benyamin Netanyahu.
Si Israël n'est pas parvenu à anéantir le Hamas,
l'État hébreu s'est en revanche offert une longue fenêtre de sécurité en affaiblissant
la branche armée du mouvement islamiste qui "n’est plus en mesure de mener
une attaque de type 7-Octobre même si elle conserve des capacités de nuisances
considérables", estime Tewfik Hamel.